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Royauté ou monarchie Française et sciences , etc....

6 janvier 2012

Jeanne d'Arc wiki

Jeanne d'Arc

Page d'aide sur l'homonymie Pour les articles homonymes, voir Jeanne d'Arc (homonymie).
Blason de Jeanne d'Arc. Jeanne d’Arc
Jeanne d'Arc au sacre du roi Charles VII, toile de Dominique Ingres (1780-1867)
Jeanne d'Arc au sacre du roi Charles VII, toile de Dominique Ingres (1780-1867)

Surnom La Pucelle d'Orléans
Naissance 6 janvier 1412
Domrémy
Décès 30 mai 1431 (à 19 ans)
Rouen
Origine Blason de la Lorraine. Lorraine ou Blason du Royaume de France. Royaume de France
Allégeance Blason du Royaume de France. Royaume de France
Années de service 1428 - 1430
Conflits Guerre de Cent Ans
Faits d'armes Siège d'Orléans
Bataille de Jargeau
Bataille de Meung-sur-Loire
Raid sur Reims
Bataille de Patay
Famille Fille de Jacques d'Arc, et d'Isabelle Romée ; 3 frères et 1 sœur : Jacques, Jean, Pierre, et Catherine

Jeanne d'Arc, née le 6 janvier 1412 à Domrémy, morte sur le bûcher le 30 mai 1431 à Rouen, est une figure emblématique de l'histoire de France et une sainte de l'Église catholique.

Au début du XVe siècle, elle mène victorieusement les troupes françaises contre les armées anglaises, levant le siège d'Orléans, conduisant le dauphin Charles au sacre à Reims et contribuant ainsi à inverser le cours de la guerre de Cent Ans.

Capturée par les Bourguignons à Compiègne, elle est vendue aux Anglais par Jean de Luxembourg pour la somme de dix mille livres, et condamnée à être brûlée vive en 1431 après un procès en hérésie. Entaché de nombreuses et importantes irrégularités, ce procès est cassé par le pape Calixte III en 1456, et un second procès en réhabilitation conclut à son innocence et l'élève au rang de martyre. Elle est béatifiée en 1909 et canonisée en 19201. Elle est l'une des quatre saintes patronnes secondaires de la France.

Jeunesse

Famille et enfance

Jeanne d'Arc est née à Domrémy, village situé aux marches de la Champagne, du Barrois et de la Lorraine, pendant la guerre de Cent Ans qui opposait la France à l'Angleterre. Fille de Jacques d'Arc et d'Isabelle Romée, elle faisait partie d'une famille de cinq enfants : Jeanne, Jacques, Catherine, Jean et Pierre.

Jeanne (ou Jeannette, comme on l'appelait à Domrémy où elle grandit) fut décrite par tous les témoins comme très pieuse ; elle aimait notamment se rendre, chaque dimanche, à la chapelle de Bermont, près de Greux, pour y prier. Les témoignages de ses voisins lors de ses futurs procès rapportent qu'à cette époque, elle fait les travaux de la maison, du filage, aide aux moissons ou garde occasionnellement des animaux, activité loin du mythe de la bergère qui utilise le registre poétique de la pastourelle et le registre spirituel de Jésus le bon berger2.

Les réponses qu'elle a faites à ses juges, conservées dans les minutes de son procès, révèlent une jeune femme courageuse, dont le franc-parler et l'esprit de repartie se tempèrent d'une grande sensibilité face à la souffrance et aux horreurs de la guerre, comme devant les mystères de la religion.

Aucune source ne permet de déterminer exactement les origines de Jeanne d'Arc, ni ses date et lieu de naissance : les témoignages d'époque sont imprécis, Domrémy ne possédait pas3 de registre paroissial, et les discussions restent nombreuses sur ces points.

Jeanne, « la bonne Lorraine »

Jeanne d’Arc la Lorraine
Médaille de Jeanne d’Arc, « la bonne Lorraine ».

L'usage de la particule n'indique rien quant à de possibles origines nobles, une particule pouvant être portée tant par des roturiers que par des nobles. Jacques d'Arc, habituellement considéré comme laboureur, ou pour d'autres historiens comme ayant le rang de collecteur de l'impôt, semble aussi avoir été métayer4 et paraît ainsi avoir émigré d'Arc-en-Barrois (en Champagne), avec l'accord de son seigneur. Dès lors, il dépend du titulaire des droits sur Domrémy où il a fondé son foyer.

Au début du XVe, Domrémy se trouve imbriquée dans un territoire aux suzerainetés diverses. Sur la rive gauche de la Meuse, elle peut relever du Barrois mouvant, pour lequel le duc de Bar, par ailleurs souverain dans ses États, prête hommage au roi de France depuis 1301. Mais elle semble être plutôt rattachée à la châtellenie de Vaucouleurs, sous l'autorité directe du roi de France qui y nomme un capitaine (le sire de Baudricourt, au temps de Jeanne d'Arc). Enfin, l'église de Domrémy dépend de la paroisse de Greux, au diocèse de Toul dont l'évêque est prince du Saint-Empire germanique.

Colette Beaune précise5 que Jeanne est née dans la partie sud de Domrémy, côté Barrois mouvant (et donc lorrain), dans le bailliage de Chaumont-en-Bassigny et la prévôté d'Andelot. Toutefois, si les juges de 1431 corroborent cette thèse, de même que Jean Chartier ou Perceval de Cagny, Perceval de Boulainvilliers considère pour sa part qu'elle est née dans la partie nord, qui relevait de la châtellenie de Vaucouleurs et donc du royaume de France dès 1291.

L'âge de la martyre

On ignore l'âge exact de Jeanne d'Arc lors de son supplice.
La version officielle, construite à partir du procès qui s'est tenu à Rouen, nous transmet que Jeanne a dit être née à Domrémy, et qu'elle a 18 ou 19 ans au moment de son procès. Une source la donne née le jour de l'Épiphanie sans précision sur l'année, le 6 janvier 1412, mais par ailleurs une plaque apposée sur le parvis de la cathédrale de Toul indique que « s'étant présentée seule lors d'un procès matrimonial intenté par son fiancé en 1428 », elle aurait donc été majeure à ce moment-là (20 ans selon le droit local) et émancipée de la responsabilité parentale6. Jeanne est brûlée vive à Rouen le 30 mai 1431.

Contexte politique (1407—1422)

Territoires contrôlés par les Anglais, leurs alliés bourguignons et les Français en 1435

Durant la guerre de Cent Ans, la plupart des régions du nord et sud-ouest du territoire français sont contrôlées depuis 1420 par les Anglais.

Le roi de France Charles VI, dit « Charles le Fol », ne dispose pas de toutes ses facultés mentales. La légitimité de son dernier fils survivant, le dauphin Charles, héritier de la couronne, est contestée, du fait des aventures qu'aurait eues sa mère Isabeau de Bavière (en particulier avec Louis d'Orléans).

Depuis l'assassinat de Louis d'Orléans en novembre 1407, le pays est déchiré par une guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons. Ceux-ci se disputent le pouvoir au sein du conseil de régence présidé par la reine Isabeau du fait de la folie de son époux. Profitant de ce conflit, Henri V, roi d'Angleterre relance les hostilités et débarque en Normandie en 1415. La chevalerie française subit un désastre à Azincourt, face aux archers gallois. En effet, les Anglais, ayant une maîtrise parfaite du tir à l'arc long (longbow) et, bien abrités des charges par des pieux disposés à l'avance, déciment sous une pluie de flèches la chevalerie française dont les chevaux ne sont pas encore protégés. Ils vont ainsi devenir maîtres des batailles à terrain découvert malgré leur nette infériorité numérique, jusqu'à ce qu'apparaisse l'artillerie de campagne qui donnera l'avantage aux Français en fin de conflit.

À Domrémy, on apprend que le duc Edouard III, son frère, le seigneur de Puysaye et son petit-fils le comte de Marle, sont tombés au combat. Le duché échoue au frère survivant du duc défunt, Louis, évêque de Verdun, lequel est un temps contesté par le duc de Berg, gendre du feu duc.

Lors de l'entrevue de Montereau le 10 septembre 1419, le dauphin Charles et Jean sans Peur doivent se réconcilier, pour faire face à l'ennemi. Mais malheureusement, au cours de cette rencontre, Jean sans Peur est poignardé par un homme du dauphin, probablement Tanneguy du Chastel. En réaction à cet assassinat, le fils de Jean sans Peur, Philippe le Bon, se rallie aux Anglais imité en cela par la puissante Université de Paris.

Alliés au puissant duc de Bourgogne, les Anglais peuvent imposer en 1420 le Traité de Troyes, qui est signé entre le roi Henri V d'Angleterre et Isabeau de Bavière, reine de France et régente. Selon les termes de ce traité, Henri V se marie à Catherine de Valois, fille de Charles VI ; à la mort de Charles VI, la couronne doit revenir à leur descendance, réunissant les deux royaumes.

Ce traité, qui spolie le dauphin de son droit de succession (car considéré être enfant illégitime et assassin présumé du duc de Bourgogne), est contesté par la noblesse française. À la mort de Charles VI en 1422, la France n'a donc plus de roi ayant été sacré. La couronne de France est alors revendiquée par le roi d'Angleterre encore mineur, Henri VI qui vient de succéder à son père.

Article détaillé : traité de Troyes.

De Domrémy à Chinon : 1428 - février 1429

Jeanne d'Arc
(basilique du Bois-Chenu, Domrémy, 4 avril 2004) Copie de la sculpture faite par la princesse Marie d'Orléans
Jeanne d'Arc ayant la vision de l'archange saint Michel
Toile d'Eugène Thirion (1876)

À treize ans, Jeanne affirme avoir entendu dans le jardin de ses parents les voix célestes des saintes Catherine et Marguerite et de l'archange saint Michel lui demandant d'être pieuse, de libérer le royaume de France de l'envahisseur et de conduire le dauphin sur le trône. Les intrusions anglo-bourguignonnes menacent la Lorraine. Craignant le pillage et les massacres pour son village de Domré, les expériences mystiques se multiplient à mesure que les troubles dans la région augmentent mais, effrayée, elle ne les révèle qu'à l'âge de 16 ans à son oncle Durand Laxart7. Après beaucoup d'hésitations, son oncle l'emmenène rencontrer Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, forteresse voisine de Domrémy. Demandant à s'enrôler dans les troupes du dauphin, elle demande audience à Robert de Baudricourt, seule une lettre de crédit de sa main lui ouvrirait les portes de la Cour. Le seigneur local la prend pour une illuminée et conseille Laxart de ramener sa nièce chez ses parents avec une bonne gifle8. L'année suivante, les Anglo-bourguignons attaquent Domrémy, elle et sa famille se réfugient à Neufchâteau puis Jeanne acquiert une certaine notoriété lorsque le duc malade Charles II de Lorraine lui donne un sauf-conduit pour lui rendre visite à Nancy. Finalement Jeanne s'installe à Vaucouleurs. Elle y est adoptée par la population qui la soutient, avide en ces temps troublés de prophéties encourageantes. Baudricourt finit par la prendre au sérieux après que la jeune paysanne illettrée lui a annoncé par avance la journée des Harengs et l'arrivée concomitante de Bertrand de Poulengy, jeune seigneur proche de la maison d'Anjou. Il lui donne une escorte de quelques hommes liés à Yolande d'Aragon, les deux écuyers Jean de Metz et Bertrand de Poulengy qui resteront fidèles à Jeanne tout au long de son aventure, ainsi qu'un courrier, le messager royal Colet de Vienne7. Avant son départ pour le royaume de France, Jeanne ira se recueillir dans l'ancienne église de Saint-Nicolas-de-Port, dédiée au saint patron du duché de Lorraine.

Portant des habits masculins (ce qu'elle fera jusqu'à sa mort, excepté pour sa dernière fête de Pâques), elle traverse incognito les terres bourguignonnes et se rend à Chinon où elle est finalement autorisée à voir le dauphin Charles, après réception d'une lettre de Baudricourt. La légende de « l'envoyée de Dieu », peu probable, raconte qu'elle fut capable de reconnaître Charles, vêtu simplement au milieu de ses courtisans9, et lui parle de sa mission lors d'une entrevue privée. En réalité, arrivée à Chinon le 23 février, elle n'est reçue par le roi que deux jours plus tard, non dans la grande salle de la forteresse mais dans ses appartements privés, la grande réception devant la Cour à l'origine de la légende n'ayant lieu qu'un mois plus tard10. Par superstition[réf. nécessaire], Jeanne est logée dans la tour du Coudray, celle où Jacques de Molay fut emprisonné11. Jeanne annonce clairement quatre événements : la libération d'Orléans, le sacre du roi à Reims, la libération de Paris et la libération du duc d'Orléans. Après l'avoir fait interroger par les autorités ecclésiastiques à Poitiers où des docteurs en théologie réalisent son examen de conscience et où des matrones, supervisées par Yolande d'Aragon, constatent sa virginité (exigence pour une une « envoyée de Dieu » ? Vérification qu'elle n'est pas un homme ? Pour ne pas donner prise à ses ennemis qui la qualifient de « putain des Armagnac » 12), et après avoir fait une enquête à Domrémy, Charles donne son accord pour envoyer Jeanne à Orléans assiégée par les Anglais, non pas à la tête d'une armée, mais avec un convoi de ravitaillement13. Ce sera à Jeanne de faire ses preuves.

Jeanne la Pucelle, chef de guerre : avril 1429 - mai 1430

Statue dans la cathédrale de Reims
(mars 2006)

Ses frères la rejoignent. On l'équipe d'une armure et d'une bannière blanche frappée de la fleur de lys, elle y inscrit Jesus Maria, qui est aussi la devise des ordres mendiants (les dominicains et les franciscains). En partance de Blois pour Orléans, Jeanne expulse ou marie les prostituées de l'armée de secours et fait précéder ses troupes d'ecclésiastiques. Arrivée à Orléans le 29 avril, elle apporte le ravitaillement et y rencontre Jean d'Orléans, dit « le Bâtard d'Orléans », futur comte de Dunois. Elle est accueillie avec enthousiasme par la population, mais les capitaines de guerre sont réservés. Avec sa foi, sa confiance et son enthousiasme, elle parvient à insuffler aux soldats français désespérés une énergie nouvelle et à contraindre les Anglais à lever le siège de la ville dans la nuit du 7 au 8 mai 1429.

Articles détaillés : Siège d'Orléans et Bataille de Patay.

Après cette victoire (encore célébrée à Orléans au cours des « Fêtes johanniques », chaque année du 29 avril au 8 mai), on la surnomme la « Pucelle d'Orléans ». Après le nettoyage de la vallée de la Loire grâce à la victoire de Patay (où Jeanne d'Arc ne prit pas part aux combats), le 18 juin 1429, remportée face aux Anglais, Jeanne se rend à Loches et persuade le dauphin d'aller à Reims se faire sacrer roi de France.

Pour arriver à Reims, l'équipée doit traverser des villes sous domination bourguignonne qui n'ont pas de raison d'ouvrir leurs portes, et que personne n'a les moyens de contraindre militairement. Selon Dunois, le coup de bluff aux portes de Troyes entraîne la soumission de la ville mais aussi de Châlons-en-Champagne et Reims. Dès lors, la traversée est possible.

Article détaillé : Raid sur Reims.
1429     Territoires contrôlés par Henri V      Territoires contrôlés par le duc de Bourgogne      Territoires contrôlés par le dauphin Charles      Principales batailles

      Raid Anglais de 1415

      Itinéraire de Jeanne d'Arc vers Reims en 1429

Le 17 juillet 1429, dans la cathédrale de Reims, en la présence de Jeanne d'Arc, Charles VII est sacré par l'archevêque Renault de Chartres. Le duc de Bourgogne, en tant que pair du royaume, est absent, Jeanne lui envoie une lettre le jour même du sacre pour lui demander la paix. L'effet politique et psychologique de ce sacre est majeur. Reims étant au cœur du territoire contrôlé par les Bourguignons et hautement symbolique, il est interprété par beaucoup à l'époque comme le résultat d'une volonté divine. Il légitime Charles VII qui était déshérité par le traité de Troyes et soupçonné d'être en réalité le fils illégitime du duc d'Orléans et d'Isabelle de Bavière.

Cette partie de la vie de Jeanne d'Arc constitue communément son épopée : ces événements qui fourmillent d'anecdotes où les contemporains voient régulièrement des petits miracles, le tout conforté par leurs références explicites dans les procès, ont grandement contribué à forger la légende et l'histoire officielle de Jeanne d'Arc. La découverte miraculeuse de l'épée dite de « Charles Martel » sous l'autel de Sainte-Catherine-de-Fierbois, en est un exemple. Le mythe de la chef de guerre commandant les armées de Charles VII en est un autre. C'est le duc de Bedford, pour minimiser la portée de la délivrance d'Orléans et les défaites ultérieures qui lui attribue le rôle de chef de guerre envoyé par le diable. Les conseillers du roi se méfiant de son inexpérience et de son prestige, ils la font tenir à l'écart des décisions essentielles tandis que le commandement est successivement confié à Dunois, au duc d'Alençon, Charles d'Albret ou le maréchal de Boussac14.

Article détaillé : Siège de Paris (1429).

Dans la foulée, Jeanne d'Arc tente de convaincre le roi de reprendre Paris aux Bourguignons, mais il hésite. Jeanne mène une attaque est sur Paris (porte Saint-Honoré), mais doit être rapidement abandonnée. Le Roi finit par interdire tout nouvel assaut : l'argent et les vivres manquent et la discorde règne au sein de son conseil. C'est une retraite forcée vers la Loire, l'armée est dissoute.

Vitrail de l'église Saint-Jacques, Compiègne

Jeanne repart néanmoins en campagne : désormais elle conduit sa propre troupe et donc rien ne la distingue des chefs de guerres indépendants, elle ne représente plus le roi. Ses troupes lutteront contre des capitaines locaux, mais sans beaucoup de succès. Le 4 novembre 1429, « la Pucelle » et Charles d'Albret s'emparent de Saint-Pierre-le-Moûtier. Le 23 novembre, ils mettent le siège devant La Charité-sur-Loire pour en chasser Perrinet Gressart. Pour Noël, Jeanne a regagné Jargeau suite à l'échec du siège15.

Jeanne est alors conviée à rester dans le château de la Trémouille à Sully-sur-Loire. Quittant le roi sans prendre congé, elle s'échappera rapidement de sa prison dorée, pour répondre à l'appel à l'aide de Compiègne, assiégée par les Bourguignons. Finalement, elle est capturée par les Bourguignons lors d'une sortie aux portes de Compiègne le 23 mai 1430. Elle essaie de s'échapper par deux fois, mais échoue. Elle se blessera même sérieusement en sautant par une fenêtre au château de Beaurevoir. Elle est rachetée par les Anglais pour dix mille livres et confiée à Pierre Cauchon, évêque de Beauvais et allié des Anglais.

Le procès et la condamnation (1431)

Le procès

Tour Jeanne-d'Arc, tour du château de Philippe Auguste à Rouen

Lors de son procès qui dura du 21 février au 23 mai 143116, elle est accusée d'hérésie et interrogée sans ménagement à Rouen. Elle est emprisonnée dans le donjon du château de Philippe Auguste ; seule une tour de la construction est parvenue jusqu'à nous et appelée maintenant « tour Jeanne-d'Arc ». Jugée par l'Église, elle reste néanmoins emprisonnée dans les prisons anglaises, au mépris du droit canon.

Si ses conditions d'emprisonnement sont particulièrement difficiles, Jeanne n'a néanmoins pas été soumise à la question pour avouer, c'est-à-dire à la torture. Or à l'époque, la torture était une étape nécessaire à un « bon procès ». Cette surprenante absence de torture a servi d'argument pour une origine « noble » de Jeanne d'Arc. Les bourreaux n'auraient pas osé porter la main sur elle17.

Le procès débute le 21 février 1431. Environ cent vingt personnes y participent, dont vingt-deux chanoines, soixante docteurs, dix abbés normands, dix délégués de l'Université de Paris. Leurs membres furent sélectionnés avec soins. Lors du procès de réhabilitation, plusieurs témoignèrent de leur peur. Ainsi, Richard de Grouchet déclare que c'est sous la menace et en pleine terreur que nous dûmes prendre part au procès ; nous avions l'intention de déguerpir. Pour Jean Massieu, il n'y avait personne au tribunal qui ne tremblât de peur. Pour Jean Lemaître, Je vois que si l'on agit pas selon la volonté des Anglais, c'est la mort qui menace.

Une dizaine de personnes sont actifs lors du procès, tels Jean d'Estivet, Nicolas Midy ou Nicolas Loyseleur. Mais, les enquêteurs, conduits par l'évêque de Beauvais, Mgr Cauchon, ne parviennent pas à établir un chef d'accusation valable : Jeanne semble être une bonne chrétienne, convaincue de sa mission, différente des hérétiques qui pullulent dans un climat de défiance vis-à-vis de l'Église en ces temps troublés. Le tribunal lui reproche par défaut de porter des habits d'homme, d'avoir quitté ses parents sans qu'ils lui aient donné congé, et surtout de s'en remettre systématiquement au jugement de Dieu plutôt qu'à celui de « l'Église militante », c'est-à-dire l'autorité ecclésiastique terrestre. Les juges estiment également que ses « voix », auxquelles elle se réfère constamment, sont en fait inspirées par le démon. L'Université de Paris (Sorbonne), alors à la solde des Bourguignons, rend son avis : Jeanne est coupable d'être schismatique, apostate, menteuse, devineresse, suspecte d'hérésie, errante en la foi, blasphématrice de Dieu et des saints. Jeanne en appelle au Pape, ce qui sera ignoré par les juges.

« Sur l'amour ou la haine que Dieu porte aux Anglais, je n'en sais rien, mais je suis convaincue qu'ils seront boutés hors de France, exceptés ceux qui mourront sur cette terre. »

— Jeanne d'Arc à son procès (le 15 mars 1431)

Condamnation et exécution

Le 24 mai, au cimetière Saint-Ouen de Rouen, les juges mettent en scène une parodie de bûcher pour effrayer Jeanne et la presser de reconnaître ses fautes. Jeanne sous la promesse orale (donc invérifiable) du tribunal de l'incarcérer dans une prison ecclésiastique, signe d'une croix (alors qu'elle savait écrire son nom) l'abjuration de ses erreurs, reconnaissant avoir menti à propos des voix et se soumet à l'autorité de l'Église. Elle est alors renvoyée dans sa prison aux mains des Anglais. S'estimant trompée, elle se rétracte deux jours plus tard, endosse de nouveau des habits d'homme (dans des conditions obscures).
Déclarée « relapse » (retombée dans ses erreurs passées), le tribunal la condamne au bûcher et la livre au « bras séculier ». Le 30 mai 1431, elle est brûlée vive place du Vieux-Marché à Rouen par le bourreau Geoffroy Thérage18.
Elle rend l'âme en criant trois fois « Jésus ». Selon les témoignages, elle est voilée et placée à plus de trois mètres de hauteur17.

Le cardinal de Winchester avait insisté pour qu'il ne reste rien de son corps. Il désirait éviter tout culte posthume de la « pucelle ». Il avait donc ordonné trois crémations successives. La première vit mourir Jeanne d'Arc par intoxication au monoxyde de carbone, la seconde laissa au centre du bûcher les organes calcinés, et de la troisième il ne resta que des cendres et des débris osseux qui furent ensuite dispersés par Geoffroy Thérage19, le bourreau, dans la Seine20 (là où a été construit plus tard le Pont Jeanne-d'Arc) afin qu'on ne puisse pas en faire de reliques.

Reliques

Jeanne au bûcher par Hermann Anton Stilke

De prétendues reliques de Jeanne d'Arc sont conservées au musée d'Art et d'Histoire de Chinon. Propriété de l'archevêché de Tours, elles ont été mises en dépôt dans ce musée en 1963. Le bocal de verre qui les contient a été découvert à Paris en 1867 dans le grenier d'une pharmacie21, située rue du Temple, par un étudiant en pharmacie, M. Noblet22. Le parchemin qui fermait l'ouverture du bocal portait la mention : « Restes trouvés sous le bûcher de Jeanne d'Arc, pucelle d'Orléans ».

Le bocal contient une côte humaine de dix centimètres de long recouverte d'une couche noirâtre, un morceau de tissu de lin d'une quinzaine de centimètres de longueur, un fémur de chat et des fragments de charbons de bois.

Le médecin-légiste français Philippe Charlier, spécialiste de pathographie, qui a analysé les restes à partir de février 2006 avec son équipe de l'hôpital Raymond-Poincaré à Garches (Hauts-de-Seine), conclut qu'il s'agit de restes de momies, à la fois momie humaine et momie animale, d'origine égyptienne datés de la Basse époque et qui auraient pu faire partie soit de la collection d'un cabinet d'amateur soit de la pharmacopée d'un apothicaire avant d'être employés à la confection de ces pseudo-reliques23.

Une analyse microscopique et chimique du fragment de côte montre qu'il n'a pas été brûlé, mais imprégné d'un produit végétal et minéral de couleur noire. Sa composition s'apparente plus à celle du bitume ou de la poix qu'à celle de résidus organiques d'origine humaine ou animale ayant été réduits à l'état de charbon par crémation.

Les « nez » de grands parfumeurs (Guerlain et Jean Patou) ont notamment décelé sur le morceau de côte une odeur de vanille. Or ce parfum peut être produit par « la décomposition d'un corps », comme dans le cas d'une momification, pas par sa crémation.

Le tissu de lin, quant à lui, n'a pas été brûlé, mais teint et a les caractéristiques de celui utilisé par les Égyptiens pour envelopper les momies.

D'autre part, concernant le pollen, il a été noté une grande richesse de pollens de pin, vraisemblablement en rapport avec l'usage de résine en Égypte au cours de l'embaumement.

Enfin, une étude au carbone 14 a daté les restes entre le VIe et le IIIe siècle av. J.‑C., et un examen spectrométrique du revêtement à la surface des os a montré qu'il correspondait à ceux de momies égyptiennes de cette période tardive.

Le procès en réhabilitation : 1455-1456 à Toul

Jeanne d'Arc par Rubens (1620)

Lorsque Charles reprend Rouen, un second procès, à la demande de la mère de Jeanne et sur décret du pape espagnol Calixte III, casse en 1456 le premier jugement pour « corruption, dol, calomnie, fraude et malice » grâce au travail de Jean Brehal. Le Pape ordonna à Thomas Basin, évêque de Lisieux et conseiller de Charles VII, d'étudier en profondeur les actes du procès de Jeanne d'Arc. Son mémoire fut la condition juridique du procès en réhabilitation. Après avoir enregistré les dépositions de nombreux contemporains de Jeanne, dont les notaires du premier procès et certains juges, il déclare le premier procès et ses conclusions « nuls, non avenus, sans valeur ni effet » et réhabilite entièrement Jeanne et sa famille24. Il ordonne également l'« apposition [d'une] croix honnête pour la perpétuelle mémoire de la défunte » au lieu même où Jeanne est morte24. La plupart des juges du premier procès, dont l'évêque Cauchon, sont morts entre temps. Aubert d'Ourches comparait comme vingt-huitième témoin, voici sa déposition du 14 février 1456 lors de la neuvième séance : « La Pucelle me parut être imbue des meilleures mœurs. Je voudrais bien avoir une fille aussi bonne... Elle parlait moult bien »25.

Jeanne d'Arc et son époque : enjeux et problèmes

Jeanne d'Arc et ses contemporains

Jeanne d'Arc fut très populaire de son vivant, la chevauchée vers Reims la fait connaître également à l'étranger. Elle commence à recevoir des courriers sur des questionnements théologiques venant de nombreuses contrées. On lui demandera son avis sur lequel des papes, alors en concurrence, est le vrai. Jeanne se rapproche des ordres mendiants. Elle était une des nombreux prédicateurs en cette époque se disant directement envoyés de Dieu. Même si l'objet principal de sa mission est la restauration du trône de France, la Pucelle prend parti de fait sur le plan théologique et fait débat. Les conflits d'intérêts autour d'elle dépassent la rivalité politique entre les Anglais et les partisans du dauphin.

Ainsi l'Université de Paris, qui était « remplie des créatures du roi d'Angleterre » ne la voit pas d'un bon œil, à l'opposé des théologiens de Poitiers, composée des universitaires parisiens exilés par les Anglais, et également à l'inverse de l'archevêque d'Embrun, des évêques de Poitiers et de Maguelonne, Jean de Gerson (auparavant chancelier de l'université de Paris), l'Inquisiteur général de Toulouse, ou encore l'Inquisiteur Jean Dupuy qui ne voyait que comme enjeux « à savoir la restitution du roi à son royaume et l'expulsion ou l'écrasement très juste d'ennemis très obstinés ». Ces gens d'Église, et autres, soutenaient la Pucelle.

Pour l'éminente autorité religieuse qu'était alors la Sorbonne, le comportement religieux de Jeanne dépasse l'enjeu de reconquête du royaume, et les docteurs en théologie de cette institution la considèrent comme une menace contre leur autorité, notamment à cause du soutien des rivaux de l'Université à Jeanne, et pour ce qu'elle représente dans les luttes d'influence à l'intérieur de l'Église.

Jeanne n'a pas eu non plus que des amis à la cour du dauphin, le parti du favori La Trémouille (dont Gilles de Rais était) se plaça régulièrement en opposition, au conseil du dauphin, face à ses initiatives.

Son rôle dans la guerre de Cent Ans

Jeanne au siège d'Orléans, peinture de Jules Eugène Lenepveu, vers 1886-1890, au Panthéon de Paris

Jeanne d'Arc n'a ni influé à elle seule sur la phase finale de la guerre, qui s'est achevée en 1453, ni été inexistante dans le rôle tactique et stratégique de sa campagne. Dunois parle d'une personne douée d'un bon sens indéniable et tout à fait capable de placer aux points clés les pièces d'artillerie de l'époque. Les faits d'armes sont donc à porter à son crédit même si certaines batailles ont été réglées en partie par de curieux événements. Elle fut en outre un chef indéniablement charismatique.

Sur le plan géopolitique, le royaume de France, même privé de tout ce qui était situé au nord de la Loire, bénéficiait de ressources humaines et matérielles bien supérieures à celles de l'Angleterre, quatre fois moins peuplée. La stratégie de Charles V, qui misait sur le temps, en évitant les combats et en assiégeant une par une les places fortes, a parfaitement montré les limites de l'invasion anglaise.

Cependant, avant l'intervention de Jeanne d'Arc, les Anglais bénéficiaient d'un avantage psychologique extrêmement important lié à plusieurs raisons :

  1. la réputation d'invincibilité de leurs troupes ;
  2. le traité de Troyes qui déshéritait le dauphin Charles et mettait en doute sa filiation à l'égard du roi Charles VI ;
  3. un état d'abattement et de résignation de la population ;
  4. l'alliance avec la Bourgogne.

L'avantage numérique du royaume de France pesait peu. Cette situation faisait qu'en 1429 la dynamique était anglaise.

Jeanne a eu indéniablement le mérite d'inverser l'ascendant psychologique en faveur de la France, en remontant le moral des armées et des populations, en légitimant et sacrant le roi, et en battant les Anglais. Charles VII a eu, lui, l'initiative de se raccommoder avec les Bourguignons, étape indispensable pour la reconquête de Paris. Jeanne d'Arc visiblement ne portait pas les Bourguignons dans son cœur à cause de leur proximité avec son village de Domrémy et des heurts qu'il avait pu y avoir.

L'enjeu de sa virginité

Si « pucelle » signifiait à l'époque simplement « fille » et pas particulièrement « vierge26 », Jeanne mettait aussi en avant sa virginité pour prouver, selon les mœurs de son temps, qu'elle était envoyée de Dieu et non une sorcière et affirmer clairement sa pureté, aussi bien physiquement que dans ses intentions religieuses et politiques. Dès lors vérifier sa virginité devient un enjeu important, étant donné l'importance politique des projets de Jeanne : restaurer la légitimité de Charles, et l'amener au sacre.

Par deux fois, la virginité de Jeanne fut constatée par des matrones, à Poitiers en mars 1429, mais aussi à Rouen, le 13 janvier 1431. Pierre Cauchon (celui-là même qui la fit brûler) avait ordonné ce deuxième examen pour trouver un chef d'accusation contre elle, en vain.

Il est en revanche difficile de savoir ce qui s'est passé entre le jugement et le constat de « relapse », période où Jeanne a été durement maltraitée par ses geôliers, défigurée. Selon Martin Ladvenu, un lord anglais aurait essayé de la forcer dans sa prison, en vain.

Problèmes des sources historiques

Statue de Jeanne d'Arc, place du parvis à Reims
Statue de Jeanne d'Arc à Compiègne

Les deux sources principales sur l'histoire de Jeanne d'Arc sont le procès en condamnation de 1431, et le procès en réhabilitation de 1455-1456. Étant des actes juridiques, elles ont l'immense avantage d'être des retranscriptions les plus fidèles des dépositions. Mais elles ne sont pas les seules : des notices, des chroniques ont également été rédigées de son vivant, telle que la Geste des nobles François, la Chronique de la Pucelle, la Chronique de Perceval de Cagny, ou encore le Journal du siège d'Orléans et du voyage de Reims. Il faut ajouter également les rapports des diplomates et autres informateurs.

C'est Jules Quicherat qui rassemblera de manière quasi-exhaustive l'historiographie johannique entre 1841 et 1849, en 5 volumes. Entre le XVe siècle et le XIXe siècle, une foule d'écrivains, de politiciens, de religieux se sont appropriés Jeanne d'Arc, et leurs écrits sont nombreux. Il faut donc être prudent dans la manipulation des sources : peu lui sont contemporaines, et elles réinterprètent souvent les sources originelles dans le contexte de leur interprète.

Les procès sont des actes juridiques. Les deux procès ont la particularité d'avoir subi une influence politique évidente, et la méthode inquisitoire suppose bien souvent que l'accusée et les témoins ne répondent qu'aux questions posées. De plus le procès de 1431 fut retranscrit en latin (vraisemblablement à l'insu de Jeanne), alors que les interrogatoires étaient en français.

Philippe Contamine, au cours de ses recherches, a constaté une abondance d'écrits dès 1429, et le « formidable retentissement au niveau international » dont cette abondance témoigne. Il remarque également que Jeanne d'Arc fut d'emblée mise en controverse et fit débat par ses contemporains. Enfin, dès le début « des légendes coururent à son sujet, concernant son enfance, ses prophéties, sa mission, les miracles ou les prodiges dont elle était l'auteur. Au commencement était le mythe. »

Il apparaît donc qu'aucun document contemporain de l'époque - hormis les minutes des procès - n'est à l'abri de déformation issue de l'imaginaire collectif. Au cours du procès de réhabilitation, les témoins racontent d'après des souvenirs vieux de 26 ans.

L'anoblissement accordé à Jeanne d'Arc par le roi Charles VII27 pose un autre problème. Il ne reste en effet aucune charte originale pour l'attester, mais uniquement des documents attestant de cet anoblissement rédigés postérieurement. Ces documents dont nous ne savons s'ils sont faux ou déforment une partie de la vérité historique font apparaître que Jeanne d'Arc avait été anoblie par Charles VII et avec elle ses parents, comme il était d'usage pour asseoir la filiation nobiliaire sans contestation, et par conséquent la filiation présente et à venir de ses frères et sœur. En 1614, la descendance fort nombreuse de la famille d'Arc montra qu'elle s'établissait uniquement vers la roture, et le roi leur retira leur titre de noblesse. Par ailleurs, le trésor y gagna en nombreuses pensions, car chaque membre de la lignée pouvait prétendre à indemnisation de la part du trésor pour le sacrifice de Jeanne d'Arc.

Une des copies de la charte d'anoblissement qui nous est parvenue dit que le roi Charles VII la fit Jeanne dame du Lys, sans lui concéder un pouce de terre, ni à elle ni à ses frères et sœur, ce qui était contraire à l'usage de l'anoblissement, car le titre visait à asseoir la propriété de façon héréditaire. En d'autres termes, la faisant dame du Lys, le roi Charles VII la liait au royaume et à la nation mais puisqu'elle s'était vouée à la chasteté et à la pauvreté il ne lui allouait aucun bénéfice terrestre, ce qui privait du même coup sa parentèle de la possibilité d'user convenablement de cet anoblissement puisqu'elle demeurait sans possibilité de s'élever dans la société nobiliaire. Les d'Arc restèrent des roturiers par la force des choses.

Sa reconnaissance

Statue équestre de Jeanne d'Arc par Hippolyte Lefèbvre devant la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre.
Article détaillé : Mythes de Jeanne d'Arc.

Relapse puis héroïne

Christine de Pisan est un des rares auteurs contemporains à avoir fait l'éloge de Jeanne d'Arc, la nouvelle Judith. Villon mentionne en deux vers, parmi les Dames du temps jadis, « Jeanne la bonne Lorraine / Qu'Anglois brûlèrent à Rouen ». Avant le XIXe siècle, l'image de Jeanne d'Arc est défigurée par la littérature. Seule la notice d'Edmont Richier, surtout prolifique sur le plan théologique, apporte un volet historique cependant entaché d'inexactitudes. Chapelain, poète officiel de Louis XIV, lui consacre une épopée malheureusement très médiocre au plan littéraire. Voltaire ne consacre qu'un vers et demi à la gloire de Jeanne d'Arc dans son Henriade, chant VII « ... Et vous, brave amazone, La honte des Anglais, et le soutien du trône. » et en consacra plus de vingt mille à la déshonorer28.

Réhabilitations et exploitations de Jeanne d'Arc

Depuis le XIXe siècle, les exploits de Jeanne d'Arc sont usurpés pour servir certains desseins politiques au mépris de l'histoire. Les arcanes de cette exploitation d'une héroïne qui symbolise la France de façon mythique, voire mystique sont innombrables. On retint surtout les thèses évoquées lors de son procès29 : la mandragore30 suggérée par Cauchon, l’instrument politique destiné à jeter la terreur dans les troupes anglaises, et la si romanesque main de Dieu (qu’on y voit de l’hérésie ou des desseins monarchiques).

Jeanne d'Arc a été réhabilitée en 1817, dans le livre de Philippe-Alexandre Le Brun de Charmettes : Histoire de Jeanne d'Arc, surnommée la Pucelle d'Orléans, tirée de ses propres déclarations, de cent quarante-quatre dépositions de témoins oculaires, et des manuscrits de la bibliothèque du roi de la tour de Londres31. Le travail scrupuleux de cet historien, fondé sur des enquêtes rigoureuses, et l'étude de documents originaux, a souvent été réutilisé comme base de travail par des écrivains français et étrangers, tel Jules Quicherat, qui ont contribué à redonner ses titres de noblesse à la Pucelle d'Orléans32.

Jeanne d'Arc est canonisée en 1920, et Pie XI la proclame sainte patronne secondaire de la France en 192233.

Les autres pucelles

Jeanne des Armoises et Jeanne de Sermaises

Jeanne d'Arc par P.A. Le Brun de Charmettes (L'Orléanide-1817).
Portrait hagiographique de Jeanne d'Arc.

Plusieurs femmes se présentèrent comme étant Jeanne d'Arc affirmant avoir échappé aux flammes. Pour la plupart, leur imposture fut rapidement décelée, mais deux d'entre elles parvinrent à convaincre leurs contemporains qu'elles étaient réellement Jeanne d'Arc : il s'agit de Jeanne des Armoises et de Jeanne de Sermaises, qui étaient peut-être une seule et même personne.

D'après une source tardive (trouvée en 1686 à Metz), Jeanne des Armoises apparut pour la première fois le 20 mai 1436 à Metz où elle rencontre les deux frères de Jeanne d'Arc, qui la reconnaissent pour leur sœur. Il est impossible de déterminer s'ils ont vraiment cru qu'elle était leur sœur ou non. Quoi qu'il en soit, Jeanne des Armoises reste le cas le plus sérieux.

En 1456, après la réhabilitation de la Pucelle, Jeanne de Sermaises apparut en Anjou. Elle fut accusée de s'être fait appeler la Pucelle d'Orléans, d'avoir porté des vêtements d'homme. Elle fut emprisonnée jusqu'en février 1458, et libérée à la condition qu'elle s'habillerait « honnêtement ». Elle disparaît des sources après cette date.

Les « consœurs »

Jeanne d'Arc ne fut pas un cas unique à son époque. Le Journal d'un bourgeois de Paris rapporte un sermon entendu le 4 juillet 1431 faisant référence à trois autres femmes :

« Encore dist il en son sermon qu'ilz estoient IIII, dont les III avoit esté prinses, c'est assavoir ceste Pucelle, et Perronne et sa compaigne, et une qui est avec les Arminalx (Armagnacs), nommée Katherine de La Rochelle ; … et disoit que toutes ces quatre pouvres femme frère Richart le cordelier (…) les avoit toute ainsi gouvernées ; (…) et que le jour de Noel, en la ville de Jarguiau (Jargeau), il bailla à ceste dame Jehanne la Pucelle trois foys le corps de Nostre Seigneur (…) ; et l'avoit baillé à Peronne, celui jour, deux fois (…) »

De ces trois autres femmes, le même Bourgeois de Paris relate l'exécution de Piéronne, qui « estoit de Bretaigne bretonnant » et fut brûlée sur le parvis de Notre-Dame le 3 septembre 1430. Et s'il ne la nomme pas, le Formicarium du frère Jean Nider semble décrire la même exécution.

Interrogée au sujet de Katherine de La Rochelle lors de son procès, Jeanne d'Arc déclara l'avoir rencontrée et lui avoir répondu « qu'elle retournât à son mari, faire son ménage et nourrir ses enfants ».

Elle ajouta : « Et pour en savoir la certitude, j'en parlai à sainte Marguerite ou sainte Catherine, qui me dirent que du fait de cette Catherine n'était que folie, et que c'était tout néant. J'écrivis à mon Roi que je lui dirais ce qu'il en devait faire ; et quand je vins à lui, je lui dis que c'était folie et tout néant du fait de Catherine. Toutefois frère Richard voulait qu'on la mît en œuvre. Et ont été très mal contents de moi frère Richard et ladite Catherine. »

Thèses divergentes sur l'origine de Jeanne d'Arc

Marcel Gay, journaliste à l’Est républicain, et Roger Senzig s'intéressent à Jeanne d'Arc et nient la thèse de l'imposture. Dans L'affaire Jeanne d'Arc34, les auteurs reprennent une thèse inventée par le sous-préfet Pierre Caze en 1802 en prétendant que Jeanne serait la fille illégitime d'Isabeau de Bavière et Louis d'Orléans (mort en 1407), et donc sœur de Charles VII. Elle aurait été confiée, à sa naissance, à la famille d'Arc, discrètement chargée de l'élever. Elle n'aurait jamais été bergère (comme elle le précise deux fois très clairement lors de son procès) et les seules voix qu'elle aurait entendues seraient celles des envoyés de la couronne, lui demandant de coopérer à une mission de sauvetage de Charles VII. Selon eux, cette origine noble expliquerait pourquoi elle parlait un très bon français et non la langue locale de Domrémy où, selon les auteurs, très peu de gens s'exprimaient en français. Son statut de noble lui aurait également permis d'apprendre à chevaucher de fougueux destriers, à manier l'épée, à faire la guerre et à être reçue sans difficultés par Robert de Baudricourt. Toutes choses impensables pour une simple bergère. Cette même thèse adopte les nombreuses histoires de survivance de Jeanne d'Arc : Jeanne ne serait pas morte en 1431. Elle aurait été remplacée sur le bûcher par une autre femme, dont Marcel Gay et Roger Senzig ne précisent pas le nom, et Jeanne aurait épousé Robert des Armoises. Elle aurait fini ses jours au château de Jaulny en Lorraine, puis aurait été enterrée à Pulligny, dont une plaque trouvée dans l'église commémorerait le décès de Jeanne des Armoises.

Si aucune preuve n'est apportée de la naissance de Jeanne à Domrémy, il est attesté qu'elle a bien vécu en Lorraine. Par ailleurs, à une époque où les prêtres dispensaient l'instruction, et Domrémy étant une paroisse qui relevait du domaine royal, avoir reçu un enseignement en français n'est pas une gageure. Le fait qu'elle ait été noble n'explique en rien qu'elle ait pu apprendre à monter des chevaux de guerre, les femmes nobles montant des haquenées et non des destriers, ni à manier l'épée, ce qui faisait partie de l'éducation masculine seulement. Par ailleurs, Jeanne d'Arc a déclaré lors de son procès ne jamais s'être servie de son épée. Robert de Baudricourt ne l'a pas reçue sans difficulté mais n'a fait que céder aux pressions de son entourage. Le reste de la thèse (enfant illégitime, confiée à un couple de paysans, sœur d'un roi qui peine à retrouver son trône, etc.) n'est pas sans ressembler aux mythes de la naissance de Zeus, Romulus et Rémus, Œdipe... où le personnage principal est fils de roi ou de reine et caché à la naissance par une nourrice fidèle qui le confie à d'humbles paysans.

Les thèses d'imposture de Jeanne d'Arc reprises par des auteurs ressemblent à celles courant sur Louis XVII, la grande-duchesse Anastasia, le tsar Alexandre Ier, ou encore le fils d'Ivan le Terrible. Ce caractère romanesque, les approximations, les raccourcis, les nombreuses erreurs et les simplifications caricaturales expliquent que L'Affaire Jeanne d'Arc ne soit pas un travail reconnu par la communauté scientifique. Aucun historien ne l'a repris.

En avril 2011, l'écrivain Bernard Simonay livre une version romancée de cette thèse dans Le Lys et les ombres, édité chez Calmann-Lévy35. Il s’appuie notamment sur L'Affaire Jeanne d'Arc et Jeanne d'Arc, vérités et légendes. Affirmant que la thèse officielle « défendue bec et ongle » par les historiens orthodoxes ne l'a jamais convaincu, il ajoute que ces derniers nient volontairement l'existence d'un certain nombre de sources (relatives aux armoiries attribuées à Jeanne d'Arc, au fait qu'elle reçoive des éperons dorés, apanage de la noblesse, ou encore à Jeanne des Armoises qui a pu convaincre les propres parents de Jeanne d'Arc qu'elle est bien la Pucelle) afin de conserver « l'image idéale d'une petite bergère de Lorraine morte en martyre »36

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4 janvier 2012

gaule romaine 4

chro_ro4.gif (3497 octets)

 

Une migration de peuples

Les grandes invasions barbares du IVe au Ve siècle disloquent définitivement l'Empire Romain en renforçant dans la population un sentiment de précarité.

Ces invasions sont globalement constituées d’une série de migration de tribus causée par un peuple nomade terrifiant : les huns.

Ces derniers viennent des steppes d’Europe Orientale et pénètrent brutalement sur les terres des goths en 371. Leur cavalerie légère est d’une efficacité redoutable et ils poussent ainsi les goths, qui eux-mêmes catapultent d’autres peuples en Gaule : il s’agit donc d’une partie de billard de peuples (selon l'expression de Michel Rouche) dont voici les principales migrations :

  • Arrivée en 371 des huns venus d'Asie Centrale sur les terres des ostrogoths (Russie méridionale) : ces derniers négocient avec les romains leur installation comme «peuple fédéré» de l'Empire en Thrace (actuelle Bulgarie) avant d’envahir l’Italie.
  • Les wisigothsd’Alaric, après avoir traversé le Danube en 375, pénètrent en Italie à deux reprises en 401 puis en 410 (pillage de Rome) : ils négocient ensuite en 418 leur installation (environ 100 000 personnes dont 20 000 soldats) en Aquitaine, officiellement concédée par les romains à la suite d’un traité (foedus). Ils choisissent comme capitale Toulouse.

    Ils s'installeront ensuite en Espagne, d'où ils seront chassés par les arabes en 711.

A la mort d'Alaric Ier en 410, les wisigoths assurent à leur roi un enterrement digne d’un Prince :
  • des prisonniers sont employés pour détourner le cours d'un fleuve situé au sud de l’Italie et creuser dans son lit une fosse,
  • ils déposent ensuite le corps du roi et de nombreuses richesses,
  • ils rétablissent le cours du fleuve.

Les prisonniers sont ensuite tous massacrés : la mégalomanie n'est donc pas absente à cette époque !

  • Les vandales, les suèves et les alains fuyant eux aussi les Huns, franchissent en 406 avec environ 150000 hommes le Rhin qu’un hiver d'une rigueur exceptionnelle avait gelé : cela prive le monde romain de sa plus précieuse frontière naturelle.
    Ils profitent du fait que le général romain Stilicon avait dégarni la frontière fortifiée rhénane pour arrêter les Wisigoths. Les hordes de Vandales, de Suèves, d'Alains et de Burgondes franchissent le fleuve le 31 décembre 406 en dévastant tout sur leur passage. Les Vandales, dont le nom restera synonyme de destructeur, s’installeront avec 80 000 hommes en Afrique en 429 et les Suèves se fixeront en Espagne. Les vandales, comme les ostrogoths, succomberont ensuite en 533 à la reconquête byzantine.

 

Voir la traversée du Rhin,
facilitée par un hiver rigoureux
(Histoire de France en BD de Larousse)

  • Les burgondes passent le Rhin en 407, se fixent dans l’Allemagne actuelle puis sont installés par les romains comme colons en Savoie après leur terrible défaite contre les Huns de 436 dans laquelle 20 000 d’entre eux périssent,
  • Les francs rhénans pillent à de nombreuses reprises la ville de Trèves et ses environs (en 413, 423, 425, 432, 455).
carte_inv.jpg (46015 octets) Les francs saliens, au titre du foedus qui fait d’eux des « soldats romains » depuis 359 dans le nord-est de la Gaule, respectent à de rares exceptions près leur engagement de fidélité vis-à-vis de l’Empire : ils justifient leur qualificatif de "Barbares les mieux romanisés".

L'impuissance des romains

A partir de 430 et durant 20 années, le général Aetius fera pourtant de son mieux pour maintenir l’Empire Romain en composant avec les Barbares : ses qualités militaires et diplomatiques feront de lui le héros des romains. Son séjour comme otage à la cour d’Attila (qui garantissait le respect par Rome de ses engagements vis-à-vis des Huns) lui permet de bénéficier de mercenaires Huns qui lui seront d’un grand soutien. Il saura ainsi ponctuellement rappeler aux Wisigoths, aux Burgondes et aux Francs que Rome n’avait pas encore totalement disparue : il renégociera avec eux les foedus.

Ces invasions feront l’effet d’un tourbillon en Gaule

Chaque tribu pille pour se nourrir, les fonctionnaires romains s’enfuient et les révoltes des paysans renforcent encore la bagaude (révoltes civiles). Les invasions ont été ressenties comme des « torrents dévastateurs », provoquant un véritable choc psychologique pour les gallo-romains, et un manque de confiance dans l’Empire Romain : le pillage de Rome par les ostrogoths a notamment choqué les populations.

 

Le roi fameux Roi Arthur :

Le roi Arthur a vécu à cette époque dans l'actuelle Grande Bretagne et le contexte est identique : il s'est imposé suite au retrait des troupes romaines pour faire face aux invasions de tribus barbares, notamment les saxons.

Découvrez le Roi Arthur, entre légende et réalité.

Les huns

Il semble qu’il s’agisse d’un peuple provenant d'Asie Centrale, chassé par les chinois au II siècle avant JC. Il se nomadise alors dans les steppes au nord du Caucase puis, en quittant les steppes asiatiques à la fin du IVème siècle, pousse les autres tribus barbares vers l'ouest en direction de l'Empire Romain. Les Huns sont d’une férocité abominable, et Attila semble mériter son qualificatif de « fléau de Dieu » :

  • ils sont rasés et déforment les crânes des bébés pour que leurs têtes s’emboîtent mieux sous le casque,
  • ils tuent leurs vieillards,
  • ils vivent de racines et de viandes mortifiées sous la selle des chevaux (leur viande n’est jamais cuite),
  • ils ignorent les habitations sédentaires (y compris les cabanes !), restent éternellement nomades, et sont rompus au froid et à la faim.

Dessin de l'Histoire de France en BD de Larousse

Contrairement aux autres peuples barbares, ils n’ont jamais songé à s’installer sur les terres de l’Empire : seules ses richesses les intéressent mais il faut reconnaître que les huns exploitent avec une remarquable intelligence les dissensions du monde romain.

Citation du romain Amiens MARCELUN :

"Les Huns dépassent en férocité et en barbarie tout ce qu'on peut imaginer. lls labourent de cicatrices les joues de leurs enfants pour empêcher la barbe de pousser, lls ont le corps trapu, les membres robustes, la nuque épaisse; leurs carrures les rendent effrayants. On dirait des animaux bipèdes ou de ces figures mal dégrossies en forme de troncs qui bordent les parapets des ponts...

Les Huns ne cuisent ni n'assaisonnent ce qu'ils mangent; ils ne se nourrissent que de racines sauvages ou de la chair crue du premier animal venu qu'ils réchauffent quelque temps, sur le dos de leur cheval, entre leurs cuisses. Ils n'ont pas d'abri... On les dirait cloués sur leurs chevaux qui sont laids mais vigoureux. C'est sur leur dos que les Huns vaquent à toute espèce de soin, assis quelquefois à la manière des femmes. A cheval jour et nuit, c'est de là qu'ils négocient les achats et les ventes. Ils ne mettent pied à terre ni pour manger ni pour boire; ils dorment inclinés sur le maigre cou de leur monture, où ils rêvent tout à leur aise... ".

4 janvier 2012

( gaulle goths , francs )et debut des francs.

Suite aux guerres civiles et aux invasions Barbares du IIIème siècle, Rome va tenter de s’adapter : division de l'empire, institution de la liberté de culte puis du christianisme, intégration de prisonniers germains comme colons et enfin renforcement de l'armée.

Division de l’Empire :

Pour en faciliter l’administration et la défense, l’Empire est scindé en deux parties sous l'empereur Théodose en 395 :

  • l’Empire Romain d’Occident, dont la capitale est Ravenne,
  • l’Empire Romain d’Orient, dont la capitale est Constantinople (l’ancienne Byzance, devenue Istanbul) : cet Empire subsistera jusqu'au XVème siècle.

Partage Empire
Zoom de la carte

Institution de la liberté de culte puis du christianisme

Afin de profiter de la puissance du Christianisme, l'empereur Constantin a instauré la liberté de culte en 312 et l'empereur Théodose l’a déclaré religion d’état en 392, interdisant ainsi les cultes païens. Le clergé devient la 3ème hiérarchie des fonctionnaires après les civils et les militaires. La hiérarchie épiscopale, avec ses évêques, prêtres et diacres, forme une véritable ossature qui structure fortement la population gallo-romaine, d’où l’intérêt pour l'état de l’exploiter.
Il faut noter qu'à cette époque, les barbares sont soit païens, soit de religion arienne.

Intégration des prisonniers germaniques comme colons (lètes) :

Rome choisit d’exploiter les prisonniers barbares pour défricher et peupler les nouvelles terres en Gaule au lieu de les égorger comme le prévoyait la coutume. Cette politique va permettre aux barbares de se "romaniser", voire même de se christianiser. Des obligations militaires leur étant imposées, des mercenaires seront ainsi intégrés à l’armée romaine et atteindront parfois de hauts grades (comme l’attestent certaines tombes). C’est d’ailleurs dans le cadre de cette politique de colonisation qu’une partie des Francs est intégrée dans l’actuelle Belgique en 359 et que les Wisigoths s’implantent en Thrace (actuelle Bulgarie).

Renforcement de l'armée romaine :

Le problème crucial auquel est confronté Rome est le manque de soldats qui empêche l’Empire d’assurer correctement sa défense. Le renouvellement des recrues est inefficace à cause des éléments suivants :

  • Non application de la conscription pour tous et incivisme : beaucoup de jeunes romains redoutaient la dure discipline et certains n’hésitaient pas à se couper le pouce pour être exemptés !
  • Faible natalité, principalement dueaux éléments suivants :
    • déstructuration du couple : la christianisation est trop récente pour encourager les couples à se marier et à fonder une famille
    • fort taux de mortalité des mères : les femmes se marient très jeunes et meurent d’avoir des enfants trop tôt (voir l'état démographique de la Gaule),
    • impossibilité pour les romains de se marier avec une autre caste : cette ségrégation datant de 371 est justifiée par la peur d’être dominés par les barbares.
  • Hécatombe pour l'armée romaine : la bataille de Mursa en 351 entre l'empereur Constance II et un usurpateur aggravera par exemple le manque de soldats : la perte de près de 50 000 d'entre eux limitera définitivement le contingent romain d’occident à 65 000 hommes (dont 20 000 en Gaule), pour protéger une population totale d’environ 50 millions d’habitants (dont 4 à 7 millions en Gaule) : la disproportion est donc flagrante !

 

Rome va donc tenter de renforcer son armée par plusieurs moyens :

  • Intégration massive de soldats barbares au titre de traités (foedus) : ils constitueront l’essentiel de l’armée dès 375, faisant ainsi perdre au pouvoir romain la maîtrise de leur politique militaire. Le problème réside dans le respect aléatoire des barbares aux commandements romains : ils deviennent d’autant plus incontrôlables que le pouvoir romain s’affaiblit. A ce sujet, un sénateur romain affirmera : « l’ennemi était dans la place avant même que les invasions eussent commencées ».
  • Augmentation des impôts pour financer l’armée romaine : cette pression fiscale indispensable au bon fonctionnement de l’armée va inciter la fraude et l’incivisme, ce qui provoquera le développement des bagaudes, groupes de hors-la-loi qui vivent de brigandage et qui sont à l’origine des terribles révoltes qui vont secouer la Gaule au début du Vème siècle,
  • L'empereur Valentinien I va même en 367 abaisser la taille minimum des recrues de 1.72m à 1.60m.

 

Tous ces facteurs, à savoir perte du contrôle de l’armée, incivisme, faible natalité, vont contribuer à fragiliser l’Empire Romain qui tentera en vain de s’adapter et de résister aux migrations des peuples barbares.

L’Empire Romain perd donc progressivement le contrôle du processus de romanisation des barbares, qu’il a pourtant souhaité à l’origine : cela va le conduire à son effondrement.

 

Etat démographique des gallo-romains

La Gaule est peuplée de 4 à 7 millions de personnes au début de notre ère, soit environ 10 fois moins qu'aujourd'hui :

50% meurent avant 20 ans et 18% atteignent 80 ans : au sujet des personnes âgées, on peut à titre d'exemple citer Sainte Geneviève, Clothilde ou encore Saint Rémi, dont il sera question dans les chapitres suivants.

Age moyen du décès

  • 27 ans pour les hommes,
  • 22 ans pour les femmes : les hécatombes sont dues aux accouchements.
 

 

 

Conséquences

  • les générations se succèdent à grande vitesse et la mémoire des événements est écourtée,
  • les vieillards bénéficient d’une autorité naturelle.

 

4 janvier 2012

gaulle romaine 2

La rencontre de 2 cultures

masque.gif (2025 octets) Le Rhin et le Danube forment la frontière naturelle de l’Empire Romain : au delà vivent de nombreux peuples qualifiés par les romains de « barbares » car ils ne savent pas parler Latin. Les romains n’arrivent pas à les comprendre : ils croient qu’ils bégaient, d’où l’onomatopée à l’origine du mot "barbare".
Les barbares germaniques, dont il est question dans le présent site, se classent en 2 catégories selon leur origine géographique :
  • les occidentaux : les francs (saliens, peuple de Clovis et rhénans), burgondes, alamans, ...
  • les orientaux : les goths (wisigoths et ostrogoths), Vandales, ...

Les barbares des steppes asiatiques (huns et alains) feront leur apparition plus tard : ils n’arrivent aux portes de l’Empire qu’au IVème siècle.

Représentation d'un soldat franc
sur une pierre tombale mérovingienne

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Les guerres civiles romaines qui opposent les chefs des armées avec des usurpateurs perturbent la protection des frontières (le lime) qui était assurée par 20 à 30 légions. Les barbares en profitent et commencent à pénétrer en Gaule dès le milieu du IIIème siècle: la période 235-286 marque l’apogée des assauts germaniques, et signe définitivement la fin de 3 siècles de «Pax Romana».

Les barbares sont en fait attirés par les richesses du pays, dues à la forte production.

1ère enceinte de la Cité à Paris et
la crypte archéologique du parvis de Notre-Dame-de-Paris

C'est dans ce contexte d'insécurité que l'île de la Cité à Paris est protégée par une épaisse muraille : certains fragments sont encore visibles dans la Crypte Archéologique de Notre-Dame-de-Paris.


Entrée de la crypte ... avec un pigeon caractéristique de la capitale !

Les enceintes qui entourent à cette époque les villes mais aussi les nombreux trésors enfouis témoignent de l’ampleur des invasions subies au IIIème siècle en Gaule.

Cette crypte a été édifiée par la ville de Paris à la suite de fouilles menées de 1965 à 1972. Il était prévu de creuser un parking, mais l'importance de la découverte a incité la ville à fonder un site archéologique qui permet d'observer les fondations de bâtiments datant du IIIème siècle jusque 1750.

 

Ces invasions de barbares, que l’on peut qualifier de véritable migration de populations, vont petit à petit :

  • modifier les forces en présence en Gaule en mettant en contacts les gallo-romains et les barbares (ces derniers restant toutefois très largement minoritaires),

  • permettre aux 2 cultures romaine et barbare, radicalement différentes, de se mélanger.

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Les barbares se caractérisent principalement par les éléments suivants :
  • leurs lois sont orales,
  • ils favorisent la polygamie et les mariages incestueux,
  • ils renversent et tuent leur roi s'il leur apporte une défaite,
  • ils adoptent une économie principalement basée sur la "survie".

 

Les Francs :

Ils apparaissent pour la 1ère fois vers l'an 240 comme des ennemis de Rome : ils sont écrasés par les romains, qui les installent progressivement comme colons dans le nord-est de la Gaule (nous verrons que cette politique d’assimilation se retournera par la suite contre les romains). Malgré ces accords qui transforment les francs en paysans/soldats alliés, ces derniers continuent à piller ponctuellement le pays, entre 275 et 280 notamment.

Ce peuple est originaire de la rive droite du Rhin, et n’entre dans l’histoire qu’au IIIème siècle (bien plus tard que les Goths) suite à un remaniement de tribus causé par des conflits avec les romains : le sentiment ethnique est donc moins fort que chez les Goths car il s’agit d’un essaim de peuples, sans autre organisation que des serments mutuels. Cette théorie a longtemps été refusée car jugée par le clergé attentatoire à la dignité de la monarchie française. Leur nom signifierait "hardis" ou "libres".

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Ils combattent avec leur "frammée" (genre de javelot) et leur "francisque (hache de jet).

Ils se scindent en deux tribus : les saliens restent à l’ouest du Rhin, et les rhénans à l’est :


Guerriers Francs
sur le sentier de la guerre

  • Les francs saliens sont progressivement installés par les romains comme colons ("lètes") dans le nord-est de la Gaule au titre d’un foedus (en 358) : les francs pillards se muent alors en paysans/soldats qui intègrent dans l’armée romaine des grades de plus en plus élevés grâce à leur fidélité.
    Au contact des gallo-romains, ils vont se "romaniser" au bout de 4 générations en adoptant une double culture : tout en conservant leur culture germanique (notamment leur religion païenne, dont le principal Dieu Odin est celui de la guerre !), ils vont adopter les modes de vie des romains et vont devenir bilingues (latin et germain).
  • Les francs rhénans, qui sont restés sur la rive gauche du Rhin, se montrent systématiquement plus dangereux vis à vis des romains, en continuant leurs pillages.

Les Goths :

Ce peuple possède, avec sa généalogie royale, un sentiment ethnique très développé.

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Il est originaire de Suède et a traversé la Mer Baltique vers 50 avant J-C : il s’installe ensuite en Ukraine au IIIème siècle où il commence à attaquer l’empire Romain au niveau du Danube.

Dès 238, Rome leur accorde des subsides en échange de troupes pour renforcer l’armée romaine. Il s’ensuit une série de foedus (alliances), comme celui de 295 qui accorde la Thrace, actuelle Bulgarie, aux Wisigoths. En gage de bonne observance des traités d’alliance, des otages princiers Goths sont livrés aux romains : cela engendrera une certaine acculturation.

A la fin du IIIème siècle, une scission les divise :

  • les Ostrogoths restent en Ukraine, puis iront par la suite en Italie,
  • les Wisigoths s’installent dans l’actuelle Roumanie puis s'installeront au titre d'un foedus en Aquitaine.

Pour donner une idée de l'échelle des valeurs humaines chez les wisigoths : tuer un vieillard ne "coûte" que 65 sous d'or d'amende, alors qu'un homme entre 15 et 20 ans vaut 140 sous, puis 300 jusqu'à 50 ans !

 

La puissance gothique devient considérable au IVème siècle tant au niveau militaire que de leur expansion géographique.

Ils optent pour l'arianisme, qui considère le Christ comme un simple être humain et donc non divin.

4 janvier 2012

gaule romaine

Bref rappel historique

Empire Romain
Zoom Empire Romain

Créée au VIIIème siècle avant Jésus-Christ par Romulus, la dynastie romaine (voir une brève chronologie), qui se muera en République puis en Empire, ne cesse d’évoluer et de s’accroître au cours des siècles : après avoir pris le pas sur la civilisation grecque, les 3 guerres puniques lui permettent d'écraser l'empire de Carthage.

Dés le début de notre ère, Rome règne en maître sur tout le monde méditerranéen.

La conquête de la Gaule par les romains

Dans ce contexte d’expansion et suite à la défaite d’Alésia en 52 avant J.C.(voir un tableau représentant Vercingétorix déposant ses armes aux pieds du Jules César), la Gaule tombe sous la domination romaine : une des raisons de cette défaite réside dans l'incapacité des Gaulois à fédérer leurs 60 tribus indépendantes (Arvernes, Carnutes, Séquanes, Eduens, Bituriges, Parisii, ...).

En savoir plus sur la
bataille d'Alésia

Organisation des
Légions Romaines


Armée romaine en campagne



Armée gauloise

Téléchargez la bande annonce de Vercingetorix, film de Jacques Dorfmann avec Christophe Lambert.

L'organisation romaine en Gaule

Les Romains ne sont toutefois pas des conquérants destructeurs : quelques centaines de fonctionnaires civils parviennent à provoquer l’évolution d’une population gauloise estimée à 7 millions de personnes (les traces des recensements effectués pour raisons fiscales n’ont hélas jamais été retrouvées).

Gaule Romaine
Zoom Gaule Romaine


La Gaule est unifiée et organisée en 4 provinces administrées par Rome :

  • la Lyonnaise, qui va jusqu'à Brest !
  • l’Aquitaine
  • la Belgique
  • la Narbonnaise (provincia), qui était déjà romaine depuis 125 av JC (elle se nommait "Gaule Transalpine" avant d'être réorganisée par Auguste en 27 av JC).

 

  • L'aristocratie gauloise est enrôlée dans l'armée romaine ou intégrée progressivement dans l’élite municipale voire même sénatoriale. L'habileté des romains réside dans le fait de ne pas avoir détruit l'aristocratie gauloise, mais plutôt de l'avoir incitée à adhérer au système romain par intérêt et par fascination via à vis de la grandeur de Rome : l'organisation et le mode de vie romain s'imposeront donc naturellement aux notables, puis au peuple. En 212, la citoyenneté romaine est d’ailleurs accordée à tous les hommes libres de l’Empire, à l’exclusion donc des esclaves.

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  • Le peuple gaulois (à l'exclusion des barbares et des esclaves) peut bénéficier pleinement des apports de la civilisation romaine et profite ainsi d'un mode de vie urbain agréable : thermes, voies romaines équipées de bornes, théâtres, arènes (dont celles de Nîmes accueillaient jusqu'à 20 000 visiteurs), aqueducs, ...


Relief représentant une course de chars au Circus Maximus (détail d'un sarcophage du IIIe s)

Pour en savoir plus
Pont du Gard
  • De nombreuses cités se développent sur le modèle "romain":
    Un quadrillage régulier sert de gabarit pour l'urbanisation : constitué de carrés d'une centaine de mètres de côté, il est structuré par un axe nord-sud (Cardo Maximus) et un axe est-ouest (Decumanus Maximus.).
    Les cités comportent un forum, des bâtiments administratifs, des monuments dédiés aux spectacles, des rues qui se croisent à angle droit et parfois équipées d’égouts. Ces cités, on en dénombre une centaine, accueillent environ 10% de la population et la plus grande, Lugdunum (Lyon), rassemble 50 000 habitants, à comparer au million d’habitants de Rome !). La population de Rome ne sera égalée qu'un millénaire plus tard par Londres vers le XVIIIe puis par Paris au XIXe.
  • Le pays est équipé de voies romaines : elles constituent un réseau routier inégalé jusqu'aux temps modernes, qui couvrait l'ensemble de l'Empire. Conçues au départ à des fins militaires et politiques, elles ont acquis une valeur économique en favorisant le commerce et la communication entre les régions. Elles sont déjà équipées de bornes milliaires, situées tous les 1480m.
    Avec ses relais d’étapes, ces routes améliorent sensiblement les conditions de voyage.

Quelques voies célèbres dans le sud de la Gaule :

  • la "Via Aurelia" (voie aurélienne) : elle reliait Rome au Rhône en passant par Antibes, Fréjus, Aix-en-Provence et Salon-de-Provence, avant de rejoindre la "Via Agrippa"
  • la "Via Domitia" (voie domitienne) : elle faisait la liaison entre l'Italie du nord et l'Espagne en traversant Briançon, Gap, Cavaillon, Nîmes, Montpellier, Narbonne et Perpignan,
  • la "Via Agrippa" qui reliait Lyon à Arles en suivant la rive gauche du Rhône par Avignon et Orange.

Tronçon de la Via Domitia
sur le site de l'Oppidum d'Ambrussum
(près de Lunel dans l'Hérault).

  • La bureaucratie atteint un niveau d’organisation impressionnant :
    • l’impôt est levé à la fois sur le foncier et les personnes,
    • l’état en échelonne le paiement en 3 tiers provisionnels,
    • des systèmes de réquisitions et de corvées sont organisés pour le transport du blé et de la Poste d’état.

Les Gaulois vont ainsi devenir des Gallo-Romains, et non un peuple soumis :
la Gaule bénéficiera de près de trois siècles de paix (la "Pax Romana"), qui va permettre un véritable développement économique

(des tentatives d'indépendance vont toutefois être tentées, notamment en 60 et en 121 après JC).

"Ils sont fous ces Romains ! "
 

Malgré les progrès considérables qu'il a permis à l'Occident d'acquérir, le monde romain semble parfois bien exotique :

romain
  • leur cuisine était souvent parfumée à la sauce de poisson et leurs pâtisseries au poivre,
  • leurs notions de décence et de pudeur étaient étranges avec leurs latrines collectives et leurs bains ouverts aux deux sexes !
  • leur idéal social était le loisir et leur production économique entièrement fondée sur l'esclavage,
  • la religion n'était pas fondée sur la foi personnelle, et ressemblait plutôt à une sorte de contrat (ce qui va évoluer avec le Christianisme) : pour s'adresser aux Dieux, il fallait employer des formules très précises, sans modifier une parole,
  • trois modes de mariage vont apparaître : sacrifice en présence de témoins (ce mode va petit à petit disparaître), achat de la femme en présence de 5 témoins ou mariage par usage : la femme est intégrée dans la famille du mari après un an de vie commune ininterrompue.
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3 janvier 2012

François 1er wiki

François Ier de France

 

François Ier
Francis1-1.jpg
François Ier vers 1527 par Jean Clouet, huile sur toile, 96 × 74 cm, Paris, Musée du Louvre

Titre
Roi de France
1er janvier 151531 mars 1547
32 ans, 2 mois et 30 jours
Couronnement 25 janvier 1515,
en la Cathédrale de Reims
Prédécesseur Louis XII
Successeur Henri II
Duc de Milan
15151525
Prédécesseur Maximilien Sforza
Successeur François II Sforza
Biographie
Dynastie Valois Angoulême
Date de naissance 12 septembre 1494
Lieu de naissance Cognac (France)
Date de décès 31 mars 1547 (à 52 ans)
Lieu de décès Rambouillet (France)
Père Charles de Valois,
comte d'Angoulême
Mère Louise de Savoie
Conjoint Claude de France
(1514-1524)
Éléonore de Habsbourg
(1530-1547)
Enfants Louise de France
François de France,
duc de Bretagne
Henri II Red crown.png
Madeleine de France
Charles de France,
duc d'Orléans
Marguerite de France
enfant illégitime :
Nicolas d'Estouteville
Héritier Charles d'Alençon
(1515-1518)
François de France
(1518-1536)
Henri de France
(1536-1547)
Résidence Château de Blois
Château de Fontainebleau
Château de Saint-Germain-en-Laye
Château de Chambord
Signature King Francis I Signature.svg

CoA France (1515-1578).svg
Rois de France

François Ier (14941547), dit le Père et Restaurateur des Lettres, le Roi Chevalier, le Roi Guerrier, le Grand Colas, le Bonhomme Colas ou encore François au Grand Nez1, est sacré roi de France le 25 janvier 1515 dans la cathédrale de Reims, et règne jusqu’à sa mort en 1547. Fils de Charles d’Angoulême et de Louise de Savoie, il appartient à la branche de Valois-Angoulême de la dynastie capétienne.

François Ier est considéré comme le monarque emblématique de la période de la Renaissance française2. Son règne permet un développement important des arts et des lettres en France. Sur le plan militaire et politique, le règne de François Ier est ponctué de guerres et d’importants faits diplomatiques.

Il a un puissant rival en la personne de Charles Quint et doit compter sur les intérêts diplomatiques du roi Henri VIII d’Angleterre toujours désireux de se placer en allié de l’un ou l’autre camp. François Ier enregistre succès et défaites mais interdit à son ennemi impérial de concrétiser ses rêves, dont la réalisation toucherait l’intégrité du royaume. L'antagonisme des deux souverains catholiques a de lourdes conséquences pour l’Occident chrétien : il facilite la diffusion de la Réforme naissante et surtout permet à l'Empire ottoman de s'installer aux portes de Vienne en s'emparant de la quasi-totalité du royaume de Hongrie.

Sur le plan intérieur, son règne coïncide en effet avec l'accélération de la diffusion des idées de la Réforme. La constitution de la monarchie absolue et les besoins financiers liés à la guerre et au développement des arts induisent la nécessité de contrôler et optimiser la gestion de l'État et du territoire. François Ier introduit une série de réformes touchant à l'administration du pouvoir et en particulier à l'amélioration du rendement de l'impôt, réformes mises en œuvre et poursuivies sous le règne de son successeur Henri II.

 

Biographie


Jeunesse et éducation

François Ier est né le 12 septembre 1494 à Cognac (Charente). Son prénom lui vient de saint François de Paule3. Son père Charles d'Orléans, duc d'Angoulême, que François n’a pas connu, était le cousin du roi Louis XII et le petit-fils de la duchesse de Milan Valentine Visconti, François appartient donc à la branche cadette de la maison royale de Valois et n'est pas destiné à régner.

Faute d’héritier, Louis XII fait venir à la cour d'Amboise son lointain cousin le petit François, accompagné de sa mère Louise de Savoie et de sa sœur aînée Marguerite. C’est dans ce château et sur les bords de la Loire que François grandit.

Louise de Savoie, veuve à dix-neuf ans en 1495 alors que François n’a que deux ans, élève seule ses deux enfants. Le jeune François s’entoure de compagnons qui resteront influents dans sa vie adulte tels Anne de Montmorency, Marin de Montchenu (1494-1546), Philippe de Brion et Robert de La Marck, seigneur de Sedan4, à qui on doit une description de leurs jeux et activités. En 1502, François fait une chute de cheval et se retrouve dans un état critique. Sa mère en tombe malade et ne vit que pour la guérison de celui qu’elle appelle son « César ».

La salamandre de François Ier et sa devise : « Nutrisco et extinguo » (château d'Azay-le-Rideau)

Quand François accède au trône en 1515, il a 20 ans et la réputation d’être un humaniste. Il choisit comme emblème la salamandre. Son entrée dans Paris le 15 février 1515, donne le ton de son règne. Vêtu d’un costume en toile d’argent incrusté de joyaux, il fait cabrer son cheval et jette des pièces de monnaie à la foule5. Il participe avec fougue et éclat à un pas d'armes (joutes à cheval avec lances selon un scénario élaboré)6. Alors que ses deux prédécesseurs, Charles VIII et Louis XII, ont consacré beaucoup de temps à l’Italie, ils n’ont pas saisi le mouvement artistique et culturel qui s’y développait. Ils ont néanmoins planté le décor qui permet l’épanouissement ultérieur de la Renaissance en France.

Le contact entre les cultures italienne et française pendant la longue période des campagnes d’Italie introduit de nouvelles idées en France au moment où François reçoit son éducation. Nombre de ses précepteurs, notamment François Desmoulins, son professeur de latin (langue que François aura beaucoup de mal à assimiler), l’Italien Gian Francesco Conti, et Christophe Longueuil inculquent au jeune François un enseignement très inspiré de la pensée italienne. La mère de François s’intéresse également de près à l’art de la Renaissance et transmet cette passion à son fils qui, durant son règne, maîtrise la langue italienne à la perfection. On ne peut affirmer que François reçoit une éducation humaniste ; en revanche, il reçoit une éducation qui le sensibilise, plus que tout autre de ses prédécesseurs, à ce mouvement intellectuel.

Un prince de la Renaissance

Le mécène et les artistes

À l’époque où François Ier accède au trône, les idées de la Renaissance italienne se sont diffusées en France et le roi contribue à cette diffusion. Il commande de nombreux travaux à des artistes qu’il fait venir en France. Plusieurs travaillent pour lui, dont les plus grands comme Andrea del Sarto et Léonard de Vinci. François Ier manifeste une véritable affection pour le vieil homme, qu’il appelle « mon père » et qu’il installe au Château du Clos Lucé, à Amboise, à quelques centaines de mètres du château royal d’Amboise. Vinci apporte dans ses malles ses œuvres les plus célèbres tels La Joconde, La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, Saint Jean Baptiste. Le roi lui confie de nombreuses missions comme l’organisation des fêtes de la Cour à [...], la création de costumes ainsi que l’étude de divers projets. Vinci reste en France de 1516 jusqu’à sa mort en 1519 dans les bras du roi selon une légende battue en brèche par certains documents historiques7.

On peut citer aussi l’orfèvre Benvenuto Cellini et les peintres Rosso Fiorentino et Le Primatice8, chargés de nombreux travaux dans les différents châteaux de la couronne. François Ier emploie de nombreux agents comme Pierre l'Arétin, chargés d’amener en France les œuvres de maîtres italiens comme Michel-Ange, Titien et Raphaël. C’est pendant le règne de François Ier que la collection d’œuvres d’art des rois de France, aujourd’hui exposée au Louvre, commence réellement.

Le protecteur des Lettres

Imprimerie du XVe siècle. Grâce à François Ier, les imprimeries françaises se perfectionnent et atteignent une importance de premier ordre dans l’univers intellectuel

Les progrès de l'imprimerie favorisent la publication d’un nombre croissant de livres. En 1518, François Ier décide la création d’un grand « cabinet de livres » abrité à Blois et confié au poète de la Cour Mellin de Saint-Gelais9. En 1536, interdiction est faite de « vendre ou envoyer en pays étranger, aucuns livres ou cahiers en quelques langues qu’ils soient, sans en avoir remis un exemplaire ès mains des gardes de la Bibliothèque Royale »10, bibliothèque dont il nomme intendant l’humaniste Guillaume Budé avec mission d’en accroître la collection. C’est en 1540 qu’il charge Guillaume Pellicier, ambassadeur à Venise, d’acheter et faire reproduire le plus possible de manuscrits vénitiens.

Guillaume Budé par Jean Clouet, portrait datant de 1536, Metropolitan Museum of Art, New York

À l’instigation de Guillaume Budé, il fonde le corps des « Lecteurs Royaux », abrité dans le « Collège Royal » (ou « Collège des trois langues », futur « Collège de France »). Bien que décidée par François Ier, la construction du bâtiment, confiée à l’architecte Jean-François Chalgrin, ne se concrétise pas avant la régence de Marie de Médicis, près d’un siècle plus tard. Parmi les lecteurs royaux, on compte Barthélemy Masson11, qui enseigne le latin, et le géographe et astronome Oronce Fine, en charge des mathématiques. Il favorise le développement de l’imprimerie en France et fonde l’Imprimerie royale dans laquelle œuvrent des imprimeurs comme Josse Bade et Robert Estienne. En 1530, il nomme Geoffroy Tory imprimeur du roi (pour le français), charge qui passe en 1533 à Olivier Mallard, puis en 1544 à Denys Janot. Grâce au graveur et fondeur Claude Garamond, l’imprimerie royale innove dans une écriture à caractères de type romain plus lisible.

De nombreuses bibliothèques privées voient ainsi le jour : Emard Nicolaï, président de la Chambre des comptes possède une vingtaine d’ouvrages. 500 volumes appartiennent au président du parlement, Pierre Lizet, 579 livres constituent la bibliothèque de son confrère André Baudry, 775 chez l’aumônier du roi, Gaston Olivier, 886 pour l’avocat Leferon, au moins 3 000 chez Jean du Tillet et plusieurs milliers chez Antoine Duprat.

François Ier subventionne des poètes tels Clément Marot et Claude Chappuys et compose lui-même quelques poésies – bien que Mellin de Saint-Gélais soit soupçonné d’être l’auteur de certains poèmes dont François Ier s’attribue la paternité10 – qui sont publiées ainsi que quelques-unes de ses « Lettres »12.

Sa sœur aînée, Marguerite, mariée au roi de Navarre, est également une fervente admiratrice des lettres et protège de nombreux écrivains comme Rabelais et Bonaventure Des Périers. Elle figure aussi dans la liste des lettrés de la cour, étant l’auteur de nombreux poèmes et essais tels La Navire, et Les Prisons. Elle publie également un volumineux recueil intitulé Les Marguerites de La Marguerite des princesses qui reprend l’ensemble de ses écrits. Mais son œuvre maîtresse reste l’Heptaméron, un recueil de contes inachevés publiés après sa mort.

Le bâtisseur

L’escalier monumental du château de Blois

François Ier est un bâtisseur acharné et dépense sans compter dans la construction de nouveaux bâtiments. Il poursuit le travail de ses prédécesseurs au château d’Amboise, mais surtout au château de Blois13. Par des travaux qui durent dix ans, il fait ajouter deux nouvelles ailes à ce dernier, dont l’une abrite le fameux escalier, et modernise son intérieur avec des boiseries et des décorations à base d’arabesques propres à la nouvelle mode italienne. Au début de son règne, il entame la construction du château de Chambord, sur un domaine de chasse acquis par Louis XII. Il est fortement influencé par la renaissance italienne : Léonard de Vinci participe vraisemblablement à ses plans, ainsi que l’architecte italien Boccador, à qui on doit le donjon de ce château.

François Ier tente de reconstruire le Louvre, faisant détruire la tour médiévale de la sombre forteresse de Philippe Auguste. Il demande la construction d’un nouvel Hôtel de Ville pour Paris dans le but d’influencer les choix architecturaux, qui seront d’ailleurs mis en œuvre par Boccador et Pierre Chambiges. En 1528, dans le bois de Boulogne, il fait édifier le château de Madrid, sous la direction de Girolamo della Robbia, qui évoque par sa structure la demeure que François Ier a occupée pendant son emprisonnement en Espagne. Il fait également construire, sous la direction de Pierre Chambiges, le château de Saint-Germain-en-Laye ainsi qu’un château de chasse, le château de la Muette, dans la forêt de Saint-Germain : celui que l'on surnomme le « roi des veneurs » peut s'y adonner à sa passion la chasse à courre. Il fait aussi ouvrir les chantiers des châteaux de Villers-Cotterêts vers 1530, de Folembray en 1538, et de Challuau en 1542. En tout, près de 7 châteaux seront construits et remaniés en 15 ans14.

La galerie François Ier du château de Fontainebleau

Le plus grand des projets de François Ier est la reconstruction quasiment complète (seul le donjon du château antérieur est conservé) du château de Fontainebleau, qui devient rapidement son lieu de résidence favori. Les travaux s’étendent sur une quinzaine d’années pour constituer ce que François Ier veut être l’écrin de ses trésors italiens (tapisseries dessinées par Raphaël, bronze d’Hercule réalisé par Michel-Ange, décoration de la galerie François Ier par Rosso Fiorentino, autres décorations de Giovanni Battista Rosso et Le Primatice autour desquels s’est formée la prestigieuse école de Fontainebleau).

Il confie également à Léonard de Vinci l’élaboration des plans du nouveau château de Romorantin dans lesquels l’artiste reprend les plans de sa cité idéale de Milan. Le projet est néanmoins abandonné en 1519, les ouvriers du chantier étant atteints par une épidémie de paludisme, alors présente dans les marais de Sologne.

Chacun des ambitieux projets royaux bénéficie de somptueuses décorations tant extérieures qu’intérieures. Il décide en 1517 de la fondation d’un nouveau port, initialement appelé « Franciscopolis » mais que l’existence d’une chapelle sur le site choisi pour sa construction fera renommer « Le Havre de Grâce ».

Politique extérieure

Les armes de Charles Quint qui donnent une idée du nombre de territoires qu’il gouverne15

La politique extérieure de la France sous François Ier est tout entière dominée par la rivalité avec la maison de Habsbourg, en la personne de Charles Quint, héritier de l’empereur Maximilien Ier du Saint-Empire, son grand-père, et de l’empire espagnol par sa mère Jeanne la Folle. Durant la période pendant laquelle s’affrontent la maison de France (François Ier puis Henri II) et le Saint-Empire, les autres pays européens font figure de comparses: l’Angleterre d’Henri VIII, les États pontificaux et autres principautés italiennes comme les duchés de Ferrare et de Modène (sous les Este), le duché de Parme-et-Plaisance, le duché d’Urbino (sous les Médicis).

Charles de Habsbourg, est à la tête d’un véritable empire :

Ascendance de Charles Quint
Charles Quint Père :
Philippe Ier de Castille
Grand-père paternel :
Maximilien Ier du Saint-Empire
Arrière-grand-père paternel :
Frédéric III du Saint-Empire
Arrière-grand-mère paternelle :
Aliénor de Portugal
Grand-mère paternelle :
Marie de Bourgogne
Arrière-grand-père paternel :
Charles le Téméraire
Arrière-grand-mère paternelle :
Isabelle de Bourbon
Mère :
Jeanne Ire de Castille
Grand-père maternel :
Ferdinand II d’Aragon
Arrière-grand-père maternel :
Jean II d’Aragon
Arrière-grand-mère maternelle :
Jeanne Enríquez
Grand-mère maternelle :
Isabelle Ire de Castille
Arrière-grand-père maternel :
Jean II de Castille
Arrière-grand-mère maternelle :
Isabelle du Portugal

Une fois empereur (1519), Charles a deux ambitions complémentaires:

  • Une ambition personnelle qui lui tient particulièrement à cœur depuis sa jeunesse flamande, la récupération du duché de Bourgogne possession de son arrière-grand-père Charles le Téméraire. Cette revendication, pour laquelle il n’obtiendra jamais satisfaction, ne repose sur aucune base juridique : le duché de Bourgogne avait été reçu en apanage par Philippe le Hardi de son père Jean le Bon. À partir du moment où ce fief ne pouvait être hérité que par un descendant mâle de l’apanagiste, et que Charles le Téméraire, descendant de Philippe le Hardi, n’avait eu qu’une fille, le duché revenait automatiquement au domaine royal dont il était un démembrement.
  • Une ambition impériale d’une Europe dominée par les Habsbourg, dans lequel il jouera le rôle de défenseur de l’Église Romaine.

Ces deux ambitions ne pouvaient que se heurter à l’hostilité de François Ier, gardien de l’intégrité du domaine royal et roi d’une France aux fortes ambitions héritées de ses prédécesseurs, en particulier sur le territoire morcelé de l’Italie de la Renaissance. Comme Charles VIII et Louis XII, François n’aura de cesse de tenter d’installer son pouvoir sur la péninsule en commençant par la reconquête du duché de Milan dont il estime tenir les droits par son arrière-grand-mère Valentine Visconti, duchesse de Milan et épouse de Louis d’Orléans.

Article détaillé : Guerres d'Italie.

Conquête du Milanais

François Ier à la bataille de Marignan

Louis XII avait dû reculer face aux attaques de la Sainte Ligue. Peu de temps avant le règne de François Ier, deux des éléments essentiels de cette ligue reviennent à de meilleures sentiments envers le royaume de France : Henri VIII signe en 1514 le traité de paix et d’alliance de Tournai et le pape Léon X, élu en 1513, envisage des relations avec la France moins tumultueuses que celles de son prédécesseur Jules II. Le traité de Dijon n’ayant jamais été ratifié par Louis XII, François Ier ne s’estime pas tenu par les clauses prévoyant la renonciation des droits de sa famille sur le duché de Milan et passe une alliance avec la république de Venise. Du côté du Saint-Empire romain germanique, le futur Charles Quint est alors seigneur des Pays-Bas bourguignons et l’empereur Maximilien Ier est concentré sur sa diplomatie vers l’est (Bohême, Hongrie, Pologne et Lituanie). L’opposition aux visées du roi de France se limite donc en réalité au duc de Milan Maximilien Sforza, officiellement mais faiblement soutenu par le pape, et son allié le cardinal Matthieu Schiner, artisan de l’alliance entre les cantons suisses et Jules II, et futur conseiller de Charles Quint.

Au printemps 1515, François Ier ordonne la concentration des troupes à Grenoble et une armée de 30 000 hommes marche sur l’Italie. Solidement établis à Suze, les Suisses tiennent la route habituelle du Mont-Cenis et l’armée franchit les Alpes par une route secondaire proche d’Argentière, y compris les chevaux et l’artillerie (60 canons de bronze) avec l’aide technique de l’officier et ingénieur militaire Pedro Navarro. Dans la plaine du Piémont, une partie de l’armée suisse prend peur et propose, le 8 septembre à Gallarate, de passer au service de la France. Schinner réussit à regagner les dissidents à sa cause et s’avance à leur tête jusqu’au village de Melegnano (en français, Marignan), à 16 kilomètres de Milan. La bataille qui s’engage reste longtemps indécise mais l’artillerie française, efficace contre les fantassins suisses, les forces d’appoint vénitiennes et la furia francese finissent par faire pencher la balance du côté de François Ier, qui emporte cet affrontement décisif. Contrairement à une légende tenace mais malheureusement apocryphe (développée à partir de 1525 pour des raisons de prestige d’une royauté chancelante), il ne se fait pas armer chevalier par Bayard sur le champ de bataille.

Article détaillé : Bataille de Marignan.

Cette victoire apporte renommée au roi de France dès le début de son règne. Les conséquences diplomatiques sont nombreuses :

La compétition pour la couronne impériale

Portrait du jeune Charles de Habsbourg futur empereur Charles Quint vers 1515, l’éternel rival de François Ier ; peint par Bernard van Orley, Paris, musée du Louvre

Le 12 janvier 1519, la mort de Maximilien ouvre la succession à la couronne impériale. Cette couronne, si elle n’ajoute aucun contrôle territorial, apporte en revanche à son titulaire un surcroît de prestige et un poids diplomatique certain. Charles Ier d’Espagne, élevé dans cette perspective, est le candidat naturel à la succession de son grand-père et doit affronter le roi Henri VIII d’Angleterre, le duc albertin Georges de Saxe, dit le Barbu, et François Ier. La candidature de ce dernier répond à une double ambition :

  • Éviter que le souverain qui contrôle déjà plus de la moitié de l’Europe et le Nouveau Monde ibérique se voie auréolé d’un prestige diplomatique supplémentaire et parvienne à réaliser son rêve avoué de constituer un nouvel empire de Charlemagne.
  • Revendiquer ce surcroît de prestige pour lui-même, comme l’ont tenté avant lui Philippe le Hardi et Charles de Valois.

La compétition se résume vite à un duel François contre Charles. Pour convaincre les sept princes-électeurs allemands, les rivaux useront tour à tour de la propagande et d’arguments sonnants et trébuchants. Le parti autrichien présente le roi d’Espagne comme issu du véritable "estoc" (lignage), mais la clef de l’élection réside essentiellement dans la capacité des candidats à acheter les princes-électeurs. Les écus français s’opposent aux florins et ducats allemands et espagnols mais Charles bénéficie de l’appui déterminant de Jakob Fugger, richissime banquier d’Augsbourg, qui émet des lettres de change payables après l’élection et « pourvu que soit élu Charles d’Espagne ». Charles est élu à 19 ans Roi des Romains le 28 juin 1519 et est sacré empereur à Aix-la-Chapelle le 23 octobre 152017. Sa devise « Toujours plus oultre » correspond à son ambition de monarchie universelle d’inspiration carolingienne alors qu’il est déjà à la tête d’un empire « sur lequel le soleil ne se couche jamais » mais néanmoins, pour son malheur, très hétérogène.

Bourgogne, Italie et Provence

Bien entendu, l’élection impériale n’apaise en rien les tensions continuelles entre François Ier et Charles Quint. D’importants efforts diplomatiques sont déployés pour constituer ou consolider le réseau d’alliance de chacun.

Le camp du drap d’or, gravure de James Basire de 1774, d’après une peinture à l’huile du XVIe siècle

En juin 1520, François Ier organise la rencontre du Camp du Drap d’Or avec Henri VIII mais échoue, vraisemblablement par excès de faste et manque de subtilité diplomatique, à concrétiser un traité d’alliance avec l’Angleterre6. De son côté, Charles Quint, neveu de la reine d’Angleterre, avec l’aide du cardinal Thomas Wolsey à qui il fait miroiter l’élévation au pontificat, obtient la signature d’un accord secret contre la France au traité de Bruges. Comme aima à le souligner Henri VIII, « Qui je défends est maître ».

Toujours avec pour objectif de conquérir la Bourgogne, les armées de l’empereur mènent l’offensive au nord et au sud. En 1521, Franz von Sickingen et le comte Philippe Ier de Nassau obligent Bayard à s’enfermer dans Mézières assiégée qu’il défendra sans capituler malgré les canonnades et les assauts18. Le sort des armes est moins favorable sur le front italien où les troupes du maréchal Odet de Foix, vicomte de Lautrec, sont décimées par l’armée commandée par François II Sforza et Prospero Colonna lors de la bataille de la Bicoque. Toute la province se soulève alors en réaction au gouvernement oppressif du maréchal: la France perd le Milanais en avril 1522.

L’année 1523 est également le théâtre d’une affaire initialement franco-française mais dont les conséquences dépassent les frontières du royaume. Le connétable Charles de Bourbon, en butte depuis son veuvage (1521) aux manœuvres de François Ier pour satisfaire les revendications de Louise de Savoie sur le Bourbonnais et la vicomté de Châtellerault19, s’accorde avec Charles Quint et passe à son service pour devenir lieutenant général de ses armées.

Article détaillé : Sixième guerre d'Italie.
Charles III de Bourbon, gravure de Thomas de Leu

Cette défection retarde la contre-offensive de François Ier. En 1524, Guillaume Gouffier de Bonnivet prend la tête de l’armée qui doit reconquérir Milan mais trouve Charles de Bourbon sur son chemin, doit se retirer sur la Sesia. Blessé, il confie son arrière-garde à Bayard, qui succombe lui-même le 30 avril 1524. La voie est ouverte aux armées impériales pour une invasion par la route de Lyon, offensive préconisée par Charles de Bourbon. Charles Quint préfère attaquer par la Provence et, en août et septembre 1524, fait mettre le siège devant Marseille, qu’il échoue à prendre. François Ier en profite pour reprendre l’initiative et conduit lui-même son armée au-delà des Alpes pour arriver le 28 octobre sous les murs de Pavie. La ville est défendue par Antonio de Leiva et reçoit les renforts du vice-roi de Naples, Charles de Lannoy. Mal conseillé par Bonnivet et malgré l’avis de Louis de la Trémoille, François Ier engage la bataille dans la hâte. L’artillerie, mal placée, doit cesser le feu sous peine de tirer dans les rangs français. L’armée ne peut résister aux troupes impériales; Bonnivet, La Palice et La Trémoille sont tués. François Ier remet son épée à Charles de Lannoy et reste prisonnier jusqu’à la signature20, le 14 janvier 1526, du traité de Madrid.

Aux termes de ce traité, François Ier doit céder le duché de Bourgogne et le Charolais, renoncer à toute revendication sur l’Italie, les Flandres et l’Artois, réintégrer Charles de Bourbon au sein du royaume de France et restituer ses terres, et épouser Éléonore de Habsbourg, sœur de Charles. François est libéré en échange de ses deux fils aînés, le dauphin François de France et Henri de France (futur Henri II). François Ier lors de sa captivité à Madrid, avait fait le vœu d’un voyage de dévotion à Notre-Dame du Puy-en-Velay et à la basilique Saint-Sernin de Toulouse, s’il obtenait sa délivrance. En 1533, il honora sa promesse et fut accueilli avec liesse dans de nombreuses villes de provinces, notamment à Béziers par l'évêque Antoine Dubois21.

Charles Quint ne tire pas grand profit de ce traité, que François avait d’ailleurs jugé bon de déclarer inexécutable la veille de sa signature. Le 8 juin, les états de Bourgogne déclarent solennellement que la province entend rester française. De surcroît, Louise de Savoie n’étant pas restée inactive pendant sa régence, une ligue contre l’empire est scellée à Cognac, à laquelle participent la France, l’Angleterre, le pape et les principautés italiennes (Milan, Venise et Florence). Le 6 mai 1527, Charles de Bourbon est tué dans l'assaut qu'il donne à Rome.Ses troupes s'en vengeront en mettant à sac la cité de Rome.

Une suite de défaites et de victoires des deux camps en Italie amènent Charles Quint et François Ier à laisser Marguerite d’Autriche, tante de l’empereur, et Louise de Savoie, mère du roi, négocier un traité qui amende celui de Madrid: le 3 août 1529, à Cambrai, est signé la "Paix des Dames", qui sera ratifiée par les deux souverains. François Ier épouse Éléonore veuve du roi du Portugal, sœur de Charles, recouvre ses enfants moyennant une rançon de 2 000 000 écus et garde la Bourgogne; en revanche, il renonce à l’Artois, à la Flandre et à ses vues sur l’Italie.

Nouvelles alliances : les princes protestants et l'Empire ottoman

Article détaillé : Alliance franco-ottomane.
Louise de Savoie

En fait, François Ier n’abandonne pas ses prétentions et s’ouvre à de nouvelles alliances quelque peu surprenantes pour un roi très chrétien.

François Ier entend profiter des dissensions internes de l’Empire et signe, le 26 octobre 1531 à Saalfeld, un traité d’alliance avec la ligue de Schmalkalden. La France ne rejoint pas la ligue mais promet une aide financière.

À l’extérieur de l’Empire, François Ier s'allie aux Ottomans de Soliman le Magnifique pour combattre Charles Quint qui lui-même prend les Turcs à revers en s'entendant avec les Perses. Aucun traité d’alliance proprement dit n’est signé entre la France et les Ottomans, mais une coopération étroite permet aux deux puissances de combattre efficacement la flotte espagnole en Méditerranée au grand scandale de l’Europe chrétienne. François Ier use d’un intermédiaire pour discuter avec le sultan : il s’agit d’un des premiers cas connus de l’usage de diplomates pour négocier et non transmettre un simple message. Celui-ci, par précaution, est quand même emprisonné pendant un an à Constantinople22.

En 1536, la France devient la première puissance européenne à obtenir des privilèges commerciaux en Turquie dits capitulations. Ceux-ci autorisent les navires français à naviguer librement dans les eaux ottomanes sous le pavillon fleurdelisé et chaque navire appartenant aux autres pays a l’obligation de battre pavillon français et demander la protection des consuls français pour commercer. Outre cela, la France obtint le droit de posséder une chapelle d’ambassade23 à Constantinople dans le quartier Galata. Ces privilèges assurent également une certaine protection de la France sur les populations catholiques de l’Empire ottoman.

Dernières tentatives italiennes et bourguignonnes

François Ier et Charles Quint se réconcilient sous l’impulsion du pape Paul III. Peinture de Sebastiano Ricci, 1687, huile sur toile, 108 × 94 cm, Plaisance, musée municipal.

L’empereur et le pape finissent par aplanir leur différend : en 1530, à Bologne, Charles Quint reçoit la couronne impériale des mains de Clément VII. Le 7 août, François Ier épouse la sœur de Charles Quint, Éléonore de Habsbourg, veuve du roi Manuel Ier de Portugal.

En 1535, à la mort du duc de Milan François II Sforza, François Ier revendique l’héritage du duché. Au début de 1536, 40 000 soldats français envahissent le duché de Savoie et s’arrêtent à la frontière lombarde, dans l’attente d’une éventuelle solution négociée. En juin, Charles Quint riposte et envahit la Provence mais se heurte à la défense du connétable Anne de Montmorency. Grâce à l’intercession du pape Paul III, élu en 1534 et partisan d’une réconciliation entre les deux souverains, le roi et l’empereur signent le 18 juin 1537 la Paix de Nice et se réconcilient lors de l'entrevue d'Aigues-Mortes le 15 juillet 1538, promettant de s’unir face au danger protestant. En signe de bonne volonté, François Ier autorise même le libre passage à travers la France afin que Charles Quint puisse aller mater une insurrection à Gand.

Charles Quint ayant refusé, malgré ses engagements, l’investiture du duché de Milan à un des fils du roi, une nouvelle guerre éclate en 1542. Le 11 avril 1544, François de Bourbon-Condé, comte d’Enghien, à la tête des troupes françaises, défait le marquis Alfonso de Avalos, lieutenant général des armées de Charles Quint à la bataille de Cérisoles. Cependant, les troupes impériales, avec plus de 40 000 hommes et 62 pièces d’artillerie, ont traversé la Lorraine, les Trois-Évêchés et franchi la frontière. Mi-juillet, une partie des troupes assiège la place forte de Saint-Dizier, tandis que le gros de l’armée poursuit sa marche vers Paris. De graves problèmes financiers empêchent l’empereur de solder ses troupes, où se multiplient les désertions. De son côté, François Ier doit également faire face au manque de ressources financières ainsi qu’à la pression des Anglais qui assiègent et prennent Boulogne-sur-Mer. Les deux souverains finissent par consentir à une paix définitive en 1544, le traité de Crépy-en-Laonnois reprend l’essentiel de la trêve signée en 1538. La France perd sa suzeraineté sur la Flandre et l’Artois et renonce à ses prétentions sur le Milanais et sur Naples, mais conserve temporairement la Savoie et le Piémont. Charles Quint abandonne la Bourgogne et ses dépendances et donne une de ses filles en mariage, dotée du Milanais en apanage, à Charles, duc d’Orléans et deuxième fils du roi.

Les relations personnelles avec Charles Quint

François Ier, Charles Quint et le cardinal Farnèse à Paris en 1540, fresque de Taddeo Zuccaro, achevée en 1565-1566
représentés sur une fresque du château de Caprarola

Bien que François Ier et Charles Quint ne s’apprécient guère, ils se témoignent en public tout le respect qui s’impose lors de visites officielles. Ainsi, François Ier reçoit plusieurs fois Charles Quint, notamment au Louvre, juste avant que les travaux du nouveau Louvre ne commencent. En janvier 1540, Charles Quint demandant à François Ier de le laisser traverser la France pour mater une révolte en Flandres, est reçu par le roi et, accompagné de celui-ci, fait une entrée à Paris, après être passé par Bordeaux, Poitiers, et Orléans. Il visite ainsi Fontainebleau, où François Ier lui fait découvrir la nouvelle galerie récemment achevée. La communication politique et la diplomatie sont ainsi érigées en outil de parade visant à impressionner l’adversaire.

Les deux chefs d’État cherchent aussi à créer des liens familiaux pour donner un sentiment de paix et d’entente. François Ier offre sa fille Louise (morte en bas âge) en mariage à Charles Quint, et ce dernier est à l’origine du mariage de sa sœur Éléonore avec François Ier en 1530.

L'Amérique du Nord

Lorsque François Ier accède au pouvoir, la France ne s’intéresse guère aux grandes découvertes et limite ses périples maritimes aux actions de contrebande et aux actes de piraterie sur la côte africaine. Pourtant, la France possède tous les atouts d’une grande puissance coloniale et navale : elle est dotée d’une longue façade maritime, de nombreux ports et de marins de qualité. Néanmoins, les prédécesseurs de François Ier privilégient les conquêtes méditerranéennes.

Jacques Cartier.
lithographie du XIXe siècle

C’est donc sous le règne de celui-ci que naît le premier engouement français pour les Amériques. Le roi de France s'attache à desserrer le contrôle du Nouveau Monde mis en place par les royaumes ibériques avec l'appui de la papauté (bulle pontificale de 1493 Inter Coetera modifiée par le traité de Tordesillas de 1494) en limitant la portée de la bulle aux territoires déjà découverts à cette date, limitation qu'il n'obtient que sous la forme d'une déclaration de Clément VII en 1533. François Ier peut donc pousser ses envoyés vers les territoires qui ne sont pas encore sous tutelle ibérique24. Les protestations espagnoles nées de cette politique sont à l'origine de la répartie du roi de France: « Je voudrais bien voir la clause du testament d’Adam qui m’exclut du partage du monde »25.

Giovanni da Verrazzano.
estampe du XVIIe ou XVIIIe siècle

Ainsi, les navires de l'armateur dieppois Jean Ango reconnaissent les côtes de Terre-Neuve, descendent en Guinée puis au Brésil, et contournent le Cap jusqu’à Sumatra. En 1522, l’un de ses capitaines, Jean Fleury, intercepte deux caravelles espagnoles venant de la Nouvelle-Espagne et transportant les trésors offerts par Cortès à Charles Quint. Cette découverte fait prendre conscience à la cour de France de l’importance du Nouveau Monde et des richesses qu’il peut contenir. En 1523, François Ier commence à encourager les explorations en Amérique du Nord. Il prend sous son égide le Florentin Giovanni da Verrazano et met à sa dispositions le vaisseau royal La Dauphine, laissant à Jean Ango et aux capitaux florentins le soin de financer l’expédition. Verrazano atteint l’Amérique du Nord et la Floride (qu'il baptise du nom de Franciscane), cartographie Terre-Neuve, puis fonde la Nouvelle-Angoulême (la future Nouvelle-Amsterdam, plus connue sous le nom de New York), en hommage à la famille du roi de France, avant de poursuivre vers le Brésil et les Antilles. Son objectif est de trouver un passage vers le nord-ouest menant directement aux Indes. Ses conclusions sont éloquentes : « C’est une terre inconnue des anciens, […] plus grande que l’Europe, l’Afrique et presque que l’Asie ». En 1534, Jean Le Veneur, évêque de Lisieux et grand aumônier du roi, conseille à François Ier d’envoyer le Malouin Jacques Cartier en expédition pour découvrir « certaines îles et pays où l’on dit qu’il se doit trouver grande quantité d’or et autres riches choses ». C’est la naissance de la Nouvelle-France.

Parti de Saint-Malo le 20 avril 1534, Cartier traverse l’Atlantique en seulement trois semaines. Le 24 juillet, il prend possession de la côte de Gaspé, puis revient à Saint-Malo le 5 septembre. Soutenu par François Ier, il repart le 15 mai 1535 à la tête de trois navires. Il découvre l’embouchure du Saint-Laurent, remonte le fleuve et fonde le poste de Sainte-Croix (future Québec), puis atteint un village sur une colline, Hochelaga, qu’il re-baptise en Mont-Royal (future Montréal). Remontés à Sainte-Croix, les Français y restent bloqués par les glaces entre novembre 1535 et avril 1536. Cartier repart pour la France considérablement affaibli et arrive à Saint-Malo le 16 juillet 1536. La guerre avec Charles Quint ne facilite pas la mise en place d’une nouvelle expédition. Pour gouverner cette province d’outre-mer, François Ier choisit le Languedocien Jean-François de La Rocque de Roberval, militaire expert en fortification. Jacques Cartier quitte Saint-Malo le 23 mai 1541 à la tête de cinq navires chargés de vivres pour deux ans et transportant plusieurs centaines d’hommes. Il fonde une colonie qu’il nomme Charles-Bourg à une quinzaine de kilomètres de l'île de Sainte-Croix. Après des complications avec les populations amérindiennes et un hivernage difficile, Cartier décide de regagner la France. Le 8 juin, il croise, à Terre-Neuve, Roberval qui arrive seul à la colonie en juillet. En octobre 1543, il est de retour en France.

Cette tentative française en Amérique du nord est donc un échec, mais la prise de possession de territoires nord-américains remet en cause le monopole colonial espagnol et ouvre des perspectives pour l’avenir, notamment pour Samuel de Champlain au début du XVIIe siècle.

Politique intérieure

Le jeune prince Henri forme à la cour de son père un parti d’opposition contre la maîtresse en titre, Anne de Pisseleu.
Tableau de Corneille de Lyon, vers 1536, 16 × 14 cm, Galleria Estense, Modène.

Alors que le roi érige en France de nombreux châteaux, il déséquilibre sérieusement le budget du royaume. À la fin de son règne Louis XII s’inquiétait déjà d’un François très dispendieux. Le beau-père du roi avait laissé une France en bonne santé économique avec une monarchie au pouvoir renforcée sur le pouvoir des féodaux. François Ier continue de consolider l’emprise de la couronne sur le pays mais, en même temps, détériore la situation économique du royaume.

Lorsque François Ier accède au trône de France, son royaume compte environ 18 millions d’habitants26, ce qui en fait le pays unifié le plus peuplé d’Europe. 85 % de la population française est paysanne, mais la productivité de l’agriculture, basée essentiellement sur la polyculture et les céréales, est faible (5 quintaux à l’hectare), et la pénurie, fréquente. En revanche, l’horticulture progresse avec notamment la culture des carottes, betteraves, artichauts, melons, choux-fleurs et mûriers. Quant aux villes, leur croissance suit le développement de l’artisanat.

Le gouvernement de François Ier

Le règne de François Ier voit un renforcement de l’autorité royale jetant les bases de l’absolutisme tel que pratiqué plus tard par Louis XIV27. Le défenseur le plus ardent de la suprématie royale est le jurisconsulte Charles du Moulin28. Pour lui, le roi seul, et aucun autre seigneur ou officier, bénéficie de l'imperium.

La cour (estimée entre 5 000 et 15 000 personnes29) que le roi rétablit à Paris, en édifiant le nouveau Louvre, est le véritable cœur du pouvoir. Bien qu’entouré de conseils – le Grand Conseil, le Conseil des parties ou Conseil privé et le Conseil étroit, ce dernier chargé des décisions importantes de l’État –, le roi, apparaît de plus en plus comme la source unique de l’autorité, arbitrant en dernier ressort les initiatives de l’administration judiciaire et financière, choisissant et disgraciant ses favoris, ses ministres et ses conseillers.

Au début de son règne, le roi maintient en faveur plusieurs serviteurs de son prédécesseur : La Palisse et Odet de Foix, seigneur de Lautrec font passer à quatre le nombre de maréchaux. La Trémoille prend de hautes responsabilités militaires. Il confirme également Florimond Robertet comme étant le « père des secrétaires d’État ». La Palisse cède l’office de grand maître à Artus Gouffier de Boissy, ancien gouverneur du roi. Guillaume Gouffier de Bonnivet devient amiral de France en 1517. Le cardinal Antoine Duprat, magistrat d’origine bourgeoise devient chancelier de France. Enfin, Charles III de Bourbon reçoit l’épée de connétable. La mère du roi, Louise de Savoie a une influence non négligeable sur les affaires du pays. Élevée au rang de duchesse, elle fait partie du conseil privé du roi et est nommée par deux fois régente du royaume. Jusqu’en 1541, Anne de Montmorency, nommé premier gentilhomme de la chambre du roi, connaît la faveur royale et une carrière politique éclatante. François Ier compte aussi sur ses conseillers l'amiral de France Claude d'Annebaut et le cardinal de Tournon pour l’exécution des décisions financières.

La religion[modifier]

François Ier et sa sœur, Marguerite de Navarre, peinture de Richard Parkes Bonington, 1827, 46 × 34 cm, Londres, Wallace Collection.

François Ier est vu comme un roi très chrétien et bon catholique30. Bien qu’il ne soit peut-être pas aussi pieux que sa sœur Marguerite, il prie chaque matin dans sa chambre, communie régulièrement sous les deux espèces et se rend bien sûr à la messe après le conseil des affaires. François Ier prend également part aux pèlerinages : dès son retour d’Italie en 1516, il se rend à la Sainte-Baume en Provence sur le tombeau de Marie-Madeleine. Plus tard, il part à pied avec ses courtisans rendre hommage au Saint-Suaire à Chambéry.

Après plusieurs décennies de crise entre la papauté et le royaume de France, François Ier signe avec le pape Léon X le concordat de Bologne (1516).

Alors que les idées de la Réforme commencent à se répandre en France, François Ier garde initialement une attitude plutôt tolérante, sous l’influence de sa sœur Marguerite de Navarre, portée sur l’Évangélisme, sans rupture avec l’Église catholique. Le roi protège les membres du groupe de Meaux, persécutés durant son absence par les théologiens de la Sorbonne et sur les conseils de sa sœur nomme même précepteur de son fils Charles, Lefèvre d’Étaples qui s’était exilé à cause de ces persécutions.

En revanche, dès 1528, l’Église de France entreprend des actions contre le développement de la nouvelle religion et propose aux réformés le choix entre l’abjuration et le châtiment. L’influence de Marguerite de Navarre est contrariée par celle de deux puissants conseillers proches du roi: les cardinaux Antoine Duprat et François de Tournon.

Devant les actes de vandalisme perpétrés contre les objets du culte romain, François Ier se montre implacable et favorise la poursuite en justice des réformés31. Face aux actes iconoclastes, le roi participe personnellement aux cérémonies destinées à effacer ce qui est considéré pour l’époque comme un crime. Survient en octobre 1534 l’affaire des Placards, dans laquelle François Ier estime l’autorité royale bafouée et qui accélère en réaction le processus de persécution des protestants et l’amorce des guerres de religion en France.

L’épisode le plus douloureux de cette répression, qui ternit la fin de règne de François Ier, est le massacre des Vaudois du Luberon, ralliés aux thèses de Calvin, des villages de Cabrières, Mérindol et Lourmarin, villages situées sur les terres de l’Église. Après publication d’un édit du Parlement d’Aix en 1540, resté lettre morte, François Ier décide de réprimer dans le sang les désordres de cette communauté. Grâce aux galères de Paulin de La Garde qui amènent des troupes du Piémont, Jean Maynier, président du Parlement d’Aix, et Joseph d’Agoult, baron d’Ollières, exécutent les ordres royaux avec un tel enthousiasme que même Charles Quint en exprime son émotion.

Le durcissement de la politique de François Ier à l’égard de la religion réformée est aussi, vraisemblablement, lié aux accords secrets passés avec Charles Quint à l’occasion de la signature du traité de Crépy-en-Laonnois, accords qui obligent le roi de France à participer activement à l’éradication de la menace protestante en Europe et donc en France. Nonobstant ces accords, François Ier persiste dans sa politique de soutien aux princes protestants d’Allemagne.

Le français comme langue officielle

Article détaillé : ordonnance de Villers-Cotterêts.
Extrait de l’ordonnance royale de Villers-Cotterêts

Dans son château de Villers-Cotterêts dans l’Aisne, en 1539, François signe l’ordonnance royale, élaborée par le chancelier Guillaume Poyet, qui fait du français la langue officielle exclusive de l’administration et du droit, en lieu et place du latin. Le même document impose aux prêtres d’enregistrer les naissances et de tenir à jour un registre des baptêmes. C’est le début officiel de l’état civil en France et les premiers enregistrements avec filiation au monde.

La politique financière

Les constructions se révèlent être un gouffre financier alors que l’effort de guerre contre Charles Quint mobilise des sommes énormes.

Pour faire face à la situation, le roi augmente les taxes : la taille, payée par les paysans, est plus que doublée, et la gabelle, payée sur le sel, est triplée32. François Ier généralise la douane et la traite foraine, augmentant ainsi la part dans les ressources du Trésor des taxes générées par les importations et les exportations de marchandises. Contrairement à la plupart de ses prédécesseurs, en particulier pour les décisions à caractère fiscal, François Ier ne convoque pas les états généraux durant son règne.

L'accroissement des différentes traites rend inopérant le système de recouvrement en usage jusqu'alors. François Ier pallie cette insuffisance administrative par l'extension à la gabelle du système de perception par la ferme. De même, le roi entend améliorer l'efficacité de l'emploi des fonds levés et l'adéquation des prélèvements avec la création en 1523 du Trésor de l'Épargne, caisse unique où doivent être apportées toutes les finances et réalisées toutes les dépenses générales de l'État. Cette nouvelle institution centralise l'activité des dix recettes générales préexistantes, qui opéraient de façon indépendante et sans coordination, laissant se développer erreurs et doubles emplois33.

François Ier use aussi de nouveaux moyens pour lever des fonds. Il se sépare de pierres précieuses appartenant à la couronne et aliène des territoires royaux qui lui apportent les fonds nécessaires au financement de sa politique.

Enfin, le roi innove avec la vénalité des charges et offices. Ainsi, de nombreux bourgeois et nobles de grandes familles accèdent aux plus hautes charges de l’État par leur seule fortune. Les postes les plus prisés sont les notaires et secrétaires de la Chancellerie de Paris, qui rédigent et authentifient les lois. Bien qu’il n’abuse pas de ce dernier moyen, c’est certainement le début d’un phénomène destiné à s’amplifier et donc à affaiblir plus tard l’administration du pays malgré un pouvoir de plus en plus centralisé.

Par l’édit de Châteauregnard (21 mai 1539), François Ier crée également la première loterie d’État, sur le modèles des blancques existant déjà dans plusieurs villes italiennes.

Enfin, comme lors de l’affaire du connétable Charles de Bourbon, François Ier ne recule pas devant les procédés douteux pour résoudre les problèmes financiers de la couronne. L’exemple le plus frappant en est le procès intenté à Jacques de Beaune, baron de Semblançay, principal intendant des finances depuis 1518 et accusé lors d’un procès intenté par le roi en 1524, de détournement des fonds destinés à la campagne d’Italie. Bien qu’ayant réussi à se justifier lors de ce procès, il est arrêté en 1527, accusé de concussion, condamné à mort et exécuté au gibet de Montfaucon. Lors de sa réhabilitation, il apparaît qu’il avait surtout eu le tort d’être un créancier important de François Ier.

Fiefs réunis à la couronne

La France sous François Ier, ses acquisitions et les demeures royales.

La majeure partie des acquisitions du domaine royal se limite aux fiefs de la famille de François Ier et de son épouse, réunis à la couronne lors de son sacre, tel le comté d’Angoulême, érigé en duché et offert à Louise de Savoie, qui le redonne à la couronne à sa mort en 1531. En 1523, le domaine du roi s’étend au duché de Bourbonnais, au comté d’Auvergne, de Clermont, de Forez, de Beaujolais, de la Marche, de Mercœur et du Montpensier (la plupart de ces terres sont confisquées au connétable de Bourbon en 1530 après sa trahison19). En 1525, la couronne acquiert le duché d’Alençon, le comté du Perche, d’Armagnac, du Rouergue et en 1531, le Dauphiné d’Auvergne.

La Bretagne était déjà en cours de rattachement à la couronne de France depuis 1491, la duchesse de Bretagne Anne ayant épousé Charles VIII puis Louis XII. Le duché entre alors dans une ère assez prospère, dont la paix n’est perturbée que par quelques expéditions anglaises, telle celle de Morlaix en 1522.

François Ier en devient l'usufruitier en épousant la fille d’Anne de Bretagne, Claude de France, duchesse souveraine de Bretagne qui décède en 1524. François, conscient que la Bretagne fut toujours hostile à toute annexion au Royaume de France, y envoie Antoine Duprat qui devient Chancelier de Bretagne en 1518. En 1532, année de la majorité du duc-dauphin, François Ier réunit les États à Vannes le 8 décembre en demandant une union réelle et perpétuelle moyennant le respect de leurs droits et privilèges fiscaux. Le 6 août, à Rennes, il fait couronner son fils qui devient François III de Bretagne. Le 13 août, il signe l’édit d’union du duché à la couronne de France. La Bretagne est ainsi unie définitivement au royaume et symbolise la réussite de François Ier dans son agrandissement territorial du domaine royal.

Claude de France, lors de son mariage, apporte également en dot le comté de Blois, le Soissonnais, les seigneuries de Coucy, Asti et le comté de Montfort.

À part les conquêtes du Milanais au début du règne de François Ier et l’acquisition temporaire de la Savoie et du Piémont, le règne de François Ier se révèle pauvre en conquêtes étrangères, en particulier après l'échec de ses revendication sur le royaume de Naples.

Mort du Roi

Urne contenant le cœur de François Ier à la Basilique de Saint-Denis, France

François Ier meurt d’une septicémie le 31 mars 1547 au château de Rambouillet et est enterré le 23 mai au côté de sa première épouse Claude de France à la basilique Saint-Denis. Son deuxième fils Henri II lui succède.

Anne de Pisseleu, sa maîtresse, est contrainte de quitter la cour.

Un monument au cœur est réalisé sous forme d'urne sur un haut socle, sculptée entre 1551 et 1556 par Pierre Bontemps et à l'origine placée à l'abbaye des Hautes-Bruyères (Yvelines, détruite), et aujourd'hui conservée à Saint-Denis, non loin du monument au corps où le roi repose aux côtés de Claude de France, dans un ensemble sculpté entre 1548 et 1558 par François Carmoix, François Marchand, puis Pierre Bontemps. La tombe de François Ier fut profanée pendant la Révolution, le 20 octobre 1793, en même temps que celle de sa mère et de sa première épouse.

Portrait de François Ier

Physionomie de François Ier

L’image la plus courante de François Ier, visible dans ses nombreux portraits tels celui de Jean Clouet de 1530, présente un visage calme avec un nez proéminent tout en longueur. Un autre portrait de profil réalisé par Titien confirme cette silhouette, avec une petite bouche lançant un sourire malicieux et des yeux en amandes. D'après un soldat gallois, présent au camp du Drap d’Or en 1520, François Ier est grand et :

« ...Sa tête est bien proportionnée, malgré une nuque fort épaisse. Il a des cheveux châtains, bien peignés, une barbe de trois mois d’une couleur plus foncée, un nez long, des yeux noisette injectés de sang, le teint laiteux. Ses fesses et cuisses sont musclées, mais, au-dessous des genoux, ses jambes sont maigres et arquées, ses pieds longs et complètement plats. Il a une voix agréable mais il a la manie « peu royale » de rouler ses yeux continuellement vers le ciel... »

L'armure d'apparat de François Ier, fabriquée sur mesure, et actuellement exposée au musée de l'armée à Paris, permet d'évaluer quelle était la taille du souverain : il mesurait en réalité entre 1,95 m et 2 mètres34 ce qui était tout à fait inhabituel pour l’époque. Les étriers (en or) ainsi que les armes richement décorées de François Ier sont en revanche exposées au Musée national de la Renaissance d'Écouen et témoignent également de la robustesse du Roi.

Psychologie de François Ier

D’après les différents portraits de ses contemporains, par son éducation rigoureuse et par sa correspondance avec sa famille, on sait d’ores et déjà que François Ier est assez intelligent, curieux et largement ouvert d’esprit, s’intéressant à tout sans être pour autant érudit, prêt à discuter de toutes sortes de sujets avec une assurance souvent mal fondée, et très courageux, se rendant lui-même sur le champ de bataille et combattant avec bravoure35. Il fait toutefois preuve d’un égoïsme marqué d’enfant gâté, d’un manque d’implication et d’un tempérament impulsif qui lui vaut certains déboires dans l’art militaire. Tout en sachant l’autorité qu’il doit à Dieu et l’image qu’il représente, François Ier marque un certain rejet pour un protocole souvent trop rigoureux et prend quelques libertés, ce qui fait de la Cour de France un lieu assez détendu. Il impose parfois des conventions mais peut passer outre l’étiquette36.

La légèreté de François Ier dans sa vie curiale ne doit pas occulter un véritable sens de ses responsabilités royales. Marino Cavalli, ambassadeur de Venise de 1544 à 154637, insiste, dans un rapport au sénat, sur la volonté du roi français : « Pour ce qui est des grandes affaires de l’État, de la paix et de la guerre, Sa Majesté, docile en tout le reste, veut que les autres obéissent à sa volonté; dans ces cas-là, il n’est personne à la Cour, quelque autorité qu’il possède, qui ose en remontrer à Sa Majesté »38.

Dans la victoire comme lors des revers militaires, François Ier se distingue par un courage vif mais mal maîtrisé. C’est en revanche un médiocre stratège, tirant mal parti des innovations techniques de son temps. L’exemple de la bataille de Pavie est édifiant : François Ier place son artillerie, pourtant l’une des meilleures d’Europe, derrière sa cavalerie, et lui ôte ainsi toute efficacité.

Durant son règne, François Ier ne cache pas son goût pour les plaisirs courtois et l’infidélité, son goût pour les femmes l'amène d'ailleurs à être atteint de syphilis. On prête au roi cette phrase : « Une cour sans femmes, c’est comme un jardin sans fleurs », montrant à quel point le roi comptait sur la présence féminine à la cour de France, imitant ainsi les cours italiennes dans lesquelles le féminin était un symbole de grâce. Parmi ses maîtresses, on peut citer Françoise de Foix, comtesse de Châteaubriant, supplantée par Anne de Pisseleu39, duchesse d’Étampes et demoiselle d’honneur de Louise de Savoie au retour de François Ier après sa captivité espagnole, ou encore la femme de l’avocat Jean Ferron, surnommée la belle ferronnière. On peut aussi citer la comtesse de Thoury et même une dame inconnue, dont le roi aura un fils, Nicolas d’Estouteville.

Certaines de ces femmes ne joueront pas seulement le rôle de maîtresse du roi. Quelques-unes d’entre-elles auront également une influence politique, telle Anne de Pisseleu ou encore la comtesse de Thoury, à l’origine de la construction du château de Chambord.

Titulature complète

Mariages

Descendance

Claude de France, première épouse de François Ier, donne naissance à sept enfants dont deux meurent en bas âge.

Certains évoquent un huitième enfant, Philippe, né en 1524 et mort en 1525, ce qui laisse penser que Claude de France est morte en couches[réf. nécessaire].

Descendance illégitime

de Jacquette de Lanssac, il eût :

  • Louis de Saint-Gelais[réf. nécessaire]. (°1513 + 10/1589) épousa en 1ères noces Jeanne de la Roche-Landry +1563 puis en 2ème noces le 08/10/1565 Gabrielle de Rochechouart; Sa postérité s'éteignit avec les mâles à la troisième génération en 1636.


François Ier eut également d’une dame inconnue un fils qui ne fut pas légitimé par la suite : Nicolas d’Estouteville, seigneur de Villecouvin42[réf. nécessaire].

Généalogie simplifiée

 
 
 
Charles V
(1338-1380)
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(1364-1380)
 

Jeanne de Bourbon
(1337-1378)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Charles VI
(1368-1422)
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(1380-1422)
 

Isabeau de Bavière
(1371-1435)
 
 
 

Louis d'Orléans
(1372-1407)
 

Valentine Visconti
(1368-1408)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Charles VII
(1403-1461)
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(1422-1461)
 

Marie d'Anjou
(1404-1463)
 

Charles d'Orléans
(1394-1465)
 

Marie de Clèves
(1426-1487)
 

Jean d' Orléans
(1400-1467)
 

Marguerite de Rohan
(nc-1496)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Louis XI
(1423-1483)
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(1461-1483)
 

Charlotte de Savoie
(1440-1483)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
   
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Charles VIII
(1470-1498)
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(1483-1498)
 

Anne de Bretagne
(1477-1514)
 
Louis XII
(1462-1515)
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(1498-1515)
 

Louise de Savoie
(1476-1531)
 

Charles d'Angoulême
(1459-1496)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Claude
(1499-1524)
 
 
 
 
 
François Ier
(1494-1547)
French heraldic crowns - Prince de sang royal.svg
(1515-1547)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Louise
(1515-1518)
 

Charlotte
(1516-1524)
 

François
(1518-1536)
 
Henri II
(1519-1559)
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(1547-1559)
 

Madeleine
(1520-1537)
 

Charles
(1522-1545)
 

Marguerite
(1523-1574)
 
 

Emblème

La salamandre, emblème de François Ier au château de Chambord

Plusieurs sources diffèrent quant à l’origine de la salamandre comme symbole de François Ier43 : Une tradition voudrait que François ait reçu cet emblème de son précepteur, Artus de Boisy, qui avait observé dans son élève, « un tempérament plein de feu, capable de toutes les vertus, qu’il fallait tantôt aviver, tantôt amortir ». Mais c’est oublier qu’on trouve déjà une salamandre dans l’emblème du comte Jean d’Angoulême, frère cadet de Charles d’Orléans, et qu’un manuscrit exécuté pour Louise de Savoie en 1504, porte lui aussi une salamandre. La thèse selon laquelle l’animal fut apporté à François Ier par Léonard de Vinci est une version romancée.

La salamandre, symbolise généralement le pouvoir sur le feu, donc sur les hommes et sur le monde. La devise Nutrisco & extinguo (« Je m’en nourris et je l’éteins »), qui accompagne parfois cet emblème, prend tout son sens lorsqu’on se réfère au pouvoir sur le feu. On la retrouve sur énormément de plafonds et de murs du château de Chambord et de celui de Fontainebleau, et sur les armes de la ville du Havre et sur celles de Vitry-le-François ainsi que sur le logo du département de Loir-et-Cher. Cet animal un peu magique est censé éteindre les mauvais feux et attiser les bons.

3 janvier 2012

LOUIS XIV wiki

Louis XIV de France

Louis XIV
Louis XIV of France.jpg
Portrait de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud (1701)

Titre
roi de France et de Navarre
14 mai 16431er septembre 1715
(72 ans, 3 mois et 17 jours)
Couronnement 7 juin 1654,
en la cathédrale de Reims
Régent Anne d'Autriche (1643-1651)
Prédécesseur Louis XIII
Successeur Louis XV
Biographie
Dynastie Maison de Bourbon
Nom de naissance Louis-Dieudonné
Date de naissance 5 septembre 1638
Lieu de naissance Château de Saint-Germain-en-Laye (France)
Date de décès 1er septembre 1715 (à 76 ans)
Lieu de décès Château de Versailles (France)
Père Louis XIII de France
Mère Anne d'Autriche
Conjoint Marie-Thérèse d'Autriche
(1659-1683)
Françoise d’Aubigné
(1683-1715)
Enfants Louis de France
Anne-Élisabeth de France
Marie-Anne de France
Marie-Thérèse de France
Philippe-Charles de France
Louis-François de France
Héritier Philippe de France (1643-1661)
Louis de France (1661-1711)
Louis de France (1711-1712)
Louis de France (1712)
Louis de France (1712-1715)
Résidence Palais du Louvre
Château de Versailles
Signature Louis XIV Signature.svg

Grand Royal Coat of Arms of France & Navarre.svg
Rois de France

Louis XIV1 dit le Roi-Soleil ou Louis le Grand né le 5 septembre 1638 à Saint-Germain-en-Laye et mort le 1er septembre 1715 à Versailles est un roi de France et de Navarre. C'est le fils de Louis XIII et l'arrière-grand-père de Louis XV.

Louis-Dieudonné monte sur le trône quelques mois avant son cinquième anniversaire comme 64e roi de France et 44e roi de Navarre. C'est le troisième des rois de la famille Bourbon. Son règne de 72 ans (du décès de son père le 14 mai 1643 à sa mort) est le plus long de l'histoire européenne2.

Il marque l'apogée de la construction séculaire d'un absolutisme de droit divin.

Après une minorité troublée par la révolte de la Fronde (1648-1653), Louis XIV assume personnellement le gouvernement à la mort du cardinal Mazarin en 1661 en ne prenant plus de ministre principal. Son autorité se déploie avec la fin des grandes révoltes nobiliaires, parlementaires, protestantes et paysannes qui avaient marqué le siècle précédent. Le monarque impose l'obéissance et contrôle les courants d'opinion y compris littéraires ou religieux (répression du jansénistes et révocation de l'édit de Nantes en 1685). Louis XIV construit un État centralisé, où son rôle direct est encore accentué après le décès des ministres Colbert (1683) et Louvois (1691).

Par la diplomatie et de la guerre, il accroît sa puissance en Europe, en particulier contre les Habsbourg. Sa politique du « pré carré » cherche à agrandir et rationaliser les frontières du pays, protégée par une «ceinture de fer» (fortification des villes conquises par Vauban). Pour obtenir une prédominance économique, un effort de développement commercial et colonial est conduit, notamment par son ministre Colbert.

À partir de 1682, Louis XIV dirige son royaume depuis le vaste château de Versailles, modèle architectural de nombreux palais européens et dont il a dirigé la construction. Une cour soumet la noblesse, étroitement surveillée à une étiquette très élaborée. Le prestige culturel s'y affirme grâce au mécénat royal en faveur d'artistes tels que Molière, Racine, Boileau, Lully, Le Brun et Le Nôtre. Avec d'autres, plus indépendants, (le poète La Fontaine, le philosophe Blaise Pascal, l'épistolaire Madame de Sévigné, le moraliste La Bruyère ou le mémorialiste Saint-Simon), ils font du règne l'apogée du classicisme français. On parle, dès son vivant de "Grand Siècle", voire de "Siècle de Louis XIV".

Sa difficile fin de règne est marquée par l'exode des protestants persécutés, par des revers militaires, par les deux famines de 1693 et de 1709 qui font près de deux millions de morts, par la révolte des `Camisards et par de nombreux décès dans la famille royale. Son successeur Louis XV, (un arrière petit fils) n'a que cinq ans à la mort du Roi, et pourtant, même après la régence, l'absolutisme perdure, marquant la solidité du régime construit par Louis XIV.

Habité par l'idée de sa gloire et de son droit divin, soucieux d'accomplir en permanence son « métier de roi », Louis XIV est devenu l'archétype du monarque absolu.

 

La jeunesse de l'Enfant Roi

Louis Dieudonné

Anne d'Autriche et le futur roi Louis XIV

Fils de Louis XIII et d'Anne d'Autriche, Louis est le fruit d'unions dynastiques : ses parents sont des deux familles les plus puissantes d'Europe (Bourbon et Habsbourg), ses grands-parents paternels Henri IV et Marie de Médicis, étaient respectivement Franco-Navarais et Florentin ; ses grands-parents maternels, Philippe III et Marguerite d'Autriche-Styrie étaient espagnol et autrichien, tous deux Habsbourg, proches parents l'un de l'autre3.

Au traditionnel titre de Dauphin de Viennois est ajouté à sa naissance celui de Premier fils de France. L’enfant est aussi prénommé Louis-Dieudonné, car, après presque vingt-trois ans de mariage sans enfant, plusieurs fausses couches de la reine et la mésentente du couple royal, la naissance inattendue de l’héritier du trône est considérée comme un don du Ciel. Certains y voient même un miracle4.

La naissance de Louis est suivie, deux ans plus tard, par celle de Philippe, d'abord titré duc d'Anjou, puis duc d'Orléans à la mort de son oncle, Gaston d'Orléans. Celui-ci était hostile au cardinal de Richelieu, premier ministre de Louis XIII, qui le trouvait trop favorable aux nobles et aux Habsbourg. La naissance tant espérée d'un dauphin écarte du trône Gaston un comploteur impénitent; c'est ainsi une victoire politique pour le cardinal de Richelieu, premier ministre de Louis XIII.

À la mort de son père, l'enfant devient roi sous le nom de Louis XIV. Comme il n'a que quatre ans et demi, sa mère, Anne d'Autriche, devient régente. Elle maintient contre toute attente le cardinal Mazarin comme Premier ministre, en dépit de la désapprobation des cercles politiques français de l'époque dont beaucoup n'apprécient pas qu'un Italien, fidèle de Richelieu, dirige la France.

L'éducation du roi

Louis XIV sous les traits de Jupiter vainqueur

En plus de ses fonctions ministérielles, Mazarin, parrain de Louis XIV, se voit attribuer par la reine en mars 1646 la responsabilité de l'éducation du jeune monarque et de son frère. Il devient donc « surintendant au gouvernement et à la conduite de la personne du roi et de celle de M. le duc d'Anjou ». Malgré les efforts des différents précepteurs engagés pour lui prodiguer des cours de latin, d'histoire, de mathématiques, d'italien et de dessin, Louis n'est pas un élève très travailleur. Mais, suivant l'exemple du grand collectionneur d'art qu'est Mazarin, Louis XIV se montre très sensible à la peinture, à l'architecture, à la musique et surtout à la danse qui est, à l'époque, une composante essentielle de l'éducation d'un gentilhomme : on dit que le jeune Louis s'entraîne à danser environ deux heures par jour de l'âge de 7 à 27 ans.

Louis XIV, enfant, en costume romain.

Louis, le « miraculé »

Louis XIV, en costume de sacre en 1648

Dans son enfance, Louis XIV échappe à plusieurs reprises à la mort :

  • À 5 ans, il manque de se noyer dans un des bassins du jardin du Palais-Royal. Il est sauvé in extremis.
  • À 9 ans, le 10 novembre 1647, il est atteint de la variole. Dix jours plus tard, les médecins n’ont plus aucun espoir mais le jeune Louis se remet « miraculeusement ».
  • Le 30 juin 1658, le roi est victime d’une grave intoxication alimentaire lors de la prise de Bergues dans le Nord. Le lundi 8 juillet, on lui donne les derniers sacrements et on commence à préparer la succession mais Guénaut, le médecin d’Anne d’Autriche, lui donne un émétique à base d’antimoine et de vin qui guérit encore une fois « miraculeusement » le roi.

L'épreuve de la Fronde

Article détaillé : Fronde (histoire).
Le Grand Condé, d'abord ferme soutien du pouvoir royal devient l'opposant le plus déterminé

Après avoir célébré sa première communion à l'église Saint-Eustache le 25 décembre 1649, Louis XIV, qui n'a alors que 12 ans, entre au conseil en 1650. C'est l'époque de la Fronde, une contestation de l'autorité royale par les parlements et la noblesse qui allait marquer durablement le monarque. En réaction à ces événements, Louis XIV s'appliqua plus tard à continuer le travail commencé par Richelieu : affaiblir les membres de la noblesse d'épée en les obligeant à servir comme membres de sa cour en transférant la réalité du pouvoir à une administration très centralisée et à la noblesse de robe.

En 1648, le parlement de Paris s'oppose fermement aux impôts levés par Mazarin pour continuer la guerre contre l'Espagne. La Journée des barricades contraint le roi à quitter Paris une première fois. S'il revient assez vite dans la capitale, les exigences des parlementaires, appuyés par le très populaire Jean-François Paul de Gondi, obligent Mazarin à envisager un coup de force. En pleine nuit et dans le plus grand secret, le roi et sa cour quittent la capitale dans le but de l'assiéger et de la remettre à obéissance. L'affaire se complique quand des personnalités de la haute noblesse apportent leur soutien à la fronde : le prince de Conti, frère de Condé, Beaufort, petit-fils d'Henri IV et quelques autres veulent renverser Mazarin. Si, après quelques mois de siège Paris se rend au roi, Mazarin ne parvient pas à imposer sa volonté aux parlementaires et le conflit politique demeure.

En 1650, une nouvelle fronde appelée Fronde des princes se construit autour du tumultueux prince de Condé. Les princes sont arrêtés sur l'ordre de Mazarin, ce qui aboutit à une nouvelle guerre civile, relayée essentiellement dans les provinces (Bordeaux). En 1651, Gondi et Beaufort, chefs de la première fronde, s'allient à la fronde des princes, pour renverser Mazarin. L'appui du duc d'Orléans et une émeute parisienne obligent Mazarin à s'exiler. Le 8 février 1651, la reine et le jeune Louis essaient de s'enfuir de la capitale mais, alarmés, les Parisiens envahissent le palais royal où loge le roi, désormais prisonnier de la fronde.

Le 7 septembre 1651, le lit de justice déclare la majorité du roi. Tous les grands du royaume viennent lui rendre hommage, sauf Condé qui, de Guyenne, lève une armée pour marcher sur Paris. Défait, Condé se jette dans Paris qui se soulève devant le retour d'exil de Mazarin. Le pouvoir royal doit de nouveau assiéger Paris. Le deuxième exil de Mazarin, les exactions des troupes de Condé, les troubles populaires et la lassitude à l'égard de la guerre mettent un terme à la fronde, devenue impopulaire: la plupart des grands font leur soumission. Seul, Condé trahit la France pour se mettre au service de l'Espagne, qui avait profité du désordre pour reprendre du terrain en Flandre. L'arrestation et l'exil de Gondi, éternel comploteur, permettent de mettre un terme définitif aux troubles.

Louis XIV est sacré officiellement roi le 7 juin 1654 à Reims mais il laisse les affaires politiques à Mazarin, tandis qu’il continue sa formation militaire auprès de Turenne.

Mariage avec Marie-Thérèse d'Autriche

Mariage du roi
Entrevue de Louis XIV et de Philippe IV dans l'île des Faisans en 1659. On distingue la fille de Philippe IV, future reine de France, derrière lui.

Pendant le voyage du jeune roi, le 7 novembre 1659, les Espagnols acceptent de signer le traité des Pyrénées qui fixe les frontières entre la France et l'Espagne. De son côté, Louis XIV accepte bon gré, mal gré de respecter une des clauses du traité : épouser l'infante Marie-Thérèse d'Autriche (1638-1683), fille de Philippe IV, roi d'Espagne et d'Élisabeth de France. Les époux sont doublement cousins germains : la reine-mère Anne d'Autriche étant la sœur de Philippe IV et Élisabeth de France la sœur de Louis XIII. Ce mariage a cependant pour but de rapprocher la France de l'Espagne. Il a lieu le 9 juin 1660 en l'église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz.

Louis ne connaît sa femme que depuis trois jours, celle-ci ne parle pas un mot de français mais le roi « l'honore » fougueusement et devant témoins dès la nuit de noce5. (Selon d'autres sources, cette nuit de noces, contrairement à l'usage, n'eut pas de témoin.) 6

 

Le règne du Roi-Soleil

L'apogée de l'absolutisme

Louis XIV en 1661 par Charles Le Brun. À 23 ans, il décide de prendre réellement le pouvoir en devenant monarque absolu.

Également connu sous le nom du Roi-Soleil, Louis XIV renforce la monarchie qui devient monarchie absolue de droit divin. Le 13 avril 1655, le roi décrète dix-sept édits visant à renflouer les caisses de l’État, ce qui a pour effet de faire passer le total des revenus fiscaux du royaume de 130 millions de livres en 1653 à plus de 160 millions en 1659-16607. La légende raconte qu'à cette occasion, il aurait déclaré aux parlementaires réticents le célèbre mais contesté : « l’État c’est moi ! ». En fait, il ne l'a jamais déclaré. Il dit même le contraire sur son lit de mort, en 1715 : « Je m'en vais mais l'État demeurera toujours ».[réf. nécessaire]

Louis XIV se dissocie de l'État, dont il se définit lui-même comme, seulement, le premier serviteur8,9.

La prise de pouvoir et l'élimination de Fouquet

Nicolas Fouquet, le flamboyant surintendant sera écarté du pouvoir pour permettre au Roi-Soleil de mieux briller.

À la mort de Mazarin, le 9 mars 1661, la première décision de Louis XIV est de supprimer la place de ministre principal et de prendre personnellement le contrôle du gouvernement, mais l'entourage du roi n'est pas convaincu de sa stature d'homme d'État. Louis doit faire ses preuves et prouver son autorité par ce « coup de majesté ».

Le roi avait été informé par Jean-Baptiste Colbert du délabrement des finances10 après la guerre ruineuse contre la Maison d’Espagne et les 5 années de Fronde, de l’enrichissement personnel effréné de Mazarin, dont Colbert lui-même avait profité et celui éhonté de Fouquet dont les pratiques spéculatives avaient fait leur temps. Six mois plus tard, le 5 septembre 1661, jour de ses 23 ans, le roi qui avait pu, jeune encore, constater le fort mécontentement des provinces contre la pression fiscale durant les 18 années de ministère du défunt cardinal, fait arrêter au grand jour, par d'Artagnan, Nicolas Fouquet dont il supprime par la même occasion le poste de surintendant des finances. Il crée une chambre de justice pour examiner les comptes des financiers. Même si Fouquet servit de bouc émissaire et qu’il avait pendant presque 9 ans, par son crédit personnel immense, bien rempli sa mission de pourvoyeur d’argent immédiat, il est communément admis aujourd’hui que le surintendant, qui eut le malheur d’être le dernier représentant d’un système populairement détesté, avait fini par confondre sans scrupule sa comptabilité avec celle du Trésor. Le roi avait donc besoin de montrer qui dirige le pays et d'éliminer ainsi celui dont il subissait le trop grand ascendant marqué par une fête donnée quelques jours avant l'arrestation au château de Vaux-le-Vicomte.

Après trois ans d'un procès plein d'irrégularités et influencé par le roi, Fouquet est remplacé par Colbert en 1665. Le règne personnel du Roi-Soleil commence.

Les grandes réformes

  • Création du Conseil royal des finances (12 septembre 1661)
Jean-Baptiste Colbert succèdera à Fouquet après avoir organisé son « élimination ».

La première partie du règne de Louis XIV est marquée par de grandes réformes administratives et surtout par une meilleure répartition de la fiscalité. Les douze premières années virent le pays en paix et le retour d'une relative prospérité11. On passe d'une monarchie judiciaire (où la principale fonction du roi est de rendre justice) à une monarchie administrative (le roi est à la tête de l'administration). Les finances, dirigées désormais par un contrôleur général, en l'occurrence Colbert, supplantent donc la justice en tant que première préoccupation du Conseil d'en haut. Celui qui aurait normalement dû être chargé de la justice, le chancelier, François-Michel Le Tellier, finit lui même par délaisser la justice pour se consacrer essentiellement aux affaires de guerre.

Il crée le code Louis en 1667, sorte de code civil, le code criminel en 1670, le code forestier, l'édit sur les classes de la Marine en 1669, l'ordonnance de commerce en 1673.

François-Michel Le Tellier, marquis de Louvois, secrétaire d'État à la Guerre, rival de Colbert au sein du conseil royal

Au fil du temps, deux clans dans l'administration se constituent, rivalisent et cohabitent. Le clan Colbert gère tout ce qui touche à l'économie, la politique étrangère, la Marine et la culture alors que le clan Le Tellier-Louvois prend la mainmise sur la Défense. Le roi fait ainsi sienne la devise « diviser pour mieux régner ». En ayant deux clans rivaux sous ses ordres, il est certain qu'ils s'autocontrôleront et que cela empêche toute dérive permettant à un de ses ministres de réussir un coup d'État contre lui.

Jusqu'en 1671, le clan Colbert domine mais, quand commencent les préparatifs de la guerre de Hollande, les réticences de Colbert, qui rechigne à se lancer à nouveau dans de grandes dépenses, commencent à le discréditer aux yeux du roi. De plus, l'écart d'âge entre Colbert (52 ans à l'époque) et le roi (33 ans) fait que le roi se rapproche naturellement de Louvois qui n'a que 30 ans et la même passion : la guerre. Jusqu'en 1685, c'est le clan Louvois qui est le plus influent.

Création d'un service de police moderne

Lorsque commence le regne, « Le Paris du XVIIe siècle est quasiment invivable ». C’est d’abord une concentration dangereuse de populations : épidémies, incendies, inondations, hivers polaires, encombrements et désordres de tout genre. La ville attire des individus qui espèrent vivre mieux auprès des riches : escrocs, brigands, voleurs, mendiants, infirmes, hors-la-loi, paysans sans terre et autres déshérités. Il existe encore la Cour des miracles, le plus célèbre des ghettos incontrôlables (estimés sous Louis XIV à 30 000 individus, soit 6 % du peuplement). Paris est un souci pour le jeune roi qui n’a pas encore construit Versailles12.

Édit de fondation de l’hôpital général de Paris (27 avril 1656)

Cet édit (de Grand Renfermement) a pour objet d’éradiquer la mendicité, le vagabondage et la prostitution. Il est conçu sur le modèle de l’hôpital lyonnais (l’hospice de la Charité établi en 1624) et s’attire à son service les membres de la compagnie du Saint-Sacrement. Il regroupe les trois établissements de la Salpêtrière, de Bicêtre et de Sainte-Pélagie. En dépit des peines et des expulsions prévues pour ceux qui ne regagnent pas l’hôpital, cette mesure, faute d’effectifs suffisants, sera un échec.

Ordonnance civile de Saint-Germain-en-Laye (3 avril 1667)

Médaille en or de Louis XIV par Jean Varin, 1665, Cabinet des médailles (BNF).

Dix ans plus tard, la situation mal maîtrisée a empiré et « on rapporte que le roi n’en dort plus la nuit »13. Les différentes factions de police sont disséminées et rivalisent entre elles. Colbert va s’efforcer de coordonner toutes ces autorités en un seul service. Pour atteindre ce but, le 15 mars 1667, il fait nommer La Reynie à la lieutenance générale de police qui vient d’être créée, un homme de son clan intègre et travailleur, qui a déjà participé au conseil de la réforme de la justice. Entre autres, sont annoncées une lieutenance séparée de celles civile et criminelle, la simplification et l’uniformisation des procédures de justice civile pour tout le royaume et l’obligation de mieux tenir les registres paroissiaux. Les attributions de La Reynie sont étendues : maintien de l’ordre public, des bonnes mœurs, du bon ravitaillement, de la salubrité (ébouages, pavage des rues, fontaines d’eau, etc.), la sécurité (rondes, éclairage des rues par lanternes, lutte contre la délinquance et les incendies, liquidation des « zones de non-droit »… (voir la Cour des miracles). Dès 1674, La Reynie a le titre de lieutenant général de police (en somme, le premier préfet de police de France) et s’acquittera de cette tâche épuisante avec intelligence pendant 30 ans, jusqu’en 1697, année où il se retire.

La Reynie, par un travail de longue haleine, avait réussi à instaurer dans la place de Paris une « sécurité inconnue ». Quand le marquis d’Argenson lui succède en 1697, il hérite du relâchement des dernières années car la situation recommençait à se dégrader. Homme rigoureux et sévère, c’est avec beaucoup d’assiduité et d’intransigeance qu’il entreprend le redressement de la situation. Il va remplir sa fonction de lieutenance en s’appuyant principalement sur la répression, avec une escouade considérable d’espions. On peut dire qu’il instaura une sorte de police secrète d’État dont un des aspects marquant fut de complaire outre mesure aux puissants et d’accentuer le despotisme d’un règne vieillissant. Ses services talentueux et zélés lui valurent, en 1718, la place enviée de garde des Sceaux14.

La politique étrangère

15 mai 1685 : le doge de Gênes est contraint à venir s'excuser dans la galerie des Glaces de Versailles (par Claude Guy Hallé, château de Versailles)
Territoire sous règne français et conquêtes de 1643 à 1715

Louis XIV tend à affirmer la puissance de son Royaume. Il utilise les armes traditionnelles de la diplomatie (ambassade, traités, alliances, unions dynastiques, soutien aux opposants de ses ennemis). Mais c'est surtout par l'armée qu'il s'impose. Il poursuit d'abord la stratégie de ses prédécesseurs depuis François Ier pour dégager la France de l'encerclement hégémonique des Habsbourg en Europe par une guerre continuelle contre l'Espagne, en particulier sur le front des Flandres. Le « grand Roi » en profite pour rendre son « pré carré » par des guerres de conquêtes sur ses voisins. Pour assurer à son petit-fils la succession d'Espagne, il se lance dans une guerre contre toute l'Europe qui finit par épuiser les belligérants. À la fin de son règne, le roi a arraché un compromis: si les Bourbon dominent en France et Espagne, ils reconnaissent deux nouvelles puissances montantes : l'Angleterre protestante et les Habsbourg d'Autriche.

1643/1672 L'Alliance traditionnelle contre les Habsbourg

Dans un premier temps, pour se dégager de l'encerclement des Habsbourg, le jeune Louis XIV avec son ministre Mazarin fait alliance avec les principales puissances protestantes, reprenant ainsi la politique de ses deux prédécesseurs et de Richelieu.

Cette guerre franco-espagnole connaît quatre phases : quand le règne débute, la France soutient directement les puissances protestantes contre les Habsbourg, lors du dernier tiers de ce qu'on a appelé ensuite la guerre de Trente Ans, conclue en 1648 par les traités de Westphalie. Profitant de la Fronde, l'Espagne soutient ensuite la révolte militaire du Grand Condé (1653) contre le Roi. En 1659, des victoires françaises et une alliance avec les puritains anglais imposent à l'Espagne le traité des Pyrénées (soudé par le mariage entre Louis XIV et l'infante). Enfin, le conflit reprend à la mort du Roi d'Espagne (1665) quand Louis XIV entame la guerre de Dévolution: au nom de l'héritage de son épouse, le roi réclame que des villes frontalières du royaume de France en Flandre espagnole lui soit dévolues. Il s'appuie sur les difficultés de l'Espagne au Portugal

À l'issue de cette première période, Louis XIV, jeune roi, est à la tête de la première puissance militaire et diplomatique d'Europe s'imposant même au Pape. Il a agrandi son royaume vers le nord (Artois) et conservé, au sud, le Roussillon.

1672/1697 La puissance dominante mais isolée

Dans un second temps, à partir de 1672, sous l'influence de Louvois, le « Grand Roi » renonce à l'alliance protestante. Pour rendre son « pré carré », il s'isole diplomatiquement dans une politique belliqueuse de conquête qui l'oppose à toute l'Europe.

La poussée vers les Flandres d'un monarque absolu catholique provoque l'inquiétude de la République protestante des Pays-Bas. Dès lors, France et Pays-Bas, anciens alliés, deviennent rivaux économiquement et politiquement. En 1672, Louis XIV les attaque ce qui provoque la guerre de Hollande. L'Espagne en profite pour tenter de récupérer les villes de Flandres perdues. Ce conflit isole diplomatiquement la France : opposée à la fois aux Habsbourg, au pape et aux protestants d'Europe, après le rapprochement entre les Provinces-Unies des Pays-Bas, les princes Allemands et le parlement Anglais, elle n'a plus comme alliée protestante que la Suède. Sa puissance militaire lui permet toutefois d'imposer la paix sur le front Nord et de prendre le Franche-Comté à l'Espagne (1674, confirmé au traité de Nimègue, 1678). Louis XIV élargit ensuite ses ambitions aux possessions des villes conquises (politique des réunions). Cette politique d'expansion territoriale provoque la ligue d'Augsbourg (9-7-1686), alliance défensive de l'ensemble des puissances européennes, les Habsbourg et impériaux, d'une part et les protestants de l'autre. Après la prise de Luxembourg en 1684, le conflit reprend de 1688 à 1697 et plusieurs dures années de guerre s'ensuivent sur terre et sur mer: de l'Irlande où le roi soutient le prétendant catholique au trône de Grande-Bretagne, à l'Allemagne, où il soutient la Princesse Palatine, jusqu'à la Savoie, les guerres pèsent durement sur les finances royales. La paix négociée par la médiation de la Suède lui permet de prendre l'Alsace.

Le poids de la guerre et l'isolement diplomatique sont partiellement compensés par l'agrandissement du royaume. Le roi a l'opportunité de devenir première puissance catholique au vu de l'affaiblissement espagnol.

1697/1714 Le lourd prix du trône d'Espagne

Statue équestre de Louis XIV sur la place Bellecour (Lyon)

À la fin de son règne, le « Roi très Chrétien » tente de préserver la succession d'Espagne pour son petit-fils ce qui conduit à une guerre qui épuise toute l'Europe.

La fragilité de la santé du roi espagnol Charles II de Habsbourg, sans enfant, pose le problème de sa succession. Louis XIV mène une active diplomatie pour faire hériter un de ses descendants (sa femme et sa mère étaient héritière d'Espagne). Placer un Bourbon sur le trône des Habsbourg ferait de sa famille la première puissance européenne et même mondiale (au vu de l'empire colonial espagnol). Mais cela l'oppose à la branche Habsbourg d'Autriche, autre prétendante. Pour réussir, Louis XIV se réconcilie avec le pape, renonçant au gallicanisme au profit du parti dévot, favorise l'Espagne par des gestes diplomatiques (Traité de Ryswick en 1697). Conscient du risque de l'hostilité de l'Europe à la réunion des possessions espagnoles et françaises, il envisage même un partage complexe avec l'Autriche. Mais, en 1700, Charles II refuse sur son lit de mort la solution du partage et laisse l'héritage de la totalité des possessions espagnoles pour l'un des petit-fils de Louis XIV, Philippe V. Celui-ci n'est soutenu que par la Bavière de sa mère, toutes les autres puissances européennes provoquant une violente guerre contre les Bourbons de France et d'Espagne. Elles l'emportent d'abord. La France est prête à traiter (1708) mais les vainqueurs veulent contraindre Louis XIV à détrôner lui-même son petit-fils, ce qui le conduit à reprendre des combats. Au bout de quatorze ans l'épuisement des adversaires conduit à une paix de compromis (1713) : Philippe conserve le trône d'Espagne mais les compensations accordées montrent la montée de la puissance britannique dans les colonies et de l'Autriche dans l'Europe centrale et dans les Flandres.

Si, au début du règne, la grande puissance était l'Espagne, la France domine seule vers 1690/1700. En 1715, c'est le Royaume-Uni qui est devenu le concurrent le plus redoutable, surtout parce que malgré les efforts de Colbert, le Roi s'est désintéressé de la question coloniale.

Louis XIV, l'homme de guerre

Article détaillé : Guerres de Louis XIV.
Louis XIV en 1670

Louis XIV a ainsi consacré 32 années sur 54 à faire la guerre. Sur son lit de mort, il confesse au futur Louis XV « j'ai trop aimé la guerre ».

Marqué par le modèle et l'éducation de son père, puis fasciné, enfant, par la prestance du jeune Condé, Louis XIV assiste enfant à plusieurs combats lors de la Fronde. Il reçoit une formation militaire poussée par Turenne. Le jeune Louis dirige l'armée, par exemple, à vingt ans, le 23 juin 1658 à Dunkerque, lors de bataille des Dunes où ses troupes récemment alliées aux Anglais (gouvernés à l'époque par Lord protecteur Oliver Cromwell) remportent une victoire importante contre Condé et l'Espagne. Il fait célébrer ses victoires à Versailles (galerie des batailles), par des statues et des poèmes de circonstances.

La réorganisation de l'armée est rendue possible par celle des finances. Si Colbert a réformé les finances, c'est Michel Le Tellier puis son fils, le marquis de Louvois qui réforment avec le Roi les troupes: unification des soldes, création de l’hôtel des Invalides en 1670, réforme du recrutement. Cette nouvelle impulsion politique limite la désertion et augmente le niveau de vie de la gent militaire. Le Roi charge Vauban de construire une ceinture de fortifications autour du territoire (politique du pré carré). Au cœur du règne le Royaume dispose d'une armée de 300 000 hommes ce qui en fait de loin la première armée d'Europe, capable de tenir tête à des coalitions rassemblant de nombreux pays européens. Pour renforcer le pouvoir de la France dans le monde, Louis XIV engage le royaume dans une multitude de guerres et batailles :

Ces guerres agrandissent considérablement le territoire: sous le règne de Louis XIV, la France conquiert la Haute-Alsace, Metz, Toul, Verdun, le Roussillon, l'Artois, la Flandre française, Cambrai, la Franche-Comté, la Sarre, le Hainaut et la Basse-Alsace. Ces acquisitions consacrent l'hégémonie française en Europe et ceux qui, comme le doge de Gênes, se risquent à défier le roi, ne tardent pas à en payer les conséquences.

Cependant, l'état de guerre permanent mène l'État au bord de la banqueroute, le forçant à lever de lourds impôts sur le peuple mais aussi sur la noblesse (impôts de la capitation, du dixième). Même la famille royale doit payer des impôts.

La Marine

Représentants de l'État visitant la galère la Réale en construction à l'arsenal de Marseille. Tableau attribué à Jean-Baptiste de la Rose.

À la mort de Mazarin, en 1661, la Marine royale, ses ports et ses arsenaux sont en piteux état. Seule une dizaine de vaisseaux de ligne est en état de fonctionnement correct. À la même période, la marine anglaise comptait 157 vaisseaux (dont la moitié sont des vaisseaux importants, embarquant de 30 à 100 canons), soit un rapport de 1 à 8 avec la Marine française. Les flottes de la république des Provinces-Unies en comportent 84.

Contrairement à une idée très répandue, Louis XIV s’intéressa personnellement et contribua avec Colbert à l’essor de la marine de guerre française. Dès 1662, il crée le corps des galères, qui a l'avantage de constituer une flotte à la fois militaire et commerciale. Il préside une fois par semaine le conseil de la Marine et suit avec le plus grand soin les détails de la mobilisation des ressources, fixant chaque année l’ampleur des armements, nommant en personne tous les officiers de vaisseau ou encore choisissant le nom de chaque vaisseau fabriqué.

Le roi souhaite que son armée de mer devienne aussi puissante et redoutée que son armée de terre, non tant pour combattre que pour disposer d'un instrument de dissuasion permettant de ne pas combattre.

Le 7 mars 1669, il crée le titre de secrétaire d’État à la Marine et nomme officiellement Colbert premier titulaire du poste. Dès lors, Colbert et son fils vont mobiliser des ressources humaines, financières et logistiques sans précédent qui ont permis, pratiquement ex-nihilo, de faire de la France une puissance militaire navale de premier rang.

L’objectif fixé par Colbert était d’atteindre une flotte de 120 vaisseaux dont 72 d’au moins 50 canons. À sa mort en 1683, la Royale comptait 117 vaisseaux, 1 200 officiers et 53 000 matelots. De 1661 à la mort de Louis XIV en 1715, 381 vaisseaux et frégates furent construits.

Politique économique et réglementation

Le roi et Colbert par Charles Le Brun

La politique économique de Louis XIV est marquée par les fortes dépenses militaires: les ministres (Colbert, surtout) cherchent à augmenter les revenus des caisses de l'État par une pression fiscale, et par un effort manufacturier et commercial qui vise à créer un excédant commercial.

Sous Mazarin, la pression fiscale est à l'origine de nombreuses rébellions aussi bien aristocratiques (la Fronde) que populaires (les jacqueries) :

Après Mazarin, Colbert multiplie les initiatives économiques :

  • Il invente sa propre version du mercantilisme qu'on appelle ensuite le colbertisme: augmenter les exportations et réduire les importations par le soutien du gouvernement royal à la production et aux structures d'échanges.
  • Il crée les manufactures qui peuvent être d'État (tapisseries de Beauvais, des Gobelins) ou privées (Saint-Gobain). Pour faire rentrer des devises, Colbert favorise l'exportation par des aides d'État et limite les importations en instaurant un protectionnisme fort. Il incite les meilleurs artisans d'Europe à venir travailler en France pour disposer des produits de la meilleure qualité possible et donc plus faciles à vendre.
  • Pour faciliter le commerce, il améliore les infrastructures en créant des routes. Avec l'aide de son fils, Jean-Baptiste Colbert de Seignelay, il développe la marine marchande pour vendre les produits et la « marine royale » (militaire) pour protéger les convois.
  • Il favorise le développement des colonies et la création des compagnies commerciales : Compagnie des Indes Orientales (Océan indien), Compagnie des Indes Occidentales (Amériques), Compagnie du Levant (Méditerranée et Empire ottoman) et Compagnie du Sénégal (Afrique) pour promouvoir le commerce triangulaire des esclaves.

Les colonies et l'esclavage

Carte de l'Amérique en 1681
Pavillon du Roi-Soleil

Malgré tout, les colonies sont plus une priorité pour Colbert que pour le roi. On a besoin de chair à canon pour mener les guerres en Europe et on n'envoie que très peu de gens aux colonies : les engagées et les jeunes orphelines surnommées « les filles du roi » au Canada (Nouvelle-France). Colbert entrevoit, lui, les ressources potentielles dans le développement des colonies mais dans sa correspondance avec les intendants de la Nouvelle-France, il est strict : les colonies servent au royaume et ne doivent pas se développer au détriment de l'industrie française. Pour favoriser l'accroissement naturel, il crée des amendes pour les colons masculins célibataires de plus de 20 ans et les filles de plus de 16 ans non mariées. En outre, il alloue la somme de 300 livres aux familles de plus de dix enfants.

Le Code noir

Article détaillé : Code noir.

Dans le contexte de la codification absolutiste du Royaume, de la religion et de l'économie, Louis XIV, en mars 1685, promulgue le « Code noir » considéré par certains auteurs comme « le texte juridique le plus monstrueux qu'aient produit les Temps modernes »15. Ce texte, qui expulse les Juifs des Antilles, définit les règles de métissage et régularise le plein usage des esclaves dans les colonies auquel il donne un cadre juridique. Ses détracteurs y dénoncent une institutionnalisation de l'esclavage et de ses sévices (amputations par exemple en cas de fuite…) ; il pose toutefois certaines limites à l'arbitraire des propriétaires (une obligation de soins et de nourriture suffisante) et il est reconnu aux esclaves un droit limité à certaines formes de droits religieux, juridiques, de propriété et de retraite. Mais même ces rares dispositions furent mal appliquées, du fait de la pression des colons sur la justice.

Mesures contre les Bohémiens

Dès 1666, par souci d'éviter le vagabondage transfrontalier et par défiance pour leur utilisation par certains nobles, notamment, Louis XIV décrète que tous les Bohémiens (aujourd'hui Roms) de sexe masculin doivent être arrêtés et envoyés aux galères sans procès. Par la suite, lors de l'ordonnance du 11 juillet 1682, il confirme et ordonne que tous les Bohémiens mâles soient dans toutes les provinces du Royaume où ils vivent, condamnés aux galères à perpétuité, leurs femmes rasées et leurs enfants enfermés dans des hospices. Une peine était en outre portée contre les nobles qui donnaient dans leurs châteaux un asile aux Bohémiens ; leurs fiefs étaient frappés de confiscation16,17.

Une politique de contrôle religieux

Louis XIV, qui tire son pouvoir du droit divin, défend le catholicisme, surtout une fois passé son goût des plaisirs de sa jeunesse. Toutefois, dans le domaine religieux comme dans les autres il vise à contrôler l'ensemble de ses sujets au profit de sa politique de grandeur à l'extérieur. C'est pourquoi il est partisan du gallicanisme: il veut une France catholique unifiée sous ses ordres mais indépendante du pape si celui-ci soutient ses ennemis Habsbourg. Il réduit ainsi successivement à l'obéissance et à la soumission les courants dissidents : le parti dévot, les jansénistes, les libertins les protestants ou les quiétistes, avant de se rapprocher du pape, à la fin de son règne, afin de s'assurer de son soutien pour la succession d'Espagne.

Louis XIV prend le contrôle de l'Église de France

Du libertinage au gallicanisme : la lutte contre les dévots

Le jeune Roi choque d'abord le parti dévot et Jacques-Bénigne Bossuet, favorables à la soumission au pape et à la paix avec l'Espagne, par ses plaisirs et sa politique étrangère d'alliance avec les protestants et les Turcs. La querelle du Tartuffe dont les dévots demandent l'interdiction marque cette période clef de la prise du pouvoir par le Roi. Les dernières décisions de Mazarin (1660) sont défavorables au parti dévôt que soutient en revanche la reine-mère, jusqu'à son décès en 1666. Le Roi, seul au pouvoir en 1661, doit d'abord céder devant la cabale des dévots mais rapidement, ses réformes gallicanes affirment son autorité et l'indépendance du clergé français par rapport au pape (donc aux jésuites). Alexandre VII est même menacé de guerre en 1662 car il veut réduire l'extraterritorialité de l'ambassade de France à Rome (pour raisons diplomatiques et de police). Avignon est occupée.

Le jeune Roi veut soumettre les factions religieuses du royaume dans une unité d'obéissance. Il encourage ainsi les conversions de la noblesse protestante au catholicisme. En outre, dès le 13 décembre 1660, il fait savoir au Parlement qu’il a décidé d’éradiquer le jansénisme. En 1664 il dissout les congrégations secrètes (ce qui vise la compagnie du Saint-Sacrement des dévots). Face au pape, il finit par affirmer son droit de régale sur l'ensemble des évêchés français (malgré les protestations de Rome mais aussi des évêques jansénistes de Pamiers et d'Alet lors de l'affaire de la régale). La politique religieuse du roi est donc gallicane.

De la paix de l'Église au rapprochement avec les Dévots
Jacques-Bénigne Bossuet, évêque et précepteur du Dauphin.

Vers 1672, dans le contexte de sa rupture avec les puissances protestantes, après s'être opposé et imposé aux différents courants catholiques du royaume, le roi réunit autour de lui toute l'Église de France. Il choisit Simon Arnauld de Pomponne, un ancien proche des jansénistes pour secrétaire d'État, (1671), nomme Bossuet, le plus grand orateur des dévots, précepteur du dauphin et se rapproche du pape Clément et de ses jésuites (comme Bourdaloue). Le pape lui-même se réconcilie avec les jansénistes. C'est la paix de l'Église. L'évolution moraliste de la cour est sensible.

Toutefois, la politique étrangère de Louis XIV entraîne une nouvelle rupture avec le pape (refus d'adhérer à l'alliance anti-ottomane, soutien du pape aux Habsbourg d'Autriche). Louis XIV revient alors à une vision de l'Église gallicane constituée autour de Bossuet : à l'assemblée du clergé de 1682 la déclaration sur les libertés de l'Église gallicane fixe les limites du pouvoir du pape par les déclaration des Quatre articles. Celle-ci est brûlée par Rome.

Le roi s'appuie sur son Église. Avec le décès de la reine Marie-Thérèse, celui de Colbert en 1683 et avec l'affaire des poisons qui choque le Roi, c'est un entourage différent qui domine la cour : l'influence de Madame de Maintenon l'épouse secrète du monarque et celle de Bossuet favorisent ce gallicanisme dévot. Le Roi, désormais en rupture avec les puissances protestantes, entame une politique de conversions forcées des protestants, que le remplacement de Colbert par les Le Tellier amplifie, en prélude à la révocation de l'édit de Nantes.

Politique vis-à-vis des minorités religieuses

Après la révocation de l'édit de Nantes, le protestantisme devient interdit sur le territoire français
Persécutions des protestants

Le protestantisme était, à l'époque de Louis XIV, minoritaire en France, où il n'avait jamais constitué plus de 10 % de la population y compris lors des guerres de religion du XVIe siècle. L'édit, signé à Nantes le13 avril 1598 par le roi de France Henri IV, était un compromis qui laissait la liberté de culte aux protestants dans certaines limites et la possession de certaines places fortes militaires. Cette possibilité de conserver des places fortes avait été révoquée sous le règne de Louis XIII lors de la paix d'Alès en 1629.

À la cour, le parti nobiliaire protestant avait donc disparu. La conversion d'Henri IV et l'édit d’Alès l'avaient affaibli et Louis XIV, en « domestiquant » la noblesse, « domestiqua » aussi la religion : bon nombre de nobles protestants, pour acquérir une charge durent se convertir à la religion du roi, le catholicisme. En effet, sur le plan symbolique, le maintien du protestantisme contredisait l'idée royale qu'Élisabeth Labrousse formule ainsi : le royaume de France ne devait être que sous le règne de l'Unique « un roi, une foi, une loi ». La révocation de l'édit de Nantes ne fut donc pas un coup de tête soudain du monarque mais le coup final porté au parti protestant en France qui, sans chefs et polémistes charismatiques, ne put résister à la propagande et aux moyens mis en place par les catholiques, qu'ils soient dévots, gallicans ou même jansénistes.

Au plan local et par des arrêts du Conseil, Louis XIV restreignit petit à petit les libertés accordées aux protestants par l'application rigide de l'édit de Nantes, jusqu’à vider le texte de sa substance. La logique fut rapidement que ce qui n'était pas autorisé par l'édit était interdit. Cela conduisit à l'interdiction de tout prosélytisme et de certains métiers pour les membres de la RPR. Avec l'arrivée au pouvoir de Le Tellier, la pression sur les protestants s'aggrava par le moyen des logements de troupes. Les protestants les plus pauvres furent soumis à partir de 1679 aux dragonnades. La radicalisation de cette politique accéléra des conversions contraintes.

Révocation de l'édit de Nantes

C'est donc le versant religieux de l'édit de Nantes qui fut révoqué par Louis XIV le 17 octobre 168518 (édit de Fontainebleau)19, contresigné par le chancelier Michel Le Tellier. Le protestantisme est dès lors interdit sur le territoire français. Cette révocation entraîne l'exil de beaucoup de huguenots vers des pays protestants : l'Angleterre, les États protestants d'Allemagne, les cantons protestants de Suisse, les Provinces-Unies et ses colonies, comme celle du Cap. On estime à environ 200 000 le nombre d'exilés, dont beaucoup d'artisans ou de membres de la bourgeoisie. Si les récents travaux de Michel Morrineau et de Janine Garrisson ont nuancé les conséquences économiques de la révocation, l'économie ne s'effondrant pas en 1686 et la formation d'une diaspora française en Europe favorisant l'exportation ou l'essor européen de la langue française, les conséquences humaines et religieuses sont sensibles.

La révocation de l'édit de Nantes rétablit le Royaume comme exclusivement catholique, les temples sont transformés en églises ; mais chez beaucoup de protestants, l'adhésion au catholicisme reste superficielle, comme le montrent des soulèvements de protestants dans le Languedoc, dont la guerre des Cévennes entre les camisards et les troupes royales constitue le paroxysme.

Tolérance puis persécution du judaïsme

Louis XIV fut moins hostile que ses prédécesseurs aux Juifs. Le début de son règne marque en effet une évolution dans la politique du pouvoir royal vis-à-vis du judaïsme, dans l'esprit de la politique pragmatique de Mazarin : en 1648, les traités de Westphalie attribuent les Trois-Évêchés et l'Alsace à la France et le pouvoir choisit de ne pas exclure les Juifs qui y habitent bien que l'édit de 1394 expulsant les Juifs de France soit encore théoriquement applicable. Le choix est de préférer leur intégration. En 1657, le jeune Louis XIV est reçu solennellement avec son frère à la synagogue de Metz. Au début de son règne personnel, sa politique, peut-être parce que Colbert voit dans les Juifs une population favorisant l'activité économique, permet le développement de la communauté juive lorraine qui croît sensiblement durant son règne. De même, les Juifs portugais, dits Nouveaux Chrétiens, qui vivent à Bordeaux ou dans la région de Bayonne, connaissent une paix relative.

Mais, comme c'est le cas avec les protestants, le Roi change de politique en 1685, année de la révocation de l'édit de Nantes, qui est aussi une année noire pour les Juifs. Huit d'entre eux sont brûlés vifs à Toulouse et le Code noir publié par le roi décrète dans son premier article l'expulsion des Juifs des Antilles françaises.

Le Roi très Chrétien de la fin du règne

Pour la succession d'Espagne, le rapprochement diplomatique avec Rome

La politique religieuse des dernières années de son règne est marquée par sa politique extérieure qui nécessite un rapprochement avec le pape. Après 1686, (dernière crise diplomatique entre Versailles et Rome au sujet de l'évêché de Cologne où Louis XIV soutient un candidat différent de celui du pape), Louis XIV n'a plus de conflit diplomatique avec Rome dont il veut le soutien pour l'accession de son petit-fils au trône d'Espagne: à un pontife qui lui est plus favorable (Alexandre VIII), le Roi donne des signes d'apaisement (Révocation, envoi de jésuites en Chine, restitution d'Avignon en 1690, réalisation par un sculpteur Français d'un tombeau de pape…) La réconciliation religieuse a lieu en décembre 1693 quand Louis XIV accepte que le clergé retire la déclaration des libertés gallicanes, ce qui permet de faire reconnaître les évêques nommés depuis 1673 jusqu'ici non validés par Rome. Clément XI, le nouveau pape est élu grâce à la France et soutient Louis XIV et les Bourbons au début de la guerre de Succession d'Espagne.

Dans le royaume, Louis XIV impose une stricte orthodoxie unifiant l'obéissance au roi et au pape (que symbolise la dédicace à Saint Louis, de l'église des Invalides en 1697). Il condamne avec le pape les factions religieuses qui tentent de réapparaitre en influençant une opinion publique naissante ou en s'attirant la protection de Madame de Maintenon. Il prend ainsi nettement le parti de Bossuet contre Fénelon (pourtant précepteur de son petit-fils) coupable d'avoir défendu le quiétisme de madame Guyon (1697): il le disgracie (1698) après l'avoir fait condamner par le pape Clément XI (qui ne l'excommunie toutefois pas). De même, devant des publications qui tendent à faire renaître le courant janséniste, la réaction du roi est ferme. Jean Racine est disgracié pour son soutien à ce mouvement et le pape condamne (en 1703 et surtout en 1709) les religieuses, qui ayant refusé de prêter le serment demandé, sont dispersées sans ménagement et dont l'abbaye est rasée en 1711. Enfin, une répression brutale est conduite contre les camisards protestants à partir de 1702.

Le retour à un gallicanisme autoritaire

Durant la guerre de succession d'Espagne, le territoire du pape est mis en danger par les défaites de la France et Clément XI doit momentanément changer d'alliance ce que Louis XIV, finalement rétabli militairement et diplomatiquement, lui fait payer à la fin du règne. Louis XIV le contraint à reconnaître la primauté d'un gallicanisme sourcilleux. La crise s'exprime au sujet du Jansénisme: le pouvoir royal impose au pape de reformuler sa condamnation parce qu'elle ne respecte pas l'autorité gallicane. Le pape doit rédiger la bulle Unigenitus en 1713. Louis XIV impose son enregistrement à un Parlement de Paris rétif et veut aussi l'imposer au cardinal de Noailles qui résiste à son application. Le roi et le pape ne parviennent pas à s'accorder sur la manière de faire obéir le cardinal, car le roi s'oppose à tout acte d'autorité pontifical qui mettrait en cause les libertés gallicanes. Le roi meurt chrétiennement sans avoir réglé la question dans un royaume tenu à une pratique catholique stricte mais où il n'a pu faire disparaître de l'opinion les courants religieux ou libertins qui réapparaissent pendant la régence.

La Culture et les Arts

Louis le Bâtisseur

Le dôme de l'hôtel des Invalides

Dans l'esprit du roi, la grandeur d'un royaume doit aussi se mesurer par son embellissement. Sur les conseils de Colbert, un des premiers chantiers du roi sera la restauration du palais et du jardin des Tuileries confiée à Louis Le Vau et à André Le Nôtre. Les décors intérieurs sont confiés à Charles Le Brun et aux peintres de la brillante Académie royale de peinture et de sculpture.

Le château de Versailles vu des jardins sud-ouest.

Outre le château de Versailles que Louis XIV fait agrandir petit à petit tout au long de son règne, il fait aussi construire le château de Marly afin d'inviter ses intimes. Dans ces deux châteaux, tout comme à Saint-Germain, le château qui vit le début de son règne, il confia la restauration des jardins à Le Nôtre.

Dans Paris, on lui doit aussi, entre autres, le pont Royal (financé sur ses propres deniers), l'observatoire, les Champs-Élysées, les Invalides, la place Vendôme mais aussi la place des Victoires qui commémore la victoire sur l'Espagne, l'Empire, le Brandebourg et les Provinces-Unies. Deux arcs de triomphe, la porte Saint-Denis et la porte Saint-Martin, célèbrent les victoires du Roi-Soleil lors de ses guerres européennes.

Il fait modifier aussi profondément la structure de villes françaises telles que Lille, Besançon, Belfort, Briançon en les fortifiant grâce aux travaux de Vauban. Certaines villes, telles que Versailles pour la cour ou Neuf-Brisach pour défendre les acquisitions d'Alsace, sont créées ou développées.

Pour faciliter le développement de la Royale, il développe les ports et arsenaux de Brest et de Toulon, crée un port de guerre à Rochefort, des ports de commerce à Lorient et Sète et fait construire le port franc et l'arsenal des galères à Marseille.

  • En 1680, création de la Comédie-Française.
  • En 1681, ouverture du canal du Midi, qui relie l'Atlantique à la Méditerranée, en passant par Toulouse.
  • En novembre 1682, le roi place le collège royal Louis-le-Grand à Paris sous son haut patronage.
  • En 1702, Paris est divisée en vingt quartiers. Création de l'éclairage public et d'une police dans les rues de la capitale.

Louis XIV, patron des Arts

Molière, un des artistes favoris de Louis XIV

Après l'arrestation de Fouquet, le roi semble vouloir imiter sa vie fastueuse. Il se montre extrêmement dépensier en allouant des sommes immenses aux frais de la cour royale. Il dépense d'importantes sommes dans l'amélioration du Louvre avant de finalement choisir le château de Versailles comme résidence royale. Il y emménage en 1682 après plus de vingt ans de travaux. Il se comporte en mécène et patron des arts en finançant les grandes figures culturelles de l'époque tels que Molière (en signe d'amitié, le roi accepta d'être le parrain de son premier enfant), le musicien Jean-Baptiste Lully ou le décorateur Charles Le Brun ainsi que le jardinier André Le Nôtre. Dans la compétition culturelle entre les cours, Lully devient l'organisateur des spectacles, influence Henry Purcell et Johann Sebastian Bach. Louis XIV place l'Académie française sous son contrôle et devient son « protecteur ».

Fin de règne et succession

Louis XIV et sa famille par Nicolas de Largillière

Des problèmes de succession et la santé dégradée du roi assombrissent la fin de son règne. En 1711, son fils Louis de France (le Grand Dauphin) meurt de la variole à 49 ans. L'année suivante, son petit-fils (et premier fils du Grand Dauphin), le duc de Bourgogne (29 ans), devenu à son tour dauphin et le deuxième fils de celui-ci (5 ans) meurent lors d'une épidémie de rougeole. Ayant déjà perdu son fils aîné en 1705, à sa mort, en 1712, le seul de ses enfants à survivre est son troisième et dernier fils, un petit garçon de deux ans, le futur Louis XV (arrière-petit-fils donc de Louis XIV).

Branche espagnole

Le deuxième fils du Grand Dauphin devient roi d'Espagne en 1700 sous le nom de Philippe V. Il renonce à ses droits à la succession au trône de France, pour lui et pour ses descendants, à l'issue de la guerre de Succession d'Espagne, par le traité d'Utrecht. Louis XIV réalise ainsi son rêve de mettre un membre de la dynastie des Bourbons (son petit-fils en l'occurrence) sur le trône d'Espagne. Malgré de nombreux renversements suivis de restauration, la Maison de Bourbon conserve la couronne d'Espagne jusqu’à notre époque. L'actuel roi d'Espagne, Juan Carlos Ier, est ainsi un descendant de Louis XIV.

Branche française

Louis XV, l'arrière-petit-fils de Louis XIV lui succédera en 1722 après la régence de son oncle, Philippe d'Orléans

Quant au troisième fils du Grand Dauphin, le duc de Berry, il meurt en 1714 des suites d'une chute de cheval. Hormis le roi d'Espagne, le seul descendant mâle légitime de Louis XIV est alors le duc d'Anjou, le plus jeune des fils du duc de Bourgogne et son arrière-petit-fils. Né en 1710, c'est un petit garçon de santé fragile. Comme il ne reste qu'un petit nombre de princes du sang dans d'autres branches, Louis XIV décide de renforcer la maison royale en accordant par un édit du 29 juillet 1714 le droit de succession, à défaut de tous les princes de sang royal20 au duc du Maine et au comte de Toulouse, deux fils bâtards légitimés qu'il avait eus de Madame de Montespan. Cette décision violait les lois fondamentales du royaume, qui avaient toujours écarté du trône les enfants bâtards et rencontra une incompréhension souvent scandalisée. Il semble que le roi ait en fait été prêt à contredire les vieilles lois de succession pour écarter du trône son neveu Philippe d'Orléans, successeur potentiel et dont il se méfiait beaucoup. Mais c'est finalement son arrière-petit-fils « officiel » et petit-fils du Grand Dauphin, le duc d'Anjou, âgé de cinq ans, qui devient roi sous le nom de Louis XV, la régence étant exercée, durant sa minorité, par le duc d'Orléans, neveu et gendre de Louis XIV.

Les derniers jours

Article détaillé : Mort de Louis XIV.

Le 9 août 1715, au retour de Marly, le roi apparaît brusquement très abattu.
Le 10, il se plaint d’une douleur à la jambe gauche que son premier médecin Fagon, attribue à une sciatique et pour laquelle il préconise une médecine. Les jours passent, les nuits sont agitées, le roi se nourrit de moins en moins et il paraît à tous, de plus en plus affaibli.
Le 21 août, il accepte la consultation collective de quatre docteurs de la faculté de médecine de Paris qui confirment la sciatique alors que la fièvre mine le malade et que la pourriture de la jambe devient apparente.
Le samedi 24, la situation s’aggrave : la prétendue sciatique se révèle être une gangrène sénile à la jambe contre laquelle les médecins sont impuissants.
Le 26, après avoir pris son dîner au lit, qu’il ne quitte plus, il fait entrer son arrière-petit-fils, le petit dauphin, le futur roi Louis XV, âgé de 5 ans et demi. Il lui adresse un discours dont les termes diffèrent selon que l’on se rapporte au marquis de Dangeau ou à Saint-Simon. Ses derniers conseils furent de ne pas l'imiter dans son goût pour les bâtiments, de soulager la misère de ses peuples, « ce que j'ai le regret de ne pas avoir fait » et de vivre en paix avec ses voisins. Il avoua même : « J'ai trop aimé la guerre ». Sur son lit de mort, il déclare aussi : « Je m'en vais mais l'État demeurera toujours ».
La journée du 30 se passe dans une somnolence quasi constante.
Le samedi 31, la nuit et la journée sont détestables. Il n’a que de rares instants de connaissance. La gangrène gagne le genou et toute la cuisse. On lui donne du remède que sa belle-fille, la duchesse du Maine, a apporté et qui est excellent pour la petite vérole.
Mais le lendemain, 1er septembre 1715, Louis XIV meurt à 8h15 du matin, entouré de ses courtisans, après cette agonie de plusieurs jours. Son règne aura duré 72 ans et 100 jours (54 années de règne effectif si on retire la période de la régence de 1643 à 1661).
Après que sa dépouille fut exposée durant 8 jours dans le salon d'Hercule, il est transporté de nuit le 9 (pour éviter que la population ne fassa la fête sur le passage du cortège funèbre)21 à Saint-Denis, où il est enterré, muni des sacrements de l'Église catholique, comme se doit de l'être le roi très chrétien.

On trouve un Almanach royal de 171522, dans l’éphéméride du mois d’août, une mention manuscrite qui relate les circonstances des derniers jours du roi :

3 janvier 2012

Carolingiens Dynastie qui succéda en Gaule aux

Carolingiens

Dynastie qui succéda en Gaule aux Mérovingiens en 751, restaura l'Empire d'Occident (800-887), régna sur la Germanie jusqu'en 911 et sur la France jusqu'en 987.

Famille d'origine austrasienne, les Carolingiens ont, du VIIIe à la fin du Xe s., progressivement « dilaté » le Regnum Francorum de son berceau gaulois à l'ensemble des terres italiennes et germaniques. C'est ainsi que s'est constitué un vaste empire dont l'apogée territoriale coïncide avec le règne de Charlemagne (768-814), mais dont le caractère unitaire n'a pas résisté à la pratique du partage successoral auquel recoururent ses héritiers.

Pour l'essentiel, la trame des événements n'apparaît que dans des chroniques assez succinctes, telle celle de Reginon de Prüm (?-915), ou dans des annales officielles, dont les plus célèbres sont les Annales royales (741-829) et les Annales dites d'Éginhard, composées également au temps de Charlemagne et que complètent dans le temps les Annales parallèles, celles de Saint-Bertin et celles de Fulda notamment.

   Plus élaborés sont les textes narratifs qui précisent le contenu des documents précédents, éclairant plus particulièrement le temps de Charlemagne et celui de ses héritiers, auxquels Éginhard, Thégan et Nithard consacrent leurs œuvres essentielles : le premier sa Vie de Charlemagne, le deuxième sa Vita Ludovici imperatoris et le troisième son Histoire des fils de Louis le Pieux, dont l'étude doit être abordée en n'oubliant pas que les attitudes politiques de leurs auteurs ont pu influencer leur interprétation des faits ; ainsi Nithard prit parti en faveur de Charles le Chauve dans la querelle de succession qui l'opposa surtout à son frère aîné, l'empereur Lothaire.

   Moins suspects de partialité mais d'utilisation plus délicate sont les correspondances publiques et privées (celles d'Alcuin, d'Éginhard, d'Hincmar, de Loup de Ferrières notamment) et les ouvrages qui codifient des usages, tels que le De institutione regia de Jonas d'Orléans et que le De ordine Palatii d'Hincmar de Reims. Il en va de même des sources diplomatiques, qu'elles soient ecclésiastiques (actes des synodes et des conciles, polyptyques des abbayes) ou surtout laïques (capitulaires, diplômes royaux). Ces dernières sources sont d'une valeur exceptionnelle et nous permettent de connaître les institutions politiques, économiques et religieuses.

   À ces sources écrites, l'archéologie médiévale apporte d'utiles compléments d'information, en particulier en ce qui concerne la vie économique (trésors monétaires d'Amiens, de Rennes) ou la vie intellectuelle et artistique de l'Empire, surtout au IXe s. (manuscrits, reliures, enluminures, etc.).

Les origines

Richement possessionnée en terres dans la région de Liège (Landen, Herstal, etc.), la famille carolingienne est directement issue de celle des Pippinides, qui entre dans l'histoire près d'un siècle et demi avant que l'un de ses membres accède à la dignité royale.

   Profitant des crises de succession qui affaiblissent périodiquement l'autorité des rois mérovingiens, par ailleurs ruinés par leurs trop importantes concessions foncières à leurs fidèles et surtout à l'Église, les Pippinides exercent, en effet, dès le début du VIIe s., la réalité du pouvoir en Austrasie, dont les rois Clotaire II puis Dagobert Ier confient le gouvernement à Pépin l'Ancien, dit Pépin de Landen. Chef de l'aristocratie austrasienne lors de la chute de Brunehaut en 613, maire du palais d'Austrasie (vers 615-640), celui-ci exerce cette fonction en alternance avec son gendre Ansegisel (vers 634-639), époux de Begga et fils de l'évêque de Metz, saint Arnoul, autre ancêtre des Carolingiens.

   Dès lors, la mairie du palais va rester pendant près d'un siècle la propriété des descendants de Pépin l'Ancien, dont le fils, Grimoald, n'hésite pas à faire assassiner le successeur, Otton, en 643, et à arracher à Sigebert III un acte d'adoption en faveur de son propre fils, Childebert (dès lors surnommé l'Adopté), au nom duquel il règne, en fait, de656 à 662, date de son élimination probable par les Neustriens.

   Rendus prudents par l'échec de cette tentative prématurée d'usurpation, les Pippinides attendent dès lors près d'un siècle pour la renouveler avec succès. Pendant cette longue période, sous la direction successive des descendants communs d'Arnoul et de Pépin l'Ancien, c'est-à-dire Pépin le Jeune, dit de Herstal, et Charles Martel, respectivement fils et petit-fils d'Ansegisel et de Begga, ils se constituent une large clientèle en pratiquant une politique de concessions foncières. Charles Martel prononce la confiscation des biens d'Église, dont il attribue les revenus à ses guerriers, affaiblissant par là même la seule puissance capable de s'opposer à la sienne à l'intérieur du Regnum Francorum, celle du clergé.

   C'est cette politique qui permet à Pépin de Herstal de reprendre le contrôle de la mairie d'Austrasie dès 680, puis de remporter en 687 la victoire décisive de Tertry, qui lui assure également les mairies de Neustrie et de Bourgogne, qu'il abandonne parfois à son deuxième fils, Grimoald II, afin de laisser à ces royaumes un semblant d'autonomie.

   Un moment ébranlée par la crise successorale de 714 et par ses conséquences (assassinat de Grimoald II à Liège ; disparition de Pépin de Herstal au terme d'une longue maladie ; régence de sa veuve, Plectrude, au nom de son petit-fils Théodoald, âgé seulement de six ans ; révolte victorieuse de la Neustrie), la puissance des Pippinides est rapidement restaurée par un bâtard, Charles Martel, né vers 685 des amours de Pépin de Herstal et d'Alpaïde. Vainqueur des Neustriens et de leur nouveau maire Rainfroi à Amblève en 716, puis à Vincy en 717, des Frisons et des Saxons en 719-720, enfin des Aquitains à Angers en 724, disposant par ailleurs du trésor de Pépin de Herstal, dont il enlève la garde à Plectrude en 717, Charles possède dès lors les moyens nécessaires pour restaurer l'unité de l'État franc, en particulier en procédant à la sécularisation des biens de l'Église et en venant finalement à bout de la résistance de tous ses adversaires germaniques, qu'ils soient bavarois, alamans (730), saxons (720-738) et frisons (733-784).

   Mais c'est surtout par les victoires qu'il remporte sur les musulmans, notamment à Poitiers, où il écrase en 732 les forces de l'émir d'Andalousie, Abd al-Rahman, qu'il acquiert un prestige d'une autorité assez grande pour fonder en légitimité sa dynastie, sans aller pourtant jusqu'à la substituer à celle des Mérovingiens, qu'il s'efforce, au contraire, de faire survivre à elle-même à travers des souverains d'ascendance douteuse : Clotaire IV, Chilpéric II, l'homme des Neustriens, et Thierry IV. Un moment hésitant, puisqu'il s'abrite à son tour, entre 743 et 751, derrière la souveraineté théorique d'un « fantôme de roi, Childéric III » (Louis Halphen), le second fils et successeur de Charles Martel, Pépin le Bref (né vers 715), franchit le pas décisif en se faisant attribuer en 751 la dignité royale, contrairement à la tradition franque, mais avec l'accord du pape Zacharie. L'approbation de ce dernier est d'ailleurs soulignée par la cérémonie de Soissons, qui, à l'habituelle « élection » populaire par acclamation, ajoute une onction sainte qui fait du nouveau monarque l'élu de Dieu, l'oint du Seigneur et donc son mandataire sur la terre. Par un curieux paradoxe, l'usurpation carolingienne, sublimée par le sacre, aboutit à donner à la fonction royale une dimension divine qui en exalte le détenteur.

La formation de l'Empire carolingien

L'œuvre de Pépin le Bref

En fait, l'événement de 751 n'a fait qu'officialiser un transfert de pouvoirs des Mérovingiens aux Carolingiens, transfert pratiquement réalisé en 737 lorsque Charles Martel décide de gouverner seul l'assemblée du Regnum Francorum et, surtout, en 741 lorsqu'il se résout à procéder au partage du royaume entre ses fils Carloman et Pépin, le premier recevant l'Austrasie, l'Alamannie et la Thuringe, le second la Neustrie, la Bourgogne et la Provence.

   Dès cette époque, et avant même l'abdication de Carloman en 747, la régénération du Regnum Francorum est entreprise sur le triple plan religieux (rétablissement des assemblées synodales et de la hiérarchie ecclésiastique), administratif et monétaire (remise en vigueur des droits régaliens), politique et militaire (restauration de l'ordre franc en Aquitaine, en Bavière et en Alamannie aux dépens des ducs nationaux ; reconquête de la Septimanie sur les musulmans). Tout naturellement, cette œuvre se poursuit au lendemain de l'événement de 751, qui consacre l'alliance capitale de la dynastie carolingienne avec l'Église, alliance qui se renforce à la suite du second sacre de Pépin le Bref par le pape Étienne II, venu le rencontrer à Ponthion, puis à Saint-Denis en 754.

   Mieux que tout autre acte, ces deux sacres montrent que la puissance des Carolingiens repose non seulement sur leur richesse foncière, sur la fidélité souvent intéressée de leur clientèle et « sur l'intelligence et l'audace des fondateurs de la dynastie », mais aussi sur leur « alliance avec l'Église » (Pierre Riché).

   Cette alliance a pour contrepartie l'intervention de Pépin le Bref en Italie afin d'y défendre les intérêts de la papauté contre la menace lombarde. Par là même se trouve amorcée la politique d'expansion carolingienne, dont le résultat fut cette dilatatio regni célébrée par Éginhard et qui entraîna parallèlement la « dilatation » de la chrétienté jusqu'à l'Elbe.

L'armée

L'instrument d'exécution de cette politique est l'armée, constituée par la réunion des hommes libres du Regnum, que le souverain requiert chaque année par un ordre d'appel (ban de l'ost) auquel nul ne peut se soustraire sous peine d'une amende de 60 sous. Fort coûteux, puisque chaque combattant doit assumer seul les frais de son équipement, de sa nourriture et de ses déplacements, ce service doit être allégé en 808, les propriétaires possédant moins de quatre manses étant désormais exemptés du service militaire personnel et assujettis seulement à se grouper pour fournir à l'ost un homme armé pour quatre manses.

   Dotée d'un équipement diversifié (l'arc pour engager le combat à distance ; la spata, lourde épée de fer bien trempée, longue de près d'un mètre ; la semi-spata, plus courte, mais plus facile à dégainer ; enfin le gladium, ou coutelas, pour poursuivre le combat au corps à corps), cette armée est redoutable moins par son infanterie que par sa cavalerie lourde, qui ajoute aux armes précédentes quatre pièces essentielles, dont trois sont défensives (écu, broigne [cuirasse] et casque) et une offensive (lance). Cet effacement du fantassin devant le cavalier résulte d'une transformation de l'art militaire qui se situe au plus tard au milieu du VIIIe s., puisque c'est vers 755 que Pépin le Bref se décide à retarder du champ de mars au champ de mai l'entrée en campagne de l'ost, vraisemblablement en raison des besoins considérables en fourrage.

Conquète des Carolingiens

C'est d'ailleurs vers 755 que l'on peut situer le début de la dilatatio regni carolingienne. Répondant, en effet, à l'appel du pape Étienne II menacé jusque dans Rome par l'expansion lombarde d'Aistolf, Pépin le Bref franchit les Alpes à deux reprises, en 754 et en 756, contraignant ce dernier souverain à lui céder de nombreux territoires en Italie centrale ainsi que l'ancien exarchat de Ravenne, occupé par les Lombards en 751 mais toujours revendiqué par les Byzantins. Sans tenir compte de cette opposition, Pépin le Bref en fait aussitôt « donation à Saint-Pierre », accordant ainsi satisfaction aux prétentions que le pape fonde sur la fausse « donation de Constantin » et jetant par là même les bases territoriales de l'État pontifical.

   Passé l'intermède du partage territorial et gouvernemental imposé par Pépin le Bref à ses deux fils Charles et Carloman (768-771), et qui trouve son terme avec le décès de ce dernier prince, la politique d'expansion reprend sous la conduite de son frère aîné, qui y gagne le surnom de Grand (Charlemagne) ainsi que la couronne impériale.

   Cette politique s'exerce d'abord en Italie. À l'appel du pape Hadrien Ier, victime des empiétements incessants du roi des Lombards, Didier, Charlemagne intervient au-delà des Alpes en 773 ; il contraint Didier à capituler dans Pavie au terme d'une année de siège (juin 774) et à lui abandonner la couronne de fer des rois lombards, qu'il ceint aussitôt. Reconnu, entre-temps, « patrice des Romains » dans la Ville éternelle, il parachève la conquête de la Péninsule en envahissant le duché de Bénévent et en imposant à ce dernier son étroite tutelle en 786-787.

   La Germanie est le deuxième champ d'action de Charlemagne. À l'extrême nord, il pacifie définitivement la Frise, reportant la frontière septentrionale de son empire de l'embouchure du Rhin à celle de la Weser, au terme de durs combats (784-790). Plus au sud et surtout plus à l'est, la soumission de la Saxe se révèle encore plus difficile. Chaque campagne victorieuse du souverain carolingien (772 et 774) est suivie de révoltes (773, 776 …), auxquelles un chef westphalien, Widukind, donne un caractère de lutte inexpiable qui se poursuit de 778 à 785, date à laquelle ce dernier se résout à capituler et à accepter le baptême. Après d'ultimes et terribles soubresauts (793-797 et 798-804), la résistance saxonne s'effondre enfin au début du IXe s. et permet de substituer au régime répressif institué en 785 un régime d'entente. Enfin, à l'extrême sud et sud-est de la Germanie, Charlemagne annexe la Bavière après avoir fait enfermer en 788 le duc Tassilon pour trahison. Il conquiert la Styrie, la Carniole, la Slovénie, la Carinthie avant de pénétrer au cœur de l'empire des Avars au terme de plusieurs campagnes qui débutent en 791 et dont la dernière s'achève par la conquête du « ring » avar, aux confins de la Pannonie (796).

   Entrés de ce fait en contact avec les Slaves tout au long de leur frontière orientale, les Francs réussissent à faire reconnaître leur influence dominante à ceux d'entre eux dont le territoire est situé entre la limite orientale de l'Empire carolingien et une ligne jalonnée approximativement par les cours de l'Oder et de la Tisza inférieure. Certains reconnaissent d'ailleurs assez volontiers l'autorité carolingienne, tels les Obodrites des confins de la Baltique, qui se soumettent spontanément dès 785 ; par contre, il faut attendre 806-807 pour que les Sorabes et les Bohêmes, et 812 pour que les Wilzes se résolvent à vivre en voisins respectueux de la puissance militaire carolingienne, à laquelle ils offrent un utile glacis protecteur.

   Quant au troisième front, celui d'Espagne, il s'ouvre sur un désastre, celui du défilé de Roncevaux, où l'arrière-garde de l'armée carolingienne, surprise par les Basques, est massacrée ainsi que son chef, le comte de Bretagne Roland. Renouvelant son effort dans les années suivantes contre les musulmans de la péninsule Ibérique, Charlemagne réussit finalement à leur enlever Barcelone en 801 et Pampelune en 806, ce qui lui permet de constituer la Marche d'Espagne, qui met le sud de l'Empire à l'abri des invasions musulmanes.

   Enfin, l'œuvre de Charlemagne se trouve théoriquement parachevée à l'ouest par l'apparente soumission des Bretons, obtenue au terme de campagnes difficiles, menées particulièrement en 786, en 791 et en 811.

   Achevée pour l'essentiel dès la fin du VIIIe s., la dilatatio regni a eu pour premier résultat de renforcer le prestige de son auteur. Roi des Francs en 768, roi des Lombards et patrice des Romains en 774, arbitre tout-puissant de l'Occident depuis lors, Charlemagne apparaît comme le seul détenteur du pouvoir réel dans le monde chrétien à partir du moment où une usurpatrice, l'impératrice Irène, règne à Byzance (797-802). Aussi n'est-il pas étonnant qu'il ait voulu (et avec lui les clercs de son entourage sinon même ceux du pape) faire coïncider sa puissance territoriale et son autorité politique avec la dignité du titre impérial.

   Couronné « empereur des Romains » par Léon III à Saint-Pierre de Rome le 25 décembre 800, Charlemagne met fin à la vacance ouverte par la déposition de Romulus Augustule en 476 après J.-C. et ouvre un nouveau cycle dans l'histoire de l'Europe, cycle marqué par les liens étroits qui unissent désormais l'Empire à la papauté, cette dernière se détournant de plus en plus de l'Orient pour diriger ses efforts d'évangélisation vers les confins septentrionaux de la chrétienté.

L'Empire carolingien à son apogée

Éléments de faiblesse

Englobant pour l'essentiel les territoires qui constituent l'Europe occidentale, l'Empire carolingien apparaît au faîte de sa puissance au lendemain du couronnement romain. Il semble seul capable d'équilibrer en Occident le prestige et l'autorité des deux grands empires qui se partagent à cette époque le contrôle des mondes orthodoxe et musulman : l'Empire romain d'Orient et le califat abbasside de Bagdad. Mais cette puissance est en fait plus apparente que réelle. L'hétérogénéité ethnique, sociale, économique de la construction carolingienne est trop souvent la rançon de son extension. À une Italie encore urbanisée et fortement marquée par la tradition romaine et par l'influence byzantine s'opposent, en effet, la Marche d'Espagne, où l'islam a laissé des traces profondes, et surtout la Germanie, habitée de peuples barbares encore insuffisamment sédentarisés, au contraire de ceux qui sont implantés au cœur du vieux Regnum Francorum. L'unité de l'Empire tient à la seule personnalité de l'empereur. Si celle-ci est puissante, comme celle de Charlemagne, les facteurs de dissociation ne peuvent affaiblir l'édifice. Mais si elle apparaît faible, comme celle des successeurs de ce souverain et, en particulier, comme celle du premier d'entre eux, Louis Ier le Pieux (814-840), la survie de l'Empire se trouve alors menacée. Et elle l'est d'autant plus facilement que les Carolingiens (et même Charlemagne) n'ont jamais pu se hisser au niveau de la raison d'État. Confondant, comme leurs prédécesseurs mérovingiens, la res privata et la res publica, ils ne peuvent se résoudre à considérer que le royaume n'est pas leur propriété personnelle mais le bien de tous et que, par conséquent, la fâcheuse coutume successorale de partage de celui-ci entre les fils du souverain défunt doit être abandonnée. N'hésitant pas à donner dès 781 un roi à l'Aquitaine en la personne de son fils Louis, Charlemagne lui-même prévoit en 806 le partage de ses États entre ses trois fils, partage que seules la mort prématurée du roi d'Italie, Pépin, en 810, et celle de son frère aîné, Charles, en 811, empêchent de devenir réalité en faisant de leur cadet, Louis le Débonnaire, l'unique héritier de l'Empire. La faiblesse paternelle de ce souverain contribue d'ailleurs par la suite à la dislocation du Regnum, lorsqu'il décide de doter son fils dernier-né, Charles le Chauve, d'un royaume dont la constitution remettait en cause l'Ordinatio Imperii de 817, qui reconnaissait en Lothaire l'unique héritier de la dignité impériale.

Facteurs d'unité

Le roi

Sensibles à ces forces centrifuges qui s'exercent de l'intérieur et de l'extérieur contre leur œuvre, Pépin le Bref et plus encore Charlemagne se sont pourtant efforcés de les annihiler en donnant à leur construction politique une armature solide. Propriétaires de leur royaume par héritage, mandataires de Dieu sur la Terre par le sacre, héritiers de Rome par le couronnement, les souverains carolingiens détiennent, en outre, par leur fonction, les droits régaliens (regalia) qui constituent les éléments réels de la puissance publique (droit de commandement, ou ban ; exercice de la justice suprême ; pouvoir exclusif de lever l'impôt, de frapper la monnaie, de participer à la désignation des évêques et des abbés). Aussi exercent-ils un pouvoir, en théorie, absolu sur leurs sujets, qu'ils soient laïcs ou ecclésiastiques. En fait, ce pouvoir est étroitement limité par les ambitions pécuniaires et foncières de l'aristocratie franque, par le poids économique et moral considérable de l'Église sur des souverains qui se sentent responsables du salut de leurs sujets devant Dieu, par les liens de solidarité personnelle qui se créent entre les différentes catégories de producteurs, par l'éloignement enfin, qui libère les agents de l'empereur d'un contrôle trop étroit par les organes du gouvernement central.

Les institutions General

À l'aube du IXe s., le gouvernement central présente un caractère encore embryonnaire. Son foyer en est le palais, constitué par l'ensemble des domestiques et des conseillers du souverain ; l'itinérance du palais est heureusement réduite par Charlemagne, qui, à la fin de son règne, en fixe le siège à Aix-la-Chapelle. Il comprend d'abord, comme à l'époque mérovingienne, des services domestiques dont les titulaires exercent des responsabilités politiques, tels le sénéchal et le bouteiller, qui administrent les fisci impériaux, tel le chambrier, qui assure la garde du Trésor impérial depuis la suppression, en 751, du maire du palais, tel le connétable, dont le commandement s'étend des écuries royales à la cavalerie impériale.

   Mais il comprend aussi des embryons de trois institutions spécialisées, dont la création ou la transformation interne est caractéristique de l'époque carolingienne.

   La première est la chapelle, originairement oratoire privé du roi, qui groupe l'ensemble des clercs attachés à sa personne et placés sous l'autorité de l'un d'eux, qui devient ainsi le principal conseiller du souverain, mais auquel on ne reconnaît le titre d'archichapelain (summus capellanus) qu'à partir du règne de Louis le Pieux.

   La deuxième est la chancellerie royale, ainsi appelée par une « audacieuse anticipation… [des] historiens modernes » (E. Perroy) ; les clercs étant seuls capables de parler et d'écrire le latin, ce second organisme se détache en réalité progressivement de la chapelle royale, au sein de laquelle elle recrute les scribes (notarii ou cancellarii) qui sont chargés de rédiger et d'expédier les actes publics sous la direction d'un chancelier (cancellarius noster) ; en outre, le chancelier a pour mission, au moins depuis Charlemagne, d'inscrire les signes de la validation (recognitio) sur les diplômes royaux et sur les capitulaires, grâce auxquels les souverains carolingiens peuvent désormais donner à la loi une expression écrite et en imposer l'application jusqu'aux bornes de leur empire.

   La troisième, enfin, est le tribunal royal, dont la présidence de fait est abandonnée par le roi à un laïc, le comte du palais (comes palatii ou comes palatinus), apparu sous le règne de Charlemagne et autour duquel s'ébauche un service administratif comprenant au moins quelques scribes chargés de l'aider dans la rédaction des préceptes ou diplômes d'application dénommés parfois plaids (de placitum, procès). Due à l'extension géographique du Regnum ainsi qu'au prestige exceptionnel de Charlemagne, la rapide croissance du nombre des affaires à juger amène, en effet, le souverain à abandonner la présidence de fait de son tribunal à un grand officier, dont il s'efforce pourtant, à l'extrême fin de son règne, de limiter la toute-puissance en l'obligeant à lui soumettre au moins toutes les sentences concernant les grands du royaume (potentiores) avant que celles-ci ne deviennent définitives. Ainsi l'extension de l'Empire carolingien a amené ses souverains et tout particulièrement Charlemagne à se doter d'un outil gouvernemental et administratif un peu moins inorganique que celui dont disposait Pépin le Bref. Mais sa mise en place se montre évidemment insuffisante pour assurer l'intégration des peuples récemment soumis.

Les institutions locales

Respectant les particularismes locaux en maintenant en vigueur les législations nationales, accordant aux plus originaux d'entre eux une semi-autonomie sous l'autorité soit de souverains issus de la famille royale (Louis le Pieux en Aquitaine et Pépin en Italie dès 781 ; Louis le Germanique en Bavière depuis 817), soit de princes autochtones (duchés lombards de Spolète et surtout de Bénévent), les Carolingiens tentent néanmoins d'unifier l'Empire sur le plan administratif. Ils le divisent en 200 à 250 circonscriptions de même type, les comtés, mais de superficie très variable et de limites assez instables. À la tête de chacun d'eux, un comte (comes ou graf) est le lieutenant direct du roi, sauf dans les plaines frontières, où, pour des raisons stratégiques, l'empereur a regroupé plusieurs comtés en de grandes circonscriptions militaires, les marches, administrées soit par des préfets (Bavière, 794-817), soit par des ducs ou par des margraves (Bretagne, Espagne, Frioul, pays des Avars et pays des Danois). Détenant toutes les prérogatives de la puissance publique, ces fonctionnaires dirigent l'administration de la police locale. Responsables du maintien de l'ordre, ils président, en outre, le tribunal public (mallus) avec l'assistance de quelques boni homines ou scabini ; enfin, ils convoquent et conduisent l'ost au roi en cas de nécessité.

   En fait, leur action est souvent inefficace et même contraire aux intérêts de la dynastie. Une telle structure s'explique d'abord par l'insuffisance des moyens administratifs mis à leur disposition. Rares sont, en effet, les comtes qui peuvent se faire seconder par quelques notaires, par un vicomte (vice-comes) capable de les suppléer à tout moment, ainsi que par un ou plusieurs viguiers (vicarius) ou centeniers (centenarius), c'est-à-dire par des délégués personnels chargés d'administrer les subdivisions entre lesquelles ont été partagés les comtés les plus vastes. Choisis généralement au sein de l'aristocratie franque et, plus spécialement, au sein de l'aristocratie austrasienne (70 sur 110 connus, dont 52 apparentés aux Carolingiens, entre 768 et 840), ces comtes ont une fâcheuse tendance à se créer des clientèles locales et, avec leur appui plus ou moins tacite, à se perpétuer, eux et leurs héritiers, dans des fonctions qui s'avèrent particulièrement rentables. Celles-ci sont, en effet, d'autant plus lucratives qu'ils savent ajouter aux revenus que leur procure la jouissance théoriquement temporaire d'une partie des domaines fiscaux de leur circonscription ceux qu'ils retirent des perceptions fiscales et judiciaires, dont ils retiennent trop souvent plus que la part qui leur est légalement attribuée par le roi, c'est-à-dire le neuvième des compositions judiciaires, le tiers des amendes infligées pour refus d'obéissance au ban royal ainsi que le tiers des droits de tonlieu, de marché et des diverses autres taxes perçues sur leurs administrés.

Les moyens de contrôle

De tels abus, qui amputent considérablement les revenus déjà très faibles de la monarchie et qui marquent un fâcheux esprit d'indépendance des agents locaux du roi, impliquent naturellement la mise en place d'efficaces moyens de contrôle : missi dominici (envoyés du maître), presque toujours d'origine franque et qui, deux par deux (un comte et un évêque), sont chargés d'inspecter les comtés, de recueillir les plaintes et de faire rapport au souverain ; placitum generale (assemblée générale), qui réunit chaque année les grands au champ de mai en un lieu choisi par le souverain pour entendre ses ordres et l'assurer de leur obéissance renouvelée aux capitulaires qu'il y promulgue oralement ; système vassalique, enfin, qui, par le biais d'une pyramide de serments, unit l'empereur au plus lointain de ses sujets par des liens d'une fidélité contraignante pour ceux-ci, mais coûteuse pour le souverain, qui lui sacrifie une part considérable de son domaine et qui ne peut éviter que ne s'instaure une hérédité progressive des beneficia, qui accélère, par contrecoup, celle des fonctions. Efficace tant que l'Empire reste entre les mains d'un monarque aussi énergique que Charlemagne, ce système se révèle finalement dangereux pour sa survie lorsque la faiblesse de ses successeurs, et notamment celle de ce prêtre couronné qu'est Louis le Pieux, prive la pyramide de sa tête et laisse les arrière-vassaux dans la seule dépendance de leurs propres seigneurs en quête d'indépendance.

La vie économique

Une économie de troc

La mise en place du système vassalique ainsi que la faiblesse des ressources monétaires de la monarchie carolingienne sont des faits particulièrement révélateurs du rôle de la terre en tant que « source principale de la fortune et de la puissance politique » (Jacques Heers). Celle-ci est exploitée parfois par des petits propriétaires de terres libres (alleux), particulièrement nombreux en dehors de l'ancien royaume franc et plus spécialement regroupés en d'importantes communautés paysannes, notamment implantées dans les pays de montagne. Mais le cadre essentiel de l'exploitation agricole reste le grand domaine laïc ou ecclésiastique : la villa. Sa superficie varie entre 850 ha à Staffelsee, en Bavière, et 20 000 ha en France et en Allemagne (villae de Saint-Germain-des-Prés, de Prüm, etc.). À l'intérieur de ses limites, les habitants peuvent vivre en économie strictement fermée puisque, aux produits de la terre, ils ajoutent ceux des ateliers artisanaux de la curtis (forges, selleries, moulins), qui satisfont la quasi-totalité de leurs besoins en biens de consommation.

Une économie d'échange

Celle-ci survit pourtant : d'abord au niveau local, où les transactions médiocres, très proches du troc antique, animent toujours les marchés hebdomadaires des gros villages et des petites villes qui ont survécu au déclin urbain de l'époque mérovingienne. Le trafic de produits pondéreux (blé, vins et surtout poissons, sel et fer) se maintient au niveau régional et interrégional. Quant au grand commerce international, contrôlé par des marchands professionnels, syriens, juifs, frisons ou scandinaves, également désignés du nom de negociatores, il connaît une sensible reprise à l'époque carolingienne, mais pour le seul profit d'une clientèle riche (rois, églises, grands propriétaires) et peu nombreuse (quelques milliers de personnes seulement), également avide de produits orientaux (tissus précieux, parfums, épices) et septentrionaux (ambre, fourrures). L'établissement par Charlemagne de nombreuses stations militaires (Königshöfen) le long des routes stratégiques, la réforme monétaire qui substitue au sou d'or déprécié un denier d'argent de bon aloi favorisent une renaissance marchande que certains auteurs attribuent également à l'afflux de l'or musulman depuis la seconde moitié du VIIIe s. Il en résulte une renaissance urbaine autour des débarcadères maritimes ou fluviaux où aboutissent les grands courants d'échange. Là se constituent ou se reconstituent des agglomérations marchandes, les portus : Rouen, Quentovic, Duurstede sur la mer du Nord ; Hedeby sur la Baltique ; Valenciennes, Gand, Tournai sur l'Escaut ; Dinant, Namur, Huy sur la Meuse ; Mayence sur le Rhin, etc.

La « renaissance carolingienne »

Parallèlement à cette renaissance marchande, mais non subordonnée à elle, s'épanouit ce que l'on est convenu d'appeler avec une certaine emphase la « renaissance carolingienne », témoin d'une culture que l'historien Robert S. Lopez qualifie pourtant de « transition ». Voulue par Charlemagne, cette dernière n'a pour but premier que de faciliter la formation de bons administrateurs et de bons évêques avec l'aide et sous la direction de savants étrangers attirés à prix d'or, tels l'Anglais Alcuin (vers 735-804), l'Espagnol Théodulf (vers 750-821), les Italiens Paul Diacre (vers 720-vers 799) et Pierre de Pise. Aussi remporte-t-elle ses succès les plus éclatants dans le domaine de l'écriture (la minuscule caroline), dont le grand mérite est la lisibilité, dans celui de la grammaire latine, dont on fixe les règles avant que le vrai latin meure définitivement, victime de la montée des idiomes nationaux, dans celui enfin de la conservation des grandes œuvres, avant qu'elles disparaissent victimes du feu, de la négligence ou du désir d'un clerc d'en réutiliser le support en parchemin à des fins hagiographiques. Réalisées essentiellement sous le règne de Charlemagne, ces réformes permettent à la renaissance carolingienne de s'épanouir réellement sous le règne de ses successeurs, notamment sous celui de Charles le Chauve, au cours duquel le plus grand penseur du temps, l'Irlandais Jean Scot Érigène, rédige le De divisione naturae (865), première grande synthèse théologique élaborée en Occident au Moyen Âge.

   Plus complexe mais sans doute plus originale et plus féconde que la renaissance des lettres, celle des arts est également fille de l'Église, au service de laquelle travaillent enlumineurs, orfèvres, architectes et musiciens.

Le declin de l'empire Carolingien

En fait, celui-ci a débuté bien avant que ne s'atténue l'éclat de la civilisation à laquelle il a servi de support politique. Nous avons déjà mentionné, ou laissé deviner, ses principaux facteurs : fidélité des souverains au principe du partage successoral égal du Regnum entre leurs fils, faiblesse de caractère des héritiers de Charlemagne qui favorise le développement anarchique du système vassalique, aliénations inconséquentes du domaine royal au profit des officiers ou du temporel des évêchés et des abbayes, multiplication abusive des immunités ecclésiastiques, qui ruinent l'empereur et le privent donc de son principal moyen d'action : l'argent.

   Un moment jugulés par l'Ordinatio Imperii de 817, par laquelle Louis le Pieux reconnaît en Lothaire le seul héritier de l'Empire, ces facteurs de dissociation l'emportent à la suite de la violation de cet acte par son auteur, désireux de doter son fils dernier-né, le futur Charles le Chauve, d'un royaume (diète de Worms, 829). Révoltés aussitôt contre leur père (830), Lothaire et Louis le Germanique s'opposent ensuite l'un à l'autre au moment d'en recueillir l'héritage, en 840, le second ayant l'appui de Charles le Chauve. Vainqueurs de leur aîné, l'empereur Lothaire, à Fontenoy-en-Puisaye le 25 juin 841, les deux frères scellent leur alliance par les serments de Strasbourg du 14 février 842, premier acte officiel rédigé non pas en latin, mais en « roman » et en « tudesque ». Enfin, en août 843, par le traité de Verdun, ils contraignent Lothaire à accepter le partage définitif de l'héritage carolingien en trois nouveaux États : la Francia occidentalis, qui revient à Charles le Chauve ; la Francia orientalis, qui revient à Louis le Germanique ; la Lotharingie, enfin, que conserve Lothaire avec le titre impérial, qui constitue un État tampon s'étirant entre les deux premiers de la Frise à l'Italie du Sud et qui englobe les capitales : Aix-la-Chapelle et Rome. Mais alors que les deux premiers royaumes servirent de berceau aux nations française et allemande, le troisième ne résista pas à la mort de son souverain Lothaire Ier, en 855 : disloqué aussitôt en trois royaumes (Italie, Lorraine, Provence et Bourgogne), il fut dans sa partie septentrionale l'objet de convoitises renouvelées de la part de ses deux puissants vassaux.

   

Louis V
Louis V

Ne survivant dès lors que sous sa forme religieuse, l'unité de l'Empire est politiquement restaurée à deux reprises avec l'aide de l'Église. Mais les espoirs de cette dernière sont déçus par la mort prématurée de ses bénéficiaires, Charles le Chauve et Charles le Gros, qui cumulent les trois couronnes, le premier de875 à 877, le second de884 à 888. Porté dès lors épisodiquement par des rois de Germanie (Arnoul, 896-899) ou d'Italie (Bérenger Ier, 915-924), le titre impérial n'est relevé qu'à la fin du Xe s. par une nouvelle dynastie, celle des Empereurs saxons (962), dont la souveraineté ne s'exerce plus que sur les royaumes de Germanie, de Bourgogne et d'Italie, tandis qu'en France les derniers Carolingiens disputent la couronne royale aux Robertiens, au profit desquels ils sont définitivement éliminés en 987, au lendemain de la mort de Louis V (986-987) et de l'avènement de son rival, le duc de France Hugues Capet.

   Brillante construction dynastique aux assises politiques et administratives insuffisamment établies, l'Empire carolingien n'a donc pas survécu aux dilapidations et aux querelles familiales et intestines des successeurs de Charlemagne, dès lors incapables de s'opposer efficacement aux invasions normandes, hongroises ou sarrasines qui, depuis 810, en ébranlent les assises et en ravagent les terres par des raids destructifs qui se multiplient tout le long du IXe s. et du Xe s. Mais de ses ruines émergent déjà les forces politiques (France, Allemagne), économiques (villes flamandes et italiennes) et religieuses (Église, papauté) dont le jeu fut caractéristique du Moyen Âge chrétien

LES ACTES ÉCRITS ÉMANANT DE L'AUTORITÉ PUBLIQUE

Introduction

La loi étant l'expression de la volonté du roi et cette dernière ne pouvant s'exprimer qu'oralement en raison de l'analphabétisme de ses sujets, le verbum regis (ou verbum imperatoris) s'identifie au bannum regis, c'est-à-dire au droit de gouverner : aussi seuls ont valeur légale les actes publiés oralement par le roi et dont la transmission est assurée par la même voie, car ils ne peuvent obliger que ceux qui les ont entendus.

Les capitulaires

Les plus importants de ces actes sont les capitulaires, dont l'élaboration nous est connue par le De ordine palatii rédigé par Hincmar à la fin du IXe s. Préparés par une commission d'experts ayant la confiance du roi et réunis en présence de ce dernier soit peu avant l'assemblée, soit au cours de celle-ci, ces actes, divisés en chapitres (capitula), sont ensuite soumis à la délibération des grands réunis en deux collèges (laïque et ecclésiastique), puis lus par le souverain au champ de mai (campus maii) devant l'assemblée générale (placitum generalis, ou conventus generalis, ou plaid) de ses fidèles, qui ne peuvent refuser leur consensus.

   Rappelant l'essentiel des décisions législatives ou administratives prises par le souverain en matière politique, économique et sociale, ces capitulaires ne se présentent qu'exceptionnellement sous la forme de precepta rédigés à son nom et validés par l'apposition de son sceau ; la majeure partie d'entre eux en est dépourvue, puisque seule leur diffusion par voie orale, assurée par le roi, par ses fils ou par leurs agents (comtes, missi dominici), a valeur légale.

   En fonction de leur objet, Louis le Pieux les a répartis en trois grandes catégories.

   La première est celle des capitula legibus addenda, qui précisent ou complètent depuis 803 le contenu des lois nationales, c'est-à-dire les coutumes de chacun des peuples germaniques dont les dispositions ont été fixées par écrit (et par là même figées dans leur forme) entre le VIe (loi salique) et la fin du VIIIe s. (loi des Saxons en 785) sur ordre des souverains désireux d'en assurer la pérennité.

   La seconde est celle des capitula per se scribenda, qui ont trait à l'administration de l'État, à l'organisation de l'armée et à celle de la justice, et qui sont applicables dans tout l'Empire, tels le capitulaire de villis, réglementant la gestion du domaine royal, ou l'édit de Pitres du 25 juin 864, par lequel Charles le Chauve précise les conditions d'émission de la monnaie (frappe d'un nouveau denier).

   Enfin, la troisième est celle des capitula missorum, traitant de questions très particulières et dont les missi dominici portent sur eux un résumé article par article destiné à leur permettre de se rappeler l'essentiel des ordres verbaux qui leur ont été donnés par leur souverain avant leur départ.

   Dans ces conditions, la chancellerie ne conservait copie dans ses archives que des seuls « capitulaires entièrement rédigés et mis sous forme de préceptes » (E. Perroy), tels celui relatif à l'organisation de l'armée (808) ou ceux rédigés sur ordre de Louis le Pieux en 819 après le dernier plaid. En fait, sous le règne de ce dernier empereur, l'évêque Anségise ne retrouva que 29 capitulaires dans les archives de la chancellerie, et il fut même possible à un faussaire, Benoît le Lévite, d'induire en erreur l'empereur Charles le Chauve en insérant des faux dans la collection d'Anségise.

Les diplômes

Héritage des temps mérovingiens, le diplôme est « considéré comme l'acte royal (ou impérial) par excellence, (celui) qui a donné son nom même à la diplomatique » (Robert Delort). Il revêt une double forme : celle de jugements (ou placita), qui commentent les sentences du tribunal royal (placitum palatii), mais dont l'importance diminue à l'époque carolingienne ; celle de préceptes, « donnant force exécutoire à des dispositions d'un caractère gracieux ou documentant des mesures administratives prises à l'égard de personnes déterminées » (cité par R. Delort). Pourvus de tous les signes de validation qui leur donnent un indiscutable caractère authentique (monogramme du souverain ; apposition du sceau royal), ces documents s'adressent à des individus ou à des collectivités auxquels le roi accorde des privilèges très précis : donations, restitutions, exemptions de taxes, reconstitutions de titres perdus par vol ou par incendie (pancartes), etc. Leur caractère même fait qu'ils sont peu à peu supplantés par les lettres royales.

Les lettres royales

D'un usage plus aisé et plus direct, la lettre adressée personnellement à l'un de ses sujets est un moyen pour le souverain carolingien de lui faire connaître sa volonté en des matières très particulières et souvent très immédiates : notification d'une élection ; octroi d'un privilège ; révision d'une condamnation, etc. Elle lui permet également de donner des ordres précis en matière administrative à ses agents locaux, telles les instructions adressées par Pépin le Bref à ses commissaires en Aquitaine en 768 pour régler les problèmes posés par la récente et difficile soumission de ce pays. Plus fréquemment employée par Charlemagne, la lettre royale ne se substitue pourtant définitivement au diplôme royal qu'à la fin du XIIe s., où elle revêt alors des formes plus diverses et plus élaborées.

Les écrits des agents locaux de l'Empire carolingien

Beaucoup moins nombreux encore que ceux qui émanent du souverain ou de sa chancellerie, ces écrits revêtent essentiellement la forme de rapports établis par les officiers alphabétisés, avec lesquels le souverain entretient une correspondance active.

Les actes écrits face à la coutume et à l'analphabétisme

Favorisé par Charlemagne, qui en a compris l'importance, le recours à l'acte écrit se heurte néanmoins, à l'époque carolingienne, d'une part à la coutume, qui repose sur la transmission par voie orale de la loi, et d'autre part à l'analphabétisme presque total des milieux laïcs, ce qui explique le caractère alors embryonnaire des services de la chancellerie. En fait, il fallut attendre que le renouveau des études eût généralisé la connaissance de l'écriture dans les milieux laïcs pour que son emploi redevînt un moyen normal et généralisé de gouvernement et d'administration aux temps capétiens.

L'ÉGLISE CAROLINGIENNE

 Henri II , Livre des péricopes
Henri II , Livre des péricopes

Soutien et allié de la dynastie carolingienne qui lui doit son accès à la monarchie, l'Église fut à la fois la bénéficiaire, l'instrument et la protectrice de l'Empire, ses souverains considérant, surtout depuis le règne de Charlemagne, que le Regnum Francorum s'identifiait avec la royauté.

   L'Église en tira de grands avantages. Les premiers sont d'ordre matériel : institution, par Charlemagne, de la dîme renouvelée des prescriptions de l'Ancien Testament ; généralisation du privilège de l'immunité, qui soustrait les seigneurs ecclésiastiques à l'autorité centrale. Les seconds, accordés à partir de 742 sous l'influence de Carloman et de saint Boniface, sont d'ordre moral ou spirituel : déposition des clercs débauchés ; condamnation des ecclésiastiques pratiquant la chasse ; interdiction des pratiques païennes ; retour à la tenue des conciles réguliers ; restauration de la fonction épiscopale par la nomination des meilleurs candidats et par le contrôle exercé avec discernement sur leurs activités par les métropolitains (archevêques), auxquels ils les subordonnent obligatoirement (capitulaire de Herstal, 779), et par les missi dominici, qui les inspectent régulièrement.

   En contrepartie de ces avantages, Charlemagne exigea des clercs qu'ils soient les auxiliaires fidèles de sa politique, tant au niveau du pouvoir central (scribes, conseillers de la chapelle ou de la chancellerie) qu'au niveau du pouvoir local, où les évêques, choisis soit au sein de la chapelle, soit au sein de la haute aristocratie franque, ont pour tâche de seconder les comtes en matière politique et administrative, sinon de les surveiller puisque les plus éminents et les plus fidèles d'entre eux sont chargés de les inspecter en collaboration avec de hauts dignitaires laïcs en tant que missi dominici (un comte et un évêque). Accaparé par de telles responsabilités, le clergé séculier abandonna aux moines l'essentiel de l'activité spirituelle et missionnaire de l'Église, ce qui amena Charlemagne à leur imposer la stricte observance de la règle de saint Benoît de Nursie. Saint Benoît d'Aniane en surveilla l'application à la demande de Louis le Pieux, qui le chargea de réformer la vie monastique dans tout l'Empire, tandis que par le capitulaire de 816 il imposait aux chanoines des églises cathédrales la règle de saint Chrodegang (712-766), évêque de Metz.

   C'est sous le règne de Louis le Pieux que l'Église s'arrogea définitivement ce rôle de protectrice de l'Empire dont elle n'était jusque-là que la bénéficiaire et l'instrument. La faiblesse du souverain qui n'hésita pas à consulter un concile d'évêques sur les devoirs des rois (Paris, 829), les querelles l'opposant à ses fils ou dressant ces derniers les uns contre les autres, tous ces faits incitèrent en effet les évêques à intervenir dans le gouvernement d'un royaume à l'administration duquel ils concouraient déjà avec efficacité. Adoptant la théorie de l'augustinisme politique exposée par le concile de Paris en 829 et analysée en 831 par l'évêque d'Orléans Jonas dans De institutione regia, les clercs firent du roi un serviteur de Dieu chargé d'assurer le salut de ses fidèles. Ainsi s'expliquent la pénitence d'Attigny par laquelle Louis le Pieux confessa publiquement ses fautes en 822, l'émancipation progressive de la papauté à l'égard du pouvoir royal (Étienne IV gouverna l'Église sans attendre la confirmation impériale de son élection en 816), l'abdication forcée en 833, puis la restauration de Louis le Pieux par les évêques en 834. La déchéance de Lothaire proclamée par les évêques unanimes en 842, l'acceptation par Charles le Chauve de la subordination de l'autorité royale au jugement moral des évêques (assemblée de Coulaines en 843), les conseils donnés aux trois fils de Louis le Pieux par l'assemblée de Yutz en 844, enfin et surtout le rôle joué entre 843 et 882 par l'archevêque de Reims, Hincmar, achevèrent de donner à la royauté le caractère d'un ministère religieux subordonné au jugement de l'Église représentée par l'épiscopat.

   En fait, une telle subordination de l'État à l'Église n'aurait jamais pu avoir lieu si l'affaiblissement du pouvoir royal et impérial n'avait pu être exploité au profit de cette dernière par des clercs éminents, qui permirent, grâce à leur culture, l'éclosion et l'épanouissement de la renaissance carolingienne. Parmi eux, les plus célèbres sont Agobard, archevêque de Lyon, Wala, abbé de Corbie, Hilduin, abbé de Saint-Denis, également conseillers de Louis le Pieux et partisans de la théorie unitaire de l'Empire ; Jonas d'Orléans, théoricien de l'augustinisme politique, et surtout l'archevêque de Reims, Hincmar, qui en fit application à l'intérieur des limites du Regnum, mais en dehors de toute intervention pontificale.

LES FINANCES CAROLINGIENNES

Les ressources monétaires du trésor royal

Introduction

Le Trésor carolingien s'alimente plus ou moins régulièrement à quatre sources différentes.

La fiscalité publique

est la moins rentable de ces sources, en raison de l'hostilité des peuples germaniques à l'égard de l'impôt sur les personnes (capitation) et de leur inaptitude à tenir à jour le cadastre permettant la levée de l'impôt foncier pesant sur la terre, enfin de l'affaiblissement de l'économie d'échanges, qui entraîne la disparition du numéraire. En fait, ne pesant plus que dans certaines régions et sur certains sujets (capitulaire de Thionville, 805), les impôts directs cessent très certainement d'être perçus au cours du IXe s. Ils sont remplacés alors soit par les cadeaux annuels (annua dona ou dona annualia) que les grands propriétaires laïcs ou ecclésiastiques doivent apporter au souverain lors du champ de mai (plaid général), soit par les contributions extraordinaires que les Carolingiens lèvent à partir du milieu du IVe s. pour faire face aux invasions normandes, hongroises ou sarrasines, et qui sont fondées pour les ruraux sur la propriété foncière et pour les marchands sur le montant de leurs avoirs mobiliers.

   Variables dans leur montant, irréguliers dans leur versement, ces impôts directs ont un rendement presque inexistant et en tout cas beaucoup plus faible que celui des tonlieux, qui représentent le résidu rentable dont les Carolingiens ont hérité de la fiscalité romaine. Perçus uniquement sur les marchandises vendues, ces tonlieux sont constitués d'une part par les taxes frappant les transactions dans les foires et les marchés et payables sans doute moitié par le vendeur et moitié par l'acheteur, et d'autre part par les taxes sur les transports routiers et fluviaux levées en des points de passage obligés (cols, ponts) ou dans les lieux de chargement ou de déchargement des marchandises.

   Malheureusement, les exactions des agents du pouvoir de même que les exemptions dont bénéficient églises, collèges et parfois grands seigneurs laïcs diminuent considérablement la rentabilité de ces ressources, réduites en outre par l'atonie des échanges.

Les droits régaliens

offrent à la monarchie carolingienne une source de revenus plus substantiels. Ceux-ci comprennent d'abord les produits de la justice, c'est-à-dire le neuvième des amendes et les deux tiers du bannum royal de 60 sous qui frappe les infractions à la volonté du souverain ; il faut y ajouter les droits de chancellerie ainsi que les bénéfices du monnayage, d'un rendement très faible, et d'ailleurs amputés plus ou moins largement, comme les profits de justice, par la fraude.

Les revenus de la guerre

constituent une troisième source de revenus, autrement importante que les précédentes, tout au moins tant que les Carolingiens poursuivirent leur politique d'expansion militaire, qui leur permit d'alimenter plus ou moins régulièrement leur Trésor avec le produit de leur butin (pillage du « ring » avar en 796) ou celui du tribut qu'ils imposaient aux peuples vaincus, mais dont le versement cessait dès que leurs forces évacuaient les territoires occupés.

Les cadeaux

enfin, produit indirect de la diplomatie carolingienne, les cadeaux des souverains étrangers en bijoux d'or et d'argent, en pierres précieuses, en étoffes de prix, en objets d'art, en meubles de prix, etc., constituent la dernière source de revenus du Trésor.

Les conséquences du système fiscal

La première est l'absence d'un véritable ministère des Finances, les réserves de la monarchie étant simplement entassées dans la chambre la plus secrète du palais, sous la garde d'un officier attaché directement à la personne du souverain : le chambrier.

   La seconde est la composition très particulière du Trésor royal, qui s'identifie au contenu de la chambre et qui comprend moins de numéraire que de lingots d'or et d'argent et d'objets précieux, en raison de la modicité des revenus monétaires procurés par la fiscalité publique. Le Trésor est considéré par le souverain comme son bien propre. Celui-ci y puise sa vie durant les somptueux cadeaux qui doivent lui attacher la considération des souverains étrangers ou la fidélité de son aristocratie ; après sa mort, il dispose de ses richesses avec une telle générosité qu'il lui arrive, tel Charlemagne, d'en léguer les deux premiers tiers à l'Église et le dernier à ses bâtards, à ses serviteurs, aux pauvres et à d'autres établissements ecclésiastiques.

   Sans doute les clauses du testament du grand empereur ne seront-elles pas respectées par son fils, Louis le Pieux, mais le seul fait que le souverain défunt ait pu songer à disposer de la totalité de ses ressources monétaires révèle qu'il devait disposer d'autres revenus pour assumer les charges de l'État.

Les revenus non monétaires de la monarchie

À cette catégorie de revenus appartiennent d'abord les prestations en travail (corvées) et en nature (logement, nourriture et transport des agents du roi) héritées du Bas-Empire et auxquelles sont assujettis tous les sujets du roi, même immunistes : ainsi travaux publics et fonctionnement des services publics, c'est-à-dire une partie importante des dépenses de l'État, se trouvent mis au compte des populations. Par ailleurs, c'est aux produits de son domaine, dont il contrôle avec soin la gestion (capitulaire de villis), qu'il recourt pour assurer l'entretien quotidien du palais, tandis que son patrimoine foncier, augmenté des biens d'Église spoliés par Charles Martel et des terres confisquées ou conquises par Pépin le Bref et par Charlemagne, lui permet par d'habiles donations de s'assurer des services et de la fiscalité de ses sujets.

   Ainsi, dans une société essentiellement rurale, la terre apparaît comme la base réelle de la puissance et de la richesse des Carolingiens, dont le déclin coïncidera justement avec l'arrêt des conquêtes extérieures, qui ne permet plus, sous Louis le Pieux, le renouvellement du patrimoine foncier de la dynastie.

L'ART CAROLINGIEN

  • Lorsch, porte de l'ancienne abbaye
  •  Henri II , Livre des péricopes
Lorsch, porte de l'ancienne abbaye
Lorsch, porte de l'ancienne abbaye

On a souvent tendance à considérer l'art carolingien comme le résultat d'une action délibérée de Charlemagne et de son entourage en vue de renouer le fil de la civilisation antique après des siècles de barbarie. Il est incontestable que la renaissance des arts à l'époque carolingienne s'inscrit dans un mouvement plus général de restauration d'un ordre à la fois romain et chrétien. L'art carolingien est pénétré des croyances et des rêves d'une époque qui prenait pour modèle la Rome chrétienne du temps de Constantin et du pape Sylvestre Ier, considérée comme un abrégé de toute l'Antiquité romaine.

   Cette volonté de renovatio se manifeste notamment dans le regain de prestige dont jouit la basilique paléochrétienne, qui appartenait à la grande tradition romaine de l'Église. Le mouvement en sa faveur débute à Rome à l'époque du pape Léon III (795-816) ; il s'épanouit sous Pascal Ier (817-824) et se poursuit, à un rythme plus lent, jusqu'au milieu du IXe s. Santa Prassede, Santa Cecilia in Trastevere et San Marco, avec leur décor de mosaïques, illustrent fort bien la renaissance d'une architecture religieuse spécifiquement romaine.

   De Rome, le courant gagne l'ensemble de l'Empire, et notamment la Germanie. L'exemple le plus frappant était fourni par l'insigne abbatiale de Fulda, rebâtie par l'abbé Ratgar en 794. Elle imitait très fidèlement Saint-Pierre de Rome dans son plan, sa structure et ses dimensions, de sorte qu'elle constitua la plus grande des basiliques construites dans l'Europe d'alors.

   Cependant, la référence à l'Antiquité n'était pas chose si nouvelle qu'elle dût apparaître comme une rupture avec le passé immédiat. Une observation plus attentive montre au contraire que l'essor carolingien prit la suite et bénéficia d'expériences préliminaires, caractérisées elles aussi, bien qu'à un moindre degré, par l'imitation de certains motifs antiques ou paléochrétiens, et réalisées aussi bien dans la Gaule mérovingienne que dans l'Italie lombarde, les îles Britanniques et la péninsule Ibérique.

   Certaines de ces réalisations antérieures perdurèrent à l'époque carolingienne, sans changer quoi que ce soit à leur esprit, et elles se répandirent même largement hors de leur domaine d'origine, en profitant des conditions favorables offertes par l'unification politique de l'Europe occidentale. C'est le cas notamment d'un type de sculpture né dans l'Italie lombarde et caractérisé par un décor d'entrelacs, de croix, d'hélices et de pampres, auxquels se mêlent parfois des scènes figurées très stylisées et traitées en méplat. Utilisés le plus communément pour orner les clôtures de pierre qui séparaient les clercs des simples fidèles, ces motifs de tradition méditerranéenne servirent également à décorer l'autel et son baldaquin. On a dénombré une foule de sculptures appartenant à ce style dans une vaste région allant du Languedoc à la Dalmatie, de Rome à la Suisse et à l'Autriche. La vogue de ces motifs se prolongera pour le mobilier d'autel pendant le Xe s., et on les trouvera encore aux origines d'une certaine sculpture romane monumentale.

   Le plus souvent, cependant, les diverses traditions locales de l'Europe précarolingienne se combinèrent dans les synthèses qui furent opérées au début du gouvernement de Charlemagne. On observe ce processus dans la formation du premier style de l'enluminure carolingienne, celui de l'école du palais. Comme sources de ces manuscrits somptueux- Évangéliaire de Charlemagne, Évangiles de Saint-Riquier, d'Ada, de Saint-Médard de Soissons et de Lorsch-, on a discerné des apports irlandais et anglais certains, ainsi que des éléments beaucoup plus complexes venant d'Italie et aussi de Byzance.

   On touche ici à l'une des sources majeures du style antiquisant qui se fit jour dans l'Empire carolingien : l'influence de l'art byzantin, pour lequel les leçons de l'Antiquité n'avaient jamais été tout à fait oubliées. On cherchera en Italie les premières rencontres entre l'Orient antiquisant et l'Occident. Depuis longtemps, l'attention a été attirée sur la théorie de saintes qui se développe, avec un vif sens plastique, au-dessus de la porte d'entrée et au revers de la façade du Tempietto de Cividale del Friuli. Ces figures, exécutées en plein relief dans le stuc, s'essaient à la marche, même si leurs pieds ne réussissent pas à suivre le mouvement du corps et des jambes dans le contrapposto. À leur monde influencé par l'antique appartient aussi la frise représentant des martyrs qui est peinte au-dessous d'elles et qui se prolonge sur les murs nord et sud du Tempietto. Il convient d'en rapprocher aussi un certain nombre de peintures du VIIIe s. décorant l'église romaine de Santa Maria Antiqua sur le forum. Sans doute doit-on voir dans cette production marquée du sceau des influences byzantines l'œuvre d'artistes qui avaient été chassés d'Orient par la « querelle des images ». C'est aussi l'origine la plus satisfaisante à proposer pour les fresques de Castelseprio, dont la découverte en 1944, dans le site sauvage de l'antique Sibrium, à 45 kilomètres de Milan, constitua une révélation.

   Ces créations auront une filiation directe ou indirecte en Italie et dans la région des Alpes, à l'époque carolingienne, avec les peintures et les stucs de la basilique San Salvatore de Brescia, le vaste cycle des peintures murales de Saint-Jean de Müstair, les fresques et les stucs de San Benedetto de Malles Venosta, mais c'est surtout par l'action qu'elles exercèrent sur la formation du goût des conquérants francs qu'elles modifièrent d'une manière profonde et durable l'évolution de l'art en Occident.

   Sans doute ont-elles contribué à rendre possible la révolution stylistique qui s'opéra à la cour de Charlemagne avec l'apparition du style illusionniste dans la peinture des livres. Le principal représentant de cette manière toute nouvelle est constitué par les Évangiles du Trésor de Vienne, que l'empereur Otton III aurait trouvés sur les genoux de Charlemagne lors de l'ouverture de son tombeau vers l'an 1000, et qui servirent par la suite au couronnement des empereurs. Leur profonde originalité, par rapport au style antérieur, provient de ce qu'ils interprètent le monde visible en concept de lumière et de couleur. Cette œuvre, à laquelle collaborèrent probablement des peintres grecs, constitua la base de l'évolution ultérieure sous le règne de Louis le Pieux. Sa manière fut surtout cultivée par l'école de Reims, d'où sont sortis le frémissant Psautier d'Utrecht ainsi que les Évangiles d'Ebbon.

   Les rapports étroits qu'il entretenait avec l'enluminure expliquent, jusqu'à un certain point, que le travail de l'ivoire ait connu le même retour à l'antique. L'imitation des compositions paléochrétiennes apparaît flagrante dans une pièce voisine de l'an 800 et caractéristique du groupe dit « Ada » : la célèbre reliure de l'Évangéliaire de Lorsch (partagée entre le Vatican et le Victoria and Albert Museum de Londres). Durant toute l'époque carolingienne, les influences antiques s'exercèrent également sur un autre art somptuaire : l'orfèvrerie. On en possède une manifestation brillante avec l'autel en or de Sant'Ambrogio de Milan, qui porte les figures de l'évêque Angilbert (824-859) et de l'artiste Vuolvinius.

   Il est très remarquable que ce soit cette référence à l'Antiquité, devenue plus sûre et plus précise, qui ait rendu possible la solution des problèmes posés par l'évolution historique, qu'il s'agisse des besoins nouveaux de la cour, de la réforme de la liturgie et du monachisme, ou encore des progrès des dévotions contemporaines comme le culte du Sauveur et celui des reliques. On assiste même à la renaissance de l'urbanisme dans des villes qui font sauter la ceinture de leurs murailles et reconstruisent leurs cathédrales selon des partis ambitieux. Partout, après avoir appris à copier les modèles antiques et s'être imprégnés de leur esprit, les artistes carolingiens se montrèrent à leur tour capables de créer.

   Le phénomène s'observe notamment dans la chapelle palatine de Charlemagne, à Aix, et dans l'oratoire privé que Théodulf, l'un des plus cultivés parmi les familiers de l'empereur, éleva à Germigny-des-Prés. Ces deux constructions diffèrent sensiblement des édifices à plan centré qui ont pu les inspirer. Mais l'originalité de l'art carolingien apparaît surtout dans les savantes constructions voûtées qui se développent alors à l'est et à l'ouest des vieilles structures basilicales. Les cryptes de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, de Saint-Médard de Soissons et de Saint-Germain d'Auxerre, le massif occidental de Corvey, pour nous en tenir à des monuments conservés, montrent, avec l'usage judicieux et réfléchi de procédés de construction savants, qu'un grand art occidental était en train de voir le jour.

   L'effort fut tragiquement interrompu et en grande partie annihilé par les invasions normandes. Il ne devait être repris qu'à l'époque romane, dans un contexte démographique, social et politique tout différent.

« RENAISSANCE » MARCHANDE ET URBAINE À L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE

Dans son ouvrage fondamental Mahomet et Charlemagne (1937), le grand historien belge Henri Pirenne (1862-1935) attribue aux invasions musulmanes la rupture des relations commerciales entre l'Orient et l'Occident et, par contrecoup, le déclin définitif du réseau urbain de cette dernière contrée, qui serait passée brutalement d'une économie ouverte à une économie fermée, le passage de l'une à l'autre étant marqué par la cessation de la frappe de l'or sous les Carolingiens, par l'abandon de l'usage du papyrus par la chancellerie des derniers Mérovingiens, par l'arrêt des importations des tissus précieux et des épices orientales sur les marchés de l'Empire. À l'intérieur de celui-ci, une renaissance urbaine temporaire, étudiée dès 1927 par Henri Pirenne dans les Villes au Moyen Âge, se serait manifestée au IXe s. autour des portus carolingiens ; mais ces derniers auraient été créés ex nihilo par des marchands itinérants d'origine inconnue à la seule exception des Frisons, vendeurs de draps flamands, auxquels serait due la création des portus mosans.

   Depuis lors, ces thèses ont été contestées par de nombreux historiens. Dans une série d'articles publiés entre 1947 et 1957 dans les Annales (économies, sociétés, civilisations), Maurice Lombard affirme que les invasions musulmanes ont non pas interrompu, mais ranimé les échanges entre l'Orient et l'Occident, dont les exportations (bois, fourrures, minerais, esclaves, etc.) sont stimulées par l'appel du monde musulman, depuis lequel afflue en contrepartie l'or thésaurisé en Perse, en Égypte ou extrait des mines asiatiques ou africaines du Soudan : dans ces conditions, l'abandon de la frappe de l'or au profit du denier d'argent renforcé, en 781, par les Carolingiens, marquerait simplement la primauté du dinar musulman (mancus) sur le sou carolingien.

   En outre, ce réveil du grand commerce aurait assuré celui des villes aux carrefours où se rejoignent les courants d'échanges qui enserrent l'Europe carolingienne d'un réseau assez lâche : façade méditerranéenne en Vénétie et en Catalogne ; sillon rhodanien et vallée mosane ; ports de la mer du Nord. Mais pour de nombreux historiens, dont F. Rousseau et G. Despy, ce réveil urbain se serait fait non pas à partir de créations ex nihilo, mais à partir d'organismes urbains dont la vie ne se serait jamais totalement interrompue depuis le Bas-Empire et ne devait pas l'être au Xe s. par les invasions normandes, contrairement à l'opinion d'Henri Pirenne.

 

 

 

 

 

 

3 janvier 2012

Les Mérovingiens (481-751)

Les Mérovingiens (481-751)

 

481 : Clovis âgé d'une quinzaine d'années succède à son père Childéric

 

486 : Victoire de Clovis à Soissons contre Syagrius dernier rempart de l'autorité romaine

 

493 : Clovis épouse Clotilde, une princesse Burgonde convertie au christianisme.

 

496 : Bataille de Tolbiac contre les Alamans. Après la victoire, Clovis se fait baptiser.

 

507 : Victoire à Vouillé (prés de Poitiers) sur les Wisigoths dont le roi, Alaric II, meurt au combat.

 

511 : Mort de Clovis. Le royaume est partagé entre ses fils : Thierry, Clodomir, Childebert et Clotaire.

 

523 : Début de la guerre entre les Francs et les Burgondes.

 

524 : A la mort de Clodomir, Childebert et Clotaire assassinent leurs neveux (12 et 7 ans) pour s'emparer de leur royaume.

 

531 : Victoire de Thierry et de Clotaire sur la Thuringe.

 

534 : Le royaume Burgonde est partagé entre Childebert, Clotaire et Théodebert (fils de Thierry).

 

541 : Expédition de Clotaire et de Childebert en Espagne.

 

558 : Mort de Childebert. Clotaire devient seul maître du royaume.

 

561 : Mort de Clotaire. Royaume partagé entre ses fils : Caribert, Gontran, Sigebert et Chilpéric.

 

567 : Mort de Caribert et nouveau partage.
Sigebert, roi d'Austrasie (nord-est), épouse Brunehaut la fille du roi Wisigoth.
Chilpéric épouse Galswinthe la sœur de Brunehaut mais garde sa concubine Frédégonde.

 

Frédégonde fait assassiner Galswinthe.

 

575 : Frédégonde fait assassiner Sigebert.

 

584 : Frédégonde fait assassiner son mari Chilpéric et devient seule reine de Neustrie.

 

595 : Mort de Childebert II, roi d'Austrasie. Sa mère Brunehaut lui succède et règne en despote.

 

597 : Mort de Frédégonde.

 

613 : Les Bourguignons livrent Brunehaut à son rival Clotaire II qui la fait exécuter après d'atroces supplices.

 

614 : Édit de Clotaire II qui confirme les grands dans leur possession.

 

623 : Clotaire nomme son fils Dagobert, roi d'Austrasie.

 

629 : Mort de Clotaire II. Dagobert lui succède.
A la fois diplomate et bon administrateur, Dagobert, avec l'aide de son ministre Éloi, réglemente la fiscalité et réforme la justice.

 

639 : Mort de Dagobert (dysenterie)

 

Rois fainéants
A la mort de Dagobert, les maires de Palais, profitant de la faiblesse du pouvoir royal, prennent le pouvoir.

 

657 : Ébroïn devient maire du Palais de Neustrie.

 

673 : Soulèvement de l'aristocratie mené par l'évêque d'Autun, Saint Léger.

 

677 : Saint Léger est assassiné par Ébroïn

 

680 : Pépin de Herstal devient maire du Palais de d'Austrasie.

 

681 : Ébroïn est assassiné.

 

687 : Victoire définitive des Austrasiens face aux Neustriens à la bataille de Tertry (Somme)

 

709 : Début d'expéditions de Pépin contre les Alamans.

 

714 : Mort de Pépin de Herstal
Son fils Charles Martel lui succède. Les nobles neustriens se rebellent de nouveau.

 

Début des invasions arabes

 

718 : Rainfroi, maire du palais de Neustrie, est écrasé par l'armée de Charles Martel.

 

725 : Les arabes s'emparent de Carcassonne.

 

728 : Campagnes contre les Bavarois et les Saxons.

 

732 : Victoire de Charles Martel à Poitiers contre les Arabes

 

741 : Mort de Charles Martel.
Ses deux fils Carloman et Pépin dit "le Bref" (pour sa petite taille) lui succèdent.
Ils installent sur le trône Childéric III, dernier représentant mérovingien.

 

747 : Carloman renonce au pouvoir et se retire dans l'abbaye du mont Cassin (Italie).

 

751 : Pépin convoque à Soissons l'assemblée des Francs et se fait élire roi.



2 janvier 2012

La vie en France avant 1789

La vie en France avant 1789

La société de la France monarchique a, bien sûr, connu diverses mutations : du Moyen Age à la Renaissance, de la Renaissance à l’Absolutisme et à la Réforme, et de la Réforme à la Révolution bourgeoise de 1789. Cependant, cette société conservait des traits majeurs dans son développement historique : l’attachement privilégié à l’Église catholique romaine faisait de la France la Fille aînée de l’Église ; les princes détenant leur légitimité du sacre, ne pouvaient la conserver qu’en exerçant une politique respectueuse des droits de Dieu (l’excommunication papale et la désobéissance des sujets auraient sanctionné tout manquement à ce devoir) ; une conception chrétienne de l’Homme conduisait indirectement la politique.

Les corps intermédiaires, arbitrés par le souverain, régissaient la sphère d’activité de leurs membres : ils œuvraient pour le bien de leur communauté, mais aussi pour le bien commun, puisqu’ils se plaçaient sous le patronage de l’Église (leurs décisions étaient toujours marquées par cette inspiration).

Ces données sont aisément vérifiables dans la vie des corporations : protégeant son métier, la corporation ne manquait jamais, dans son éthique et dans sa pratique, de sauvegarder les intérêts des consommateurs et des usagers, au travers d’une réglementation très stricte de l’exercice des métiers.

On pourrait exposer encore ici, la vie des autres corps intermédiaires : provinces, communes, sociétés diverses (qu’on appellerait aujourd’hui associations) et la vie de la famille, le seul corps naturel avec la société politique.

En fait, dans la société héritée du Moyen Age, nous sommes en présence d’une communauté réglée par seulement quelques principes (le Décalogue chrétien, notamment), d’une vie sociale particulièrement harmonieuse, hiérarchisée, ou chacun (y compris le souverain), était dépendant de l’ensemble de la communauté et de son bien commun.

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Royauté ou monarchie Française et sciences , etc....
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